- Ces dernières années, les précipitations irrégulières et la hausse des températures ont durement touché les agriculteurs de la région semi-aride du Haut Ghana oriental.
- Planter des rangées d’arbres et laisser le bétail paître dans les champs permettent de conserver l’humidité et la fertilité des sols, tout en encourageant le retour des oiseaux et des chauves-souris, qui contribuent à lutter contre les ravageurs.
- Les arbres et le petit bétail offrent également des sources de revenus supplémentaires aux fermiers.
- Selon les partisans de ces pratiques agroécologiques, l’agroforesterie en bandes intercalaires et l’agropastoralisme peuvent être adaptés à d’autres territoires sujets aux sécheresses en Afrique.
Traditionnellement, les fermiers de la région du Haut Ghana oriental semaient et récoltaient au rythme des cycles de précipitations. Mais aujourd’hui, les pluies se raréfient, les terres agricoles se désertifient et les agriculteurs sont confrontés à des températures suffisamment élevées pour faire fondre l’asphalte.
Face à toutes ces difficultés, l’agroforesterie apporte une lueur d’espoir : en associant des arbres et du bétail à leurs cultures, les fermiers trouvent des manières pour restaurer leurs terres et pour garantir leur subsistance.
Les effets du changement climatique se font de plus en plus visibles dans la savane du Haut Ghana oriental, où les pluies tombent typiquement pendant cinq mois, avec un pic de précipitations entre juillet et août, puis une baisse progressive jusqu’à octobre.
Isaac Papanko cultive le millet non loin de la petite ville de Bongo. « Lorsque j’étais petit, les pluies arrivaient quand elles devaient arriver et le sol pouvait retenir l’eau. Maintenant, la terre craquelle sous le soleil et les cultures fanent avant même de pousser », a-t-il raconté lors d’un entretien téléphonique avec Mongabay.
Bien d’autres personnes lui font écho, soulignant l’incertitude venue remplacer les cycles de précipitations auparavant réguliers. Dans les champs qui s’étendent au-delà des murs en pisé de Bolgatanga, la capitale régionale, Ibrahim Tuzee reconnaît que les habitants ont exacerbé les effets du changement climatique. Sa famille, comme beaucoup d’autres dans la région, complète les revenus tirés de la culture du millet, du sorgo et du maïs en vendant du bois de chauffage. « Nous avons abattu des arbres pour faire de la place à l’agriculture, mais nous ne savions pas que cela entraînerait de telles difficultés. Sans les arbres, les vents sont plus violents et emportent la terre avec eux », a-t-il expliqué.
Les signes d’un climat en plein changement
Les températures élevées et les sols relativement pauvres ont longtemps fait du Haut Ghana oriental une région difficile pour les agriculteurs. La région fait partie de la zone de savane soudanaise, qui enregistre historiquement une moyenne de 885 millimètres de pluie par an. Les précipitations peuvent être réparties de manière très inégale et les agriculteurs sèment souvent des graines deux ou trois fois avant que les pluies ne s’installent de manière fiable vers le mois d’août.
Il y a dix ans, les données montraient déjà une hausse des températures moyennes et une baisse des précipitations. Bien que d’autres modèles contestent ces chiffres, l’Agence ghanéenne de protection de l’environnement prévoit une diminution des précipitations pouvant aller de 2,8 % à un taux alarmant de 10,9 % d’ici à 2050.
« Avant, les pluies commençaient en mars et se poursuivaient jusqu’en septembre. Aujourd’hui, chaque saison est source d’anxiété, car nous ne savons pas si la pluie tombera », a expliqué Saeed Jafar, un fermier qui cultive le soja et l’arachide dans le district agricole semi-aride de Builsa, dans le Haut Ghana oriental. « Lorsqu’elle arrive, soit elle emporte tout, soit elle est suivie d’une longue période de sécheresse ».
Il y a dix ans, les données montraient déjà une hausse des températures moyennes et une baisse des précipitations. Bien que d’autres modèles contestent ces chiffres, l’Agence ghanéenne de protection de l’environnement prévoit une diminution des précipitations pouvant aller de 2,8 % à un taux alarmant de 10,9 % d’ici à 2050.
L’agroforesterie en bandes intercalaires en pratique : soigner la terre
Face aux conditions climatiques qui s’aggravent, les fermiers de la région se tournent vers les techniques d’agroforesterie. Dans le district de Builsa, une approche en particulier a (littéralement) pris racine : l’agroforesterie en bandes intercalaires, qui intègre des arbres aux pratiques agricoles traditionnelles. Tree Aid, une organisation à but non lucratif internationale, qui travaille sur des projets de restauration des sols et des forêts dans d’autres régions du Ghana, a introduit cette technique auprès des fermiers de la région en 2014. Ils ont planté des rangées d’arbres tels que des karités, des baobabs et des moringas à intervalles de 12 mètres et ont continué à cultiver le millet, le niébé et l’arachide à leurs pieds.
