- Les activistes dénoncent une « bureaucratie », qui ne reconnait pas les droits fonciers et forestiers des peuples autochtones d’Afrique centrale.
- Sans régime foncier sécurisé, l'accaparement des terres et les inégalités croissantes en Afrique centrale vont affecter les communautés les plus vulnérables et fragiles de la sous-région.
- Pour faire avancer la transition écologique, la justice climatique reste un impératif pour les pays du bassin du Congo.
- Sans financement approprié, les peuples autochtones ne peuvent jamais se mobiliser à travers des initiatives communautaires de conservation durable dans le bassin du Congo.
Au lendemain de la clôture des travaux de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (AMCEN), à Nairobi, au Kenya, des militants écologistes exhortent dans une déclaration rendue publique en marge de cette rencontre, les gouvernements à mettre en place des mécanismes de financement direct au profit des peuples autochtones et des communautés locales, pour mieux lutter contre la déforestation alarmante en Afrique centrale.
Un rapport publié en 2021, par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), sur l’état des forêts du bassin du Congo, montre que l’abattage des arbres reste une menace vitale pour les communautés locales au niveau de la sous-région.
Ce rapport indique que l’expansion des terres cultivées, est responsable de près de 27 % de la déforestation dans la sous-région. Une déforestation, qui, par conséquent, entraine des précipitations imprévisibles, des sécheresses prolongées et des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes.
Les données montrent que le bassin du Congo abrite 200 millions d’hectares de forêt, répartis à travers six pays, dont 60 % se trouvent en République démocratique du Congo et les 40 % restants partagés entre le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Cameroun, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale, le Rwanda et le Burundi.
Alors que ces forêts offrent jusqu’ici des moyens de subsistance à quelque 80 millions de personnes, les données disponibles indiquent que la gestion de la propriété foncière des peuples autochtones et des communautés locales dans cette zone reçoit une petite part du financement des donateurs internationaux.
Dans un rapport intitule « Insuffisance des financements », l’Ong Rainforest Foundation Norway, affirme qu’entre 2011 et 2022, les questions de droits fonciers des peuples autochtones et de leur gestion des forêts ont reçu peu de financements de la communauté internationale, par rapport aux besoins existants et à d’autres objectifs environnementaux.
Ce rapport révèle que les projets soutenant les droits fonciers et la gestion des forêts par les peuples autochtones ont reçu dans l’ensemble environ 2,7 milliards USD, des bailleurs de fonds publics et privés.
« Cela représente moins d’un pour cent de l’aide publique au développement (APD) pour l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques au cours de la même période », affirme Torbjorn Gjefsen, Conseiller principal en politique de financement international des forêts, pour Rainforest Foundation Norway, et co-auteur de ce rapport.
Les auteurs de ce document déplorent le fait que les principaux acteurs les plus actifs dans le financement direct des projets pour les peuples autochtones, sont constitués en grande partie par les ONG internationales, les agences des Nations unies plutôt que les organisations des peuples autochtones.
« Il y a un besoin pressant d’accroître considérablement le soutien en faveur des peuples autochtones [des forêts tropicales], tant sur le plan financier que politique, pour leur permettre de bénéficier d’un régime foncier sûr et à gérer leurs terres coutumières et leurs forêts de manière durable », affirme Gjefsen à Mongabay.

