- En République démocratique du Congo, l’artisanat minier n’a eu de cesse de grandir depuis 2002, jusqu’à représenter 10 à 20 % des productions de cuivre et de cobalt.
- Or, les exploitants artisanaux continuent à travailler sans sites d’exploitation, ce qui les expose à l’errance, même si l’Etat vient d’annoncer la mise à leur disposition de 5 carrés miniers.
- En plus, ces exploitants des minerais importants sont constamment exposés à de nombreux risques, notamment pour leur santé, voire pour leur vie.
- De l’avis d’un expert, l’information et la formation des exploitants artisanaux peuvent aider significativement à minimiser les risques.
Dans la région du Katanga, le Sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), environ 200 000 personnes travaillent dans l’exploitation artisanale du cuivre et du cobalt, deux minerais essentiels pour les technologies de la transition énergétique, d’après l’estimation de Papy Nsenga, qui encadre des exploitants artisanaux à Kolwezi, la capitale de la province du Lualaba.
A l’échelle mondiale, cette production représenterait 10 à 20 % de ces ressources, dont dépendent 10 millions des proches des « creuseurs », selon la Banque mondiale, le reste étant assuré par les industriels. En majorité, ces exploitants tirent leurs revenus des creusements manuels, dans des conditions sécuritaires souvent trop risquées. Or, depuis 2002, lorsque la société publique Gécamines (Générale des carrières et des mines) est morcelée et a donné naissance à plusieurs sociétés privées, l’Etat a promis d’encadrer l’artisanat pour une migration vers « la petite mine », c’est-à-dire, une semi-industrialisation. Mais, en réalité, les artisanaux accèdent difficilement aux gisements, qui sont quasiment tous attribués aux industriels.
C’est ainsi que beaucoup de mineurs artisanaux sont devenus des clandestins et ont assisté à la dégradation de leurs conditions socio-économiques. Depuis, ils errent de carrière en carrière, tentant parfois de s’imposer sur certains gisements attribués aux privés.
Dans le Lualaba, d’après Frédéric Malu qui coordonne l’ONG CENADEP spécialisée notamment dans l’aide et l’assistance aux exploitants artisanaux, les autorités ont créé des « zones tampons », c’est-à-dire, « des zones sur lesquelles on admet les mineurs artisanaux d’une manière temporaire ». « Ce ne sont pas des zones d’exploitation minérales artisanales. Ce sont des zones, qui appartiennent à des entreprises, mais sur lesquelles on accepte quand même que les artisans puissent opérer jusqu’aujourd’hui », explique Malu.
La résultante est que, contrairement à ce qui est prévu à l’article 156 du Code minier, l’attribution des ZEA (Zones d’exploitation artisanale) de cuivre et cobalt peine à prendre corps. En plus, les coopératives minières, qui organisent les exploitants artisanaux n’ont pas toutes de capitaux propres pour investir dans l’outil de production, qui assure la semi-industrialisation, disent Fréderic Malu et son collègue Richard Mukena d’Afrewatch, une ONG spécialisée dans les ressources naturelles, tous vivant à Lubumbashi.
La Société Générale du Cobalt peine à démarrer effectivement
En 2019, à la suite de la promulgation, en mars 2018, du Code minier révisé, l’importance de l’artisanat minier et le besoin de le valoriser conduisent l’Etat congolais à créer l’Entreprise générale du cobalt (EGC). A travers la Gécamines, qui en détient 95 % d’actifs, les autorités congolaises entendent assainir et sécuriser la filière.
L’EGC promet « une solution immédiate aux conditions de travail des artisans miniers ainsi qu’un encadrement en adéquation avec les normes sociales et environnementales », même si ses premiers gisements à la disposition des « creuseurs », ne seront annoncés que 5 ans plus tard, récemment en février 2024. Un carré minier correspond à une petite unité cadastrale non divisible et équivaut à 84,95 ha, d’après le cadastre minier. Les 5 carrés miniers obtenus représentent ainsi 424,75 ha.
Pour Papy Nsenga, encadreur des exploitants artisanaux à Kolwezi où se concentre l’essentiel des exploitants artisanaux, ces espaces ne sauraient accueillir tout le monde. Même son de cloche de la part de Richard Mukena de l’ONG Afrewatch, spécialisée dans les ressources naturelles, qui salue tout de même les efforts de l’Etat congolais ayant « permis enfin à l’EGC d’installer des comptoirs d’achat » des minerais de la filière artisanale.
Pour Richard Mukena, la loi minière congolaise prévoit qu’une entreprise minière puisse renoncer à une partie de sa concession au profit des exploitants artisanaux. Ce qui n’est pas le cas à ce jour, regrette-t-il. Les industriels « disent que ça sera entretenir l’insécurité ou l’envahissement [de leurs concessions, Ndlr] et qu’ils payent le droit superficiel sur leurs propriétés », qu’ils refusent ainsi de laisser aux tiers, explique Richard Mukena.
