L’expansion des cultures d’huile de palme est une menace importante pour les rares félins sauvages de l’ile de Bornéo. C’est le résultat d’une récente étude de trois ans qui a nécessité la mise en place de plus de17 000 pièges photographiques. Cette étude s’est déroulée à Sabah, le deuxième Etat de Malaisie, dans cinq zones ayant des environnements différents. Les chercheurs ont découvert que les cinq espèces de félin étaient majoritairement menacées par la perte d’habitat, une conséquence directe des plantations d’huile de palme.
« Il n’existe pas d’autres endroit au monde avec une menace aussi importante pesant sur les félins sauvages ! » nous a communiqué Jim Sanderson, expert en petits félins. En mettant l’accent sur le fait que 80% des félins de l’ile de Bornéo étaient menacés d’extinction, Sanderson a ajouté que « aucune de ces espèces ne représentaient de menace directe pour les hommes ».
Cette étude d’avant-garde, entreprise par Jo Ross et Andrew Hearn en coopération avec le projet Chats Sauvages de Bornéo et Léopard tacheté du programme anglais Global Canopy, a permis de récolter les premières données sur les espèces félins de l’ile. Parmi les 5 espèces présentes à Bornéo on trouve le Léopard tacheté de la Sonde (Neofilis diardi), le Chat doré (Catopuma badia), le Chat marbré (Pardofelis marmorata), le Chat léopard (Prionailurus bengalensis) et le Chat à tête plate (Prionailurus planiceps).
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Chat à tête plate captif. Peu de choses sont connues sur cette espèce, si ce n’est qu’il s’agit d’une espèce prédatrice chassant en d’eau douce, le Chat à tête plate passe une grande partie de son temps à se nourir dans l’eau. Photo de Jim Sanderson. |
« La présence des cinq espèces à Sabah est un trésor que l’on doit conserver, et les connaissances sur ces félins ont été améliorées grace à l’étude » déclare le Professeur David Macdonald, Directeur de WildCRU (Unité de recherche pour la Conservation de la Vie Sauvage), et travaille avec les félins sauvages sur toute la planete. Macdonald préside le projet à Sabah avec différents intervenants pour discuter des mesures de conservation qui doivent être mises en place pour protéger les félins de l’île.
Ross et Hearn ont découvert que les cinq espèces étaient présentes à l’intérieur des forêts primaires et ainsi qu’à l’extérieur, mais une d’entre elle, le Chat léopard, est aussi présente dans les plantations d’huile de palme. Pour les quatre autres espèces de félin les plantations constituent une frontière qu’elles ne franchissent pas, même durant les migrations. De plus, Ross et Hearn n’ont pas trouvé de trace qui prouverait que la présence des Chats à tête plate dans les plantations d’huile de palme, malgré le fait qu’ils soient aptes à survivre dans ce milieu. Les chercheurs pensent que les conclusions de l’étude soutiendraient l’intérêt de préserver les forêts restantes de l’expansion de la culture de l’huile de palme.
L’estimation de la densité de population du Léopard tacheté de la Sonde a été réalisée à l’aide de pièges photographiques, de colliers émetteurs et grace pistage d’ individus. Le Léopard tacheté de la Sonde, qui est une espèce endémique des îles de Bornéo et Sumatra, a récemment été décrit comme une espèce différente du Léopard tacheté du continent.
Léopard tacheté de la Sonde autophotographié. Cette espèce est la plus grande des espèces de félins vivant su l’ile de Bornéo, mais sur l’ile de Sumatra elle est en compétition avec le Tigre de Sumatra. Copyright : programme Global Canopy. Photo de Jo Ross et Andrew Hearn.
Ross et Hearn ont été les premiers à prendre en photo l’insaisissable Chat doré de Sabah, et ils ont réalisé l’unique film de l’espèce qui existe au monde.
Trois des cinq espèces de félins de l’ile de Bornéo, dont le Léopard tacheté de la Sonde, le Chat doré et le Chat à tête plate, sont présentes sur la Liste rouge de l’UICN, dans la catégorie Espèce en Danger (EN).
« Le danger sui pèse sur les félins sauvages de l’ile (et la faune en générale) est le résultat d’une multitude de menaces. En premier lieu la perte d’habitat massive engendrée par les plantations d’huile de palme. Puis l’abatage des arbres qui n’est pas régulé et même dans certains endroits il est illégal. Il y a aussi du braconnage dans les zones de conservation et les réserves. Et enfin les rivières qui sont détruites par les rejets des plantations, par le curage pour l’orpaillage, par la pollution ainsi que par l’augmentation de l’utilisation des filets de pèche » explique Sanderson.
Le Chat léopard sur l’ile de Bornéo est considéré comme l’unique sous-espèce. Copyright : programme Global Canopy. Photo de Jo Ross et Andrew Hearn.
A l’exception du Chat léopard, les populations de félin de l’ile de Bornéo sont de faibles densité. L’étude a montré qu’une population de 250 Léopards tachetés de la Sonde avait besoin de 3 000 à 8 600 kilomètres carrés (1 158 à 3 088 miles carrés). Il n’existe que peu d’endroit sur Sabah avec des forêts encore de cette taille.
« Les félins sauvages et plus particulièrement le Léopard tacheté de la Sonde, sont les emblèmes des forêts de l’ile de Bornéo, il est donc vital de les préserver comme des espèces parapluie qui par leur présence entraine la protection de l’écosystème forestier en général» affirme Macdonald.
Le Chat marbré est classé Vulnérable sur la Liste rouge de l’UICN. Le Chat léopard est la seule espèce de l’ile qui n’est pas menacée et donc classifiée de préoccupation mineure (LC).
Les chercheurs pensent qu’il reste moins de 2 500 Chats dorés adultes à l’état sauvage. Cette espèce endémique de l’ile de Bornéo est menacée d’extinction par la déforestation. Copyright : programme Global Canopy. Photo de Jo Ross et Andrew Hearn.
Le projet Premières étapes pour la conservation des félins sauvages de l’ile de Bornéo est dirigé par le Département de la Vie Sauvage de Sabah en collaboration avec l’Université Malaisienne de Sabah et le projet sur les félins sauvages de l’ile de Bornéo et le Léopard tacheté du programme anglais Global Canopy. Ce projet est largement financé par le programme Darwin Initiative du gouvernement du Royaume-Uni.
Le Chat Marbré, est une espèce encore mal connue, on sait peu de chose sur son écologie. Copyright : programme Global Canopy. Photo de Jo Ross et Andrew Hearn.