- La structure d'âge ascendante, des densités élevées d'éléphants et des épidémies de charbon affectent la survie des éléphants de la savane africaine dans les aires protégées.
- Les gestionnaires des aires protégées doivent être conscients des mécanismes naturels de régulation des populations d’éléphants, lorsqu’ils prennent des décisions concernant la conservation et la gestion des éléphants dans toute l’Afrique.
- Ils doivent également tenir compte des rétroactions liées aux maladies, et du rôle potentiel des changements dans les régimes de précipitations.
Des chercheurs ont, pour la première fois, examiné les modes naturels de régulation des populations d’éléphants de savane braconnés dans les aires protégées en Afrique.
Ces mécanismes renseignent sur l’abondance, la survie, le recrutement et la croissance démographique des pachydermes après le braconnage.
Les modèles ont été décrits dans une étude publiée, le 12 juin 2024, dans la revue Biological Conservation. L’exploration a consisté à évaluer le potentiel de régulation des populations d’éléphants en fonction de la densité en raison d’une maladie.
Pour ce faire, ils ont utilisé un ensemble de données de capture-recapture s’étalant sur 24 ans pour des éléphants femelles adultes dans le Parc national de Tarangire, en Tanzanie, une réserve non clôturée avec un habitat naturel intact.
Les chercheurs ont constaté une croissance rapide et soutenue de la population d’éléphants de la savane africaine (Loxodonta africana), en Tanzanie, immédiatement après l’arrêt du braconnage.
L’étude dirigée par Charles A.H. Foley, Chercheur au Programme de recherche sur la conservation en Tanzanie, et au Lincoln Park Zoo, situé à Chicago (États-Unis) et Eric T. Hileman, Chercheur à la Division des forêts et des ressources naturelles de l’université de Virginie-Occidentale (États-Unis), a noté que le renforcement des protections a supprimé le contrôle du braconnage, ce qui a entraîné un rebond de certaines populations d’éléphants.
Solutions de conservation face aux maladies et aux changements climatiques
Jamais statistiquement établi comme médiateur de la survie des éléphants au niveau de la population, le charbon est pourtant une cause bien connue de mortalité des éléphants dans toute l’Afrique subsaharienne. Les chercheurs ont montré qu’à Tarangire, la relation entre le charbon et la survie des éléphants dépend fortement de la densité de leur population. Selon eux, des conditions environnementales changeantes (c’est-à-dire des sécheresses prolongées) pourraient encore renforcer les effets régulateurs potentiels du charbon sur les éléphants.
Les épidémies de charbon ont été enregistrées sur la base de l’observation visuelle des carcasses d’éléphants, avec confirmation de la cause du décès fournie par les autorités du Parc national de Tarangire après des tests en laboratoire.
« On parle de régulation Botswana, parce que la charge est supérieure à la capacité de charge. C’est-à-dire, le nombre d’individus qu’il faut par mètre carré ou kilomètre carré, dépasse largement ce qu’il faut », explique, dans un entretien accordé à Mongabay, Dr Aristide Tehou, Ingénieur forestier, chercheur au Laboratoire d’Ecologie Appliquée à la Faculté des Sciences Agronomiques de l’université d’Abomey Calavi (Bénin), et membre du groupe de spécialiste des éléphants d’Afrique, des félins, et des antilopes, de la santé des animaux sauvages de l’UICN.
S’il n’est pas clair que ce niveau de régulation est suffisant pour stopper efficacement l’altération des habitats de savane ou de forêt du fait de la surpopulation des éléphants, leurs résultats suggèrent, que les futurs scénarios climatiques plus secs prévus pour l’Afrique australe et orientale sont susceptibles d’améliorer les rétroactions associées à la régulation des populations d’éléphants.
« À mesure que les conditions sèches dominent, nous nous attendons à une plus grande suppression de la reproduction et/ou à des épidémies avec des impacts négatifs toujours croissants, réduisant encore davantage la croissance démographique », disent les chercheurs dans l’étude.
D’un point de vue de la gestion des aires protégées, cela suggère que permettre aux populations d’éléphants de s’autoréguler, comme c’est actuellement le cas dans les zones protégées africaines, peut être considéré, comme une stratégie de gestion valable, à condition que l’abondance, les taux vitaux et les impacts liés aux maladies soient surveillés, soutiennent-ils.
Les chercheurs ont noté que la maitrise du mécanisme naturel de régulation des populations d’éléphants élève la survie annuelle et contribuait 15,2 fois plus à la croissance de la population, que le recrutement dans leur zone d’étude. Ils ont observé qu’une structure d’âge ascendante, des densités élevées d’éléphants et des épidémies de charbon, étaient négativement associées à la survie, représentant 62,4 % d’importance variable.
