- En République Démocratique du Congo, les activistes des droits humains font bloc commun contre certaines dispositions de la loi promulguée en 2023 portant protection et responsabilité du défenseur des droits de l’homme.
- En RDC, les activistes qui militent pour l’écologie font partie intégrante des activistes des droits de l’homme.
- En 2023, l’Organisation Global Witness avait classé, à la 8eme place, la RDC comme pays où l’on compte le plus de meurtres de défenseurs de l’environnement dans le monde.
- Les défenseurs estiment, que la nouvelle loi les réprime plus au lieu de les protéger.
Les défenseurs des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC) se disent exposés par la loi relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits humains dans le pays.
Certains d’entre eux veulent d’ailleurs que celle-ci soit révisée le plus vite possible, en vue de leur garantir un bon environnement de travail.
Olivier Ndoole Bahemuke, membre de l’organisation Alerte congolaise pour l’Environnement et les Droits de l’Homme (ACEDH), estime qu’il est plus qu’urgent aux décideurs de revisiter cette loi pour le bien de toute la population congolaise.
« Cette loi était une demande de tous les défenseurs des droits de l’homme. C’était dans le but de les doter d’un cadre qui freine les arrestations, les assassinats. Curieusement, après la promulgation de la loi, il a été remarqué qu’elle posait déjà plus de problèmes », dit-il à Mongabay.
La loi relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits de l’homme en République démocratique du Congo a été promulguée le 15 juin 2023 et comporte 30 articles.
Selon Ndoole Bahemuke, elle est le fruit d’une lutte de plus de 10 ans menée par les défenseurs des droits de l’homme juste après l’assassinat, en juin 2010, de l’activiste, Floribert Chebeya.
Selon ACEDH, de janvier à juin 2024, près de 26 cas de violation des droits des défenseurs des droits de l’homme, des droits de l’environnement et des droits d’accès à la terre ont été signalés, dont 7 assassinats.
Dans son rapport publié en septembre 2023, l’Organisation non gouvernementale Global Witness avait classé la RDC comme 8e pays où l’on compte le plus de meurtres de défenseurs de l’environnement dans le monde.
Cette ONG de défense des droits de l’homme indique qu’entre 2012 et 2022, au moins 72 défenseurs ont été tués dans le pays, la plupart de ces meurtres étaient liés à des conflits fonciers ou au braconnage, et ils ont souvent eu lieu dans des réserves naturelles.
Une situation préoccupante, selon Ndoole Bahemuke, qui croit que l’heure a sonné pour mettre un terme aux exactions contre ces activistes.
« Nous voulons que la loi puisse également inclure une obligation d’enquête. Ce qui veut dire que lorsqu’un défenseur des droits de l’homme, des droits de l’environnement est assassiné ou est arrêté, que les enquêtes soient menées, et cela de façon obligatoire », dit Ndoole Bahemuke.
Ce dernier dit mener une lutte aux côtés de ses pairs pour que certains articles soient revisités par le législateur congolais, pour ainsi créer un environnement sain, sécurisé et propice à leur travail.
« Les articles à réviser sont notamment 2, 7, 11 couplés avec les articles 26, 27 et 28 où on met en place un régime pénal spécial, contre les défenseurs des droits de l’homme », dit-il.
Ces articles leur font obligation de s’identifier auprès de la Commission nationale des droits de l’homme et fixent en détails les peines qu’ils peuvent encourir en cas de « litige » avec la loi.
Conformité avec l’exposé des motifs
Ndoole Bahemuke dit que, dans leur lutte, les activistes ont une idée claire de ce qu’ils veulent du législateur et des dirigeants congolais.
Ils veulent, que la nouvelle législation soit conforme avec l’exposé des motifs, qui retrace le passé sombre par rapport aux défenseurs des droits de l’homme. Ils veulent qu’on enlève les dispositions 26, 27 et 28 et qu’on reforme les articles 7 et 11, le point 3 de l’article 2. Ils souhaitent la mise en place d’un dispositif réglementaire par rapport à l’article 3 de la même loi.