Or, de l’avis de Frédéric Malu et de Richard Mukena, plusieurs coopératives minières sont contrôlées par des politiciens à travers la technique de prête-nom.
Des conditions environnementales assez risquées
Les mines artisanales de cobalt et de cuivre conjuguent plusieurs défis environnementaux irrésolus à ce jour. Les « creuseurs », qui travaillent à la pioche et s’engouffrent dans de longs tunnels non sécurisés, n’ont pas souvent le moindre équipement de protection. Or, comme l’illustre le récent renvoi en RDC de plusieurs cargaisons des concentrés de cuivre et de cobalt de la société chinoise COMMUS détenue majoritairement par la chinoise Zijin, depuis l’Afrique australe où elles étaient en transit d’après plusieurs médias congolais, le degré de radioactivité de ces minerais peut parfois s’avérer élevé et dangereux pour la santé humaine.
L’exposition aux radiations peut devenir importante pour les mineurs. Puisque le cuivre ou le cobalt peut « contenir de petites quantités d’uranium et de thorium, qui se désintègrent en éléments hautement radioactifs », explique dans un message écrit Queenter Osoro, Présidente de l’Association de l’Afrique de l’Est pour la radioprotection (EAARP.CO.KE), contactée par Mongabay. Pour un autre expert, qui a préféré garder l’anonymat, les raffineurs peuvent être aussi exposés aux résidus qui peuvent contenir « du radium issu de la chaine de décroissance radioactive de l’uranium, lequel est toxique et radiotoxique par ingestion. De même, la présence d’U génère du radon en amont de cette chaîne de décroissance, lequel est aussi délétère pour les alvéoles pulmonaires de celui qui en respire en quantité ». Ceci explique que certains pays décident de retourner une cargaison présentant des seuils de radioactivité au-dessus de la normale. Quant aux dangers liés au transport, ils seraient plutôt réduits, selon ce même expert.
En revanche, sur le plan environnemental, l’extraction de cuivre et cobalt peut occasionner le rejet de matières radioactives dans les rivières et les plans d’eau à proximité, selon Queenter Osoro. Dans ce cas, l’accumulation des contaminants radioactifs peut atteindre la vie aquatique, l’agriculture dépendante de l’eau ou les utilisateurs.
Si les études toxicologiques au niveau des hôpitaux semblent plutôt peu accessibles, Dr Mathieu Mulumba, qui travaille à la polyclinique Sauveur de Lubumbashi, dit que les cas d’oncologie, comme le cancer, sont courants dans la ville. Selon lui, cette maladie atteint généralement les enfants issus majoritairement des milieux miniers.
Par ailleurs, pour l’ONG Afrewatch, le coût humain de l’exploitation du cobalt est très élevé. Son enquête, menée dans 25 villes avec des scientifiques du Département de toxicologie et d’environnement de l’université de Lubumbashi, révèle notamment que les rivières Katapula et Kalenge sont « hyperacides », alors que les rivières Dipeta et Dilala à Kolwezi sont « très acides ». Ces quatre cours d’eau sont pourtant utilisés encore à ce jour par les paysans, notamment pour des cultures maraichères.
Informer et former les miniers artisanaux pour moins de dangers
A propos de l’agriculture, cette même étude d’Afrewatch indique que sur 144 habitants interrogés, les personnes concernées (la quasi-totalité, soit 99 %) ont vu baisser leurs rendements, ces dernières années, et manquent, pour près de 60 %, de ressources pour la scolarité de leurs enfants, alors que 75 % ne disposent pas de moyens suffisants pour accéder aux soins de santé ou acheter des médicaments.
Le plus à craindre, dans cet environnement, ce sont des composés chimiques potentiels ou souffre, la chaux et autres métaux parfois radioactifs, qui peuvent se répandre lors du déplacement de petites particules, qui « se lèvent dans l’air parce que les sols sont nus et [qui] peuvent retomber dans l’eau ou dans les champs, plusieurs kilomètres plus loin », d’après Jean-Pierre Djibu.
Pour Jean-Pierre Djibu, la RDC peut minimiser les risques pour les riverains et les travailleurs des mines. « Il serait intéressant d’informer, former et sensibiliser. Tant que les gens ne sont pas formés, ils restent ignorants et ne se protègent pas », et ne posent pas des actions de projections, dit Djibu.
Image de bannière : Exploitation minière artisanale en République Démocratique du Congo. Image de Julien Harneis via Wikimedia commons (CC BY ND 2.0).