Ils ont conclu que la maladie est un mécanisme clé dépendant de la densité pour réguler les populations d’éléphants, capable de stabiliser rapidement la population. Cependant, les schémas d’épidémies de charbon varient selon les populations d’éléphants, ce qui nécessite une meilleure compréhension de la diversité et des facteurs déterminants des épidémies de charbon, ainsi que de leurs effets sur les taux vitaux des éléphants.
De la régulation des éléphants en Afrique de l’Ouest
En Afrique de l’Ouest, le Complexe W-Arly-Pendjari (WAP), un ensemble de parcs nationaux frontaliers du Bénin, du Niger et du Burkina Faso, est le principal noyau de concentration d’éléphants. En 2024, plus de 6400 éléphants sont dénombrés dans les parcs nationaux de la Pendjari et du W-Bénin au terme d’un inventaire aérien. « Depuis 1994 que je travaille dans l’ensemble du WAP, je n’ai pas encore vu d’éléphants morts pour cause de maladie », dit Tehou. Il relève que c’était des hippopotames, qui avaient été sujets à une suspicion de charbon, mais après analyse, c’était leur cour d’eau, qui avait été empoisonné.
« La capacité de charge occupée ici n’atteint même pas 50 %. Il y a suffisamment d’espace pour les éléphants», souligne le chercheur selon qui les éléphants du WAP se développent et vivent jusqu’à 80 ans voir au-delà, et décèdent généralement de mort naturelle. Leurs carcasses sont retrouvées avec leurs pointes quand ce n’est pas du fait du braconnage. Après avoir survolé les sites en avril dernier en pleine saison sèche, Tehou indique qu’il n’y a pratiquement pas de carcasses, le braconnage ayant diminué considérablement des suites de la menace terroriste au Burkina Faso depuis 2015.
« Il n’y a pas de problème de régulation en Afrique de l’Ouest », dit-il. Toutefois, il évoque la pression démographique des populations riveraines des parcs nationaux sur les aires protégées et les couloirs de passage des éléphants. Notant l’impact des changements climatiques sur les éléphants, qui sont des animaux inféodés à l’eau, dont la rareté influence le mode de vie, l’écologie et l’éthologie.
« Les changements climatiques affectent les éléphants, qui sont obligés de se déplacer de temps à autre, du fait du changement climatique », dit dans un entretien par téléphone à Mongabay, Claude Monghiem, Directeur de la recherche au sein de Mbou-Mon-Tour, une organisation non gouvernementale de la RDC créée dans l’objectif de protéger la faune. De ses explications, leur habitat, végétation, alimentation sont affectés. Dans leurs déplacements, les éléphants affectent les populations, ce qui crée des conflits entre hommes et éléphants avec des dégâts collatéraux, parmi lesquels la mort d’éléphants, indique-t-il.
« Les causes de décès des éléphants au Mali sont sensiblement plus grandes par le braconnage que par les maladies », dit à Mongabay, le Colonel Major Abdoulaye Tamboura, Directeur Général Adjoint des Eaux et Forêts du Mali.
« Plus le nombre d’éléphants est grand dans un espace réduit, plus intervient une maladie qui régularise en diminuant le nombre d’éléphants. Pour le cas spécifique du Mali, on a un petit nombre, 316 sur 4.263.320 hectares », dit Tamboura parlant des conclusions de l’étude de Foley et de Hileman.
Toutefois, il note que l’impact des changements climatiques est négatif sur les éléphants au Mali, qui est dans une zone très chaude, où les mois de mars jusqu’en fin juillet, il fait très chaud et les pluies sont rares. Les éléphants sont alors exposés à la soif pouvant conduire à la mort de leurs petits. Cela entraine leurs déplacements vers les zones les plus humides, d’où naissent des conflits entre les hommes et les éléphants.
En dépit de la régulation naturelle, des attentes subsistent sur la conservation des éléphants au Mali et dans le WAP, face à la pression de populations riveraines sur la faune et les changements climatiques.
Image de bannière: Des éléphants de savane (Loxodonta africana) buvant dans le Ratlhogo Waterhole Hide, à Pilanesberg NP, au Nord-Ouest, en Afrique du Sud. Image de Bernard Dupont via Flickr (CC BY-SA 2.0).
Citation:
Foley, A. H. C, Hileman, T. E., Parsons, W. A., Foley, S. L., Lobora,L. A., Faust, J. L. (2024). Disease and population density act together to naturally regulate African savanna elephants. Biological Conservation, 296. DOI: 10.1016/j.biocon.2024.110670.
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