L’alinéa 4 de l’article 7 stipule que pour des raisons de fiabilité, « le défenseur des droits de l’homme se fasse enregistrer sans frais auprès de la Commission nationale des droits de l’homme en vue d’obtenir un numéro national d’identification ».
Cette disposition irrite Ndoole Bahemuke, qui pense qu’elle vise à « encombrer » leur travail.
Il révèle que plus de 80 % des défenseurs de l’environnement en RDC n’ont pas étudié, mais ils font un travail important par rapport à la sauvegarde de l’environnement et à la justice climatique, et ont payé un lourd tribut. L’actuelle loi en vigueur ne tient pas compte de cette réalité, selon de nombreux activistes.
« Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’État veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations », stipule l’actuelle Constitution de la RDC.
Ndoole Bahemuke pense que l’actuelle loi est contradictoire avec l’actuelle loi fondamentale. « Le fait que le droit soit une obligation ne doit pas obliger un Congolais à se faire enregistrer ou à soumettre un rapport pour défendre l’environnement. La loi doit se conformer à ce cette disposition », dit-il.
Pour sa part, Maroy Chancei, avocat au barreau du Nord-Kivu, estime que la démarche des activistes des droits de l’homme visant la révision de la loi est légale et qu’il y a des mécanismes légaux à suivre pour y arriver.
Il laisse entendre que le contexte de la RDC exige que les défenseurs des droits de l’homme, surtout ceux qui défendent les droits environnementaux, soient protégés, d’autant plus qu’ils jouent un rôle « incommensurable » au sein des communautés. « La loi a un caractère obligatoire, elle est absolue. Mais il peut y arriver qu’une catégorie de personnes estime qu’une loi leur pose des problèmes. Il y a deux organes en RDC qui peuvent faire une loi. C’est l’exécutif, bien entendu le gouvernement ou le législatif pour dire le parlement. Il peut ne pas s’agir de modifier toute une loi ; mais certains articles », dit-il, arguant que ceux qui veulent la modification de certaines dispositions de la loi doivent avoir des arguments solides à faire valoir en vue d’obtenir gain de cause.
« On ne peut pas se réveiller un matin et vouloir le changement de la loi. Ce n’est pas du tic-tac, car ce genre de question doit être soumis à des commissions ad hoc. Mais, si on a des moyens solides pour avancer, c’est possible de faire voter une proposition de loi », précise-t-il.
Ndoole Bahemuke dit avoir intégré, dans l’avant-projet de sa proposition de loi, les questions liées aux personnes vivant avec handicap, surtout celles atteintes de surdimutité.
« Dans nos services publics, il n’y a pas un service d’interprètes en signes pour un défenseur de l’environnement sourd-muet qui arrive devant les tribunaux ou devant les services publics, nous voulons que ça soit obligatoire pour que les défenseurs se sentent bien dans leur peau », dit-il.
Olivier Muhire Kakoti, député provincial au Nord-Kivu, dit avoir entendu parler de cette démarche, qui vise à faire modifier cette loi sur les défenseurs des droits de l’homme. Il dit reconnaitre l’énormité du travail que mènent ces derniers et ce, de façon volontaire.
Il s’engage à accompagner les démarches visant à amender ce dispositif juridique une fois saisi officiellement, reconnaissant que la question de défense des droits de l’homme et de l’environnement est cruciale en cette période.
« Nous tous, nous savons l’importance de la défense des droits de l’homme et particulièrement la défense des droits environnementaux en RDC. Au Nord-Kivu, nous signalons la destruction de la biodiversité et les activistes s’impliquent pour la combattre. Je ferai de mon mieux pour soutenir leur démarche auprès de mes collègues députés nationaux, qui influencent directement l’adoption des lois », a-t-il dit à Mongabay.
Ndoole Bahemuke dit avoir saisi la Cour constitutionnelle ainsi que certains élus députés nationaux. En plus de cela, sa pétition a déjà reçu plus de 20.000 signatures pour la cause.
Image de bannière : Déforestation près de Yangambi, en République Démocratique du Congo. Image Axel Fassio/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0) .
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