- Le bassin du Congo est le plus grand puits de carbone au monde, absorbant plus de carbone que l'Amazonie.
- Cette région est de plus en plus menacée par la déforestation, la dégradation de l'environnement, le changement climatique.
- L'experte Stella Tchoukep, évoque la dont les communautés locales peuvent être davantage impliquées dans la protection des ressources naturelles et la lutte contre le changement climatique.
Connu comme le « poumon de l’Afrique », le bassin du Congo est le plus grand puits de carbone au monde, absorbant plus de carbone que l’Amazonie. S’étendant sur six pays, de l’Afrique centrale, sa forêt tropicale constitue une planche de salut essentielle pour les populations autochtones et locales, ainsi qu’un habitat crucial pour les espèces comme les éléphants, les chimpanzés et bien d’autres. La préservation des forêts du bassin du Congo est essentielle, non seulement pour l’avenir de l’Afrique, mais aussi pour celui du monde entier. Les efforts mondiaux visant à lutter contre les effets du changement climatique et la perte de biodiversité dépendent de la préservation de cet écosystème riche. Alors la République du Congo absorbe à elle seule 1,5 % de l’ensemble des émissions annuelles de carbone dans le monde.
Pourtant, la région est de plus en plus menacée par la déforestation, la dégradation de l’environnement, le changement climatique. Au Cameroun, la dégradation des sols et les sécheresses sont les causes de l’abaissement des ressources naturelles tout comme des fortes pluies qui menacent la sécurité alimentaire. Dans une interview accordée à Mongabay, Stella Tchoukep, chargée de la campagne forêt chez Greenpeace Afrique, parle de la façon dont les communautés locales peuvent être davantage impliquées dans la protection des ressources naturelles et la lutte contre le changement climatique.
Mongabay : La forêt du Cameroun est le deuxième massif forestier le plus important d’Afrique après celui de la République Démocratique du Congo (RDC). Soit environ 22,5 millions d’hectares. Elle occupe le cinquième rang africain du point de vue de la diversité biologique. Quelles caractéristiques de ce pays contribuent à sa biodiversité ?
Stella Tchoukep : Le Cameroun, comme vous le savez, fait partie des pays du bassin du Congo. Donc, ça veut dire que la forêt est très grande et elle est très riche. On a des zones qui sont encore intactes et on travaille pour que ces zones soient préservées. On a aussi, en termes d’océan, une grande capacité, une grande diversité. En termes de fleuves, de rivières, de poissons, d’espèces fauniques, il y en a vraiment plusieurs et il y en a même des espèces qu’on ne trouve qu’au Cameroun. En termes de biodiversité environnementale, le Cameroun est vraiment riche. Quand on regarde le climat, quand on regarde les saisons, quand on regarde aussi la richesse de la faune, vraiment le pays est béni.
Mongabay: Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur la forêt camerounaise ?
Stella Tchoukep : Les principales menaces qui pèsent sur la forêt sont nombreuses: la dégradation des terres, la déforestation, la perte de la biodiversité et le braconnage. Ce sont là les principales menaces qui pèsent sur la forêt camerounaise aujourd’hui.
Mongabay : Les menaces pèsent aussi sur le littoral camerounais, où l’on observe une augmentation des températures des océans, des phénomènes météorologiques extrêmes d’inondations et de sécheresse, une montée du niveau de la mer menaçant les zones côtières, et des perturbations des écosystèmes terrestres et marins. Quel est l’impact de la déforestation sur la montée du niveau de la mer et la sécurité des communautés côtières ?
C’est une question plutôt cruciale parce qu’avec le changement climatique, on assiste çà et là à des vagues de chaleur et à la montée du niveau de la mer. Et ça pour la communauté locale, c’est très dangereux; vous voyez l’impact ou la relation entre la préservation des forêts et la préservation des océans. Une fois qu’on a détruit les forêts, et la biodiversité. Donc, si on détruit nos forêts, on s’expose davantage, surtout les parties du littoral. Je prends toute la zone; je prends le grand sud, je prends la région du littoral qui est vraiment exposée à l’océan.
Mongabay : Quelles sont les conséquences pour les communautés autochtones ?
Stella Tchoukep: Les communautés du bassin du Congo en général, dépendent étroitement des ressources naturelles, que ce soient les forêts, la terre ou l’eau. Si on regarde sur plusieurs siècles, il y a une emprise sur les ressources naturelles qui contribue à la dégradation de cet écosystème. Au contraire, ce sont les politiques de développement justement qui contribuent à la dégradation des terres et à la déforestation. C’est la raison pour laquelle notre plaidoyer est de faire la balance; nous demandons au gouvernement et à tous ses partenaires de pouvoir trouver un équilibre entre le besoin de développement et la nécessité de conserver la biodiversité ainsi que la protection des droits des communautés, qui dépendent des différentes ressources.
Aujourd’hui, l’État du Cameroun par exemple, a décidé de conserver 30 % de ses forêts et de contribuer aussi à la protection des terres ou bien de réduire l’ampleur de la dégradation, parce qu’au Cameroun, on a pratiquement douze millions d’hectares de terres qui sont dégradés. Pour le faire, il y a des aires protégées qui sont créées et, encore une fois, le système est un système de conservation de forteresse et, avec ça, les communautés ne peuvent pas se développer, parce qu’elles sont privées des ressources, dont elles ont besoin au quotidien.
Mongabay : Est-ce que les populations locales et les groupes autochtones ont un rôle à jouer pour surmonter ces menaces écologiques ?