Cela fait cinq ans que Yabuku Issah plante des baobabs et des karités dans son champ : « Au début, j’avais l’impression de faire plus d’efforts pour une maigre récompense. Mais maintenant, je constate que le millet pousse mieux et que le sol retient mieux l’eau. En plus, vendre les feuilles de baobab nous permet de gagner un peu plus », a-t-il dit.
Il a également ajouté que les abeilles, les oiseaux et les chauves-souris sont revenus : « La ferme est de nouveau pleine de vie ».
Mark Smith, lui aussi fermier dans le district de Builsa, raconte que le sol de sa ferme de millet n’était que de la poussière. « Mais ce n’est plus du tout le cas. Il retient bien mieux l’eau. Nos plantes sont plus fortes, et vendre les feuilles de baobab nous permet de gagner un peu plus d’argent », a-t-il dit.
Dans un système agroforestier en bandes intercalaires, les arbres réduisent l’érosion et fournissent de l’ombre. Le sol est donc retenu et rafraîchi, ce qui limite l’évaporation de l’eau. En tombant, leurs feuilles enrichissent la terre, agissant comme un engrais naturel qui réduit la dépendance aux intrants synthétiques.
« L’agroforesterie ne se contente pas de restaurer les sols, elle permet d’améliorer leur capacité de rétention d’eau, de créer des zones d’ombre et d’attirer des pollinisateurs », a expliqué Irene Egyir, agroéconomiste rattachée à l’université du Ghana. « C’est une solution durable pour lutter contre la dégradation des sols ».
L’agropastoralisme : créer des écosystèmes équilibrés
Outre l’agroforesterie en bandes intercalaires, l’agropastoralisme, qui consiste à combiner culture et élevage, gagne aussi en popularité dans la région. Le bétail consomme les résidus de cultures, réduisant les déchets et retournant les nutriments à la terre à travers le fumier qu’ils produisent. Les systèmes agropastoraux attirent des organismes qui enrichissent le sol comme le vers de terre ou les coléoptères. Les oiseaux et les chauves-souris contribuent à lutter contre les ravageurs, tandis que les pollinisateurs prospèrent dans cet environnement varié. Cette intégration améliore la santé du sol et crée également un écosystème résilient, plus à même de résister aux chocs climatiques.
Joseph Abarike, un fermier de Kumbosco, dans le district de Bolgatanga, en décrit les avantages : « Avec les animaux, nous ne sommes pas seulement fermiers, nous sommes aussi pasteurs. Les chèvres nous donnent du lait et du fumier, et si les cultures sont mauvaises, on peut vendre un ou deux moutons ».
Beaucoup de communautés ont aussi adopté des pratiques de gestion collective du bétail. « Nous nous relayons pour faire paître les animaux dans différents champs », nous a raconté Hasana Yakubu, une veuve qui vit de l’agropastoralisme, lors d’un entretien téléphonique. « C’est un système coopératif qui nous aide tous ».
Un modèle de résilience climatique
L’agroforesterie en bandes intercalaires et l’agropastoralisme fournissent un plan détaillé pour favoriser la résilience. Ces approches intégrées permettent aux agriculteurs de restaurer les sols dégradés, de protéger la biodiversité et de stabiliser leurs revenus face aux défis posés par un climat en plein changement.
À mesure que les arbres atteignent leur maturité, ils génèrent de nouveaux revenus grâce à des produits tels que les feuilles de baobab, les noix de karité et la poudre de moringa. La vente de têtes de bétail offre également une sécurité financière en cas de mauvaises récoltes. Les agriculteurs rapportent en outre qu’ils économisent beaucoup, puisqu’ils ne dépendent plus autant des engrais synthétiques.
Egyir insiste sur l’adaptabilité à grande échelle de ces pratiques : « L’agroforesterie en bandes intercalaires et l’agropastoralisme peuvent être adaptés à d’autres régions sujettes aux sécheresses à travers l’Afrique. Avec le soutien adéquat, ces méthodes pourraient générer des bénéfices écologiques et économiques au-delà des frontières du Ghana ».
Image de bannière : Un agriculteur ghanéen ramasse du bois de chauffage pour compléter ses revenus. Image d’Axel Fassio/CIFOR depuis Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Citation :
Issahaku, A., Campion, B. B., & Edziyie, R. (2016). Rainfall and temperature changes and variability in the Upper East Region of Ghana. Earth And Space Science, 3(8), 284‑294. https://doi.org/10.1002/2016ea000161
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