Stella Tchoukep : La vérité est que si les communautés n’avaient pas préservé cette biodiversité, on n’aurait pas eu ce qu’on a aujourd’hui à exploiter. Alors, on devrait justement valoriser leur savoir; on devrait protéger et sécuriser même leurs droits sur ces ressources-là, afin qu’elles puissent mettre leur savoir en contribution et qu’on leur donne l’espace nécessaire pour pouvoir valoriser leur savoir et permettre justement qu’on puisse avoir ce monde où l’homme vit en harmonie avec la nature.
Mongabay: Quels programmes ont été mis en place au Cameroun pour favoriser la transition énergétique vers des sources d’énergie plus durables ? Quelles sont les perspectives de développement dans ce domaine ?
Stella Tchoukep : Il y a beaucoup de petites start-ups, de jeunes, des entrepreneurs qui essaient de promouvoir justement les énergies renouvelables et les énergies propres, mais le challenge est énorme parce qu’il faut procéder à la mise à échelle. Alors, à ce niveau-là, le plaidoyer, ce serait de faciliter cela, parce qu’on a un ministère de la recherche scientifique et de l’innovation. Ce serait de dire comment ce ministère capitalise toutes les initiatives, qui sont menées même par les organisations de la société civile.
Mongabay : À travers sa contribution déterminée au niveau national (NDC) mise à jour en 2021, le Cameroun s’est engagé à réduire de 35 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Un des domaines sur lequel le gouvernement va se concentrer pour y parvenir est le secteur des déchets. Au niveau national comme dans les différentes régions comment cela va-t-il se traduire?
Stella Tchoukep : Alors, pour le faire, vu que l’humain produit des déchets, beaucoup de déchets, donc le charbon écologique vient permettre de conserver un peu les ressources que nous avons et aussi de générer des revenus, parce que c’est une économie circulaire, qui est mise sur pied. Mais aussi, ça permet de satisfaire les besoins locaux et de réduire les déchets, parce que là, on se retrouve encore dans un cercle vicieux.
Mongabay: Compte tenu du fort potentiel du pays en matière d’énergies renouvelables, il existe une marge importante pour faire passer les énergies renouvelables de moins de 1 % à 25 % du mix total, c’est peut-être un peu technique d’ici à 2035. Aujourd’hui, l’hydroélectricité est la seule source d’énergie renouvelable, mais des opportunités existent dans le solaire, l’éolien et la biomasse. Selon vous, quel est le meilleur concept qui peut permettre aux communautés de subvenir justement aux besoins quotidiens tout en préservant l’environnement ?
Stella Tchoukep : Aujourd’hui, le concept le plus simple, par exemple, c’est le charbon écologique. C’est une solution qui permet aux communautés d’avoir moins d’emprise sur les forêts et d’exploiter les différents déchets qui sont produits pour pouvoir subvenir justement aux besoins quotidiens pour le chauffage et pour la cuisson. Ça, c’est un aspect des choses qui est développé, mais j’allais dire encore à ce niveau-là, peut-être que le Cameroun et les pays du bassin du Congo ne sont pas encore avancés, parce qu’on stagne encore à un niveau du problème.
Le gouvernement est encore plus dans l’appropriation des ressources pour pouvoir les exploiter et non dans la sortie justement de ce mode, je vais dire colonial d’exploitation des ressources. Et là vraiment, c’est ce pourquoi nous luttons, il faut sortir du modèle colonial de développement pour exploiter les solutions que nous avons au niveau local.
Mongabay : En quoi le bio charbon peut-il représenter une solution écologique ?
Stella Tchoukep : Le bio charbon, le charbon écologique, c’est une solution porteuse parce que ça résout deux problèmes majeurs. Vu que l’humain produit des déchets, beaucoup de déchets, donc le charbon écologique vient permettre de conserver un peu les ressources, que nous avons et aussi de générer des revenus, parce que c’est une économie circulaire, qui est mise sur pied. Mais aussi, ça permet de satisfaire les besoins locaux et de réduire les déchets, parce que là, on se retrouve encore dans un cercle vicieux. Avec le charbon écologique, on réduit l’empreinte de l’humain sur les ressources, on réduit aussi la quantité des déchets qui sont renvoyés dans la nature, on génère des revenus et on permet justement aux communautés, aux populations de pouvoir satisfaire leurs besoins quotidiens, à savoir la cuisson, le chauffage et j’en passe.
Relance : Quelles stratégies plus faciles et rapides pourraient favoriser l’acceptation des solutions durables au sein des populations locales ?
Stella Tchoukep : Eh bien oui, c’est clair qu’on est encore loin parce que ces solutions ne sont pas mises à échelle et ne sont pas développées à grande échelle. Parce que ça aussi, c’est un problème culturel. Le charbon écologique dans certaines zones rencontre des problèmes d’acceptation, parce que les communautés ne sont pas habituées à ça. Donc, si on ne soutient pas les communautés et qu’on ne renforce vraiment pas l’éducation tout en demandant aux communautés comment ? Et quelles sont les solutions possibles? Donc, demander aux communautés ce qui peut être fait pour préserver les ressources et pour vous permettre aussi de satisfaire vos besoins ? Si on met la communauté au centre, je pense qu’on a la solution.
Image de bannière : Stella Tchoukep, chargée de la campagne forêt chez Greenpeace Afrique. Image de de Thomas-Diego Badia pour Mongabay.
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