Alors que la mise en place des mécanismes de financement équitables pour s’adapter au changement climatique figurait à l’ordre du jour de la 20ème session de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement, certains activistes (14 au 18 juillet) dénoncent « la bureaucratie » qui ne reconnait pas les droits fonciers et forestiers des peuples autochtones d’Afrique centrale, notamment.
Si les ministres africains recommandent des réformes dans le financement climatique, qui se présente actuellement sous forme de prêts accordés, par des institutions financières internationales, ce qui a aggravé le surendettement dans de nombreux pays, « Greenpeace Africa » déplore que les peuples autochtones, qui pratiquent la gestion communautaire des forêts au niveau du bassin du Congo, ne sont pas non plus entendus dans les prises de décision et ces politiques climatiques.
« Les pays d’Afrique centrale doivent combler les écarts financiers pour les peuples autochtones, qui sont les principaux gestionnaires des forêts, depuis des générations », affirme Dr Fabrice Lamfu Yengong, chargé de la campagne « Forêt » chez Greenpeace Afrique.
Pour une reconnaissance des droits fonciers et coutumiers
En effet, l’élimination des obstacles aux flux financiers demeure un enjeu crucial pour assurer l’accès direct des peuples autochtones du bassin du Congo, à la mise en œuvre de différents actions et programmes contribuant à lutter contre la déforestation et la perte de la biodiversité dans la sous-région.
« Sans régime foncier sécurisé, l’accaparement des terres et les inégalités croissantes [en Afrique centrale] vont affecter les communautés les plus vulnérables et fragiles dans la sous-région », souligne Dr Yengong, dans une interview exclusive à Mongabay.
Pour sa part, Joseph Itongwa Mukumo, coordinateur régional du réseau des peuples autochtones et locaux pour la gestion durable des écosystèmes forestiers en Afrique centrale (REPAELAC), observe que l’accaparement des terres appartenant aux peuples autochtones persiste dans la sous-région, alors que ce phénomène n’était pas prévu lorsque les politiques foncières actuelles ont été définies.
« Ces mécanismes de financement climatique devraient appuyer les efforts qui accordent une priorité à la sécurisation renforcée des droits des peuples autochtones sur les terres », dit-il à Mongabay.

Une étude publiée par l’Institut des ressources mondiales (WRI), en 2021, a montré que les peuples autochtones restent les meilleurs gardiens des forêts et des précieux services écosystémiques qu’elles fournissent, à l’instar de la biodiversité.
Toutefois, l’étude montre que les gouvernements de nombreux pays détiennent et administrent légalement la plupart des forêts naturelles, ce qui a contribué au taux élevé de perte et de dégradation des forêts, attribués notamment à l’échec de la gestion étatique.
En termes de financement accordé aux pays en développement, dont ceux du bassin du Congo, pour inverser les tendances actuelles du changement climatique, l’aide des pays riches vers les pays émergents était au départ estimé à 116 milliards de dollars par an.
En marge de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP29), tenue en novembre 2024, à Bakou (Azerbaïdjan), les pays développés ont approuvé 300 milliards USD de financements annuels, sous forme de prêts et de dons, pour les pays en développement.
Dr Yengong affirme que, pour faire avancer la transition écologique, la justice climatique reste un impératif pour les pays du bassin du Congo, s’agissant de la reconnaissance des droits des peuples autochtones et des communautés locales, pour leur accès direct aux fonds climatiques.
De surcroit, les activistes écologiques affirment que la reconnaissance des droits fonciers et forestiers, pour ces peuples autochtones et ces communautés locales, doit s’accompagner des mesures d’accès au flux financier, parce que ces communautés n’exercent pas légalement le contrôle sur leurs terres ancestrales.
« Ces communautés sont parfois vulnérables à des situations qui découlent des phénomènes liés à l’accaparement des terres, des activités menées par les industries extractives et des mesures de conservation imposées par les pouvoirs publics, au niveau de la sous-région », dit-il à Mongabay.
Selon lui, l’absence de mécanismes de financement climatique direct, approprié et durable, limite gravement le potentiel de transformation des peuples autochtones de la région de l’Afrique centrale, pour contribuer aux solutions climatiques.

Des projets de conservation mal conçus
Par exemple, Greenpeace estime que, sans financement approprié, les peuples autochtones ne peuvent jamais se mobiliser à travers des initiatives communautaires de conservation durable, ainsi qu’à travers des pratiques agro-écologiques ou toute autre initiative de reforestation.
« Les savoirs autochtones dans la conservation, qui ont été toujours appliquées depuis des siècles, dans la gestion du bassin du Congo, sont souvent exclus des cadres politiques fondés sur la science, en raison du manque de financement approprié », déplore Dr Yengong.
Du point de vue de Greenpeace Afrique, si la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement souhaite sérieusement parvenir à la résilience climatique et mettre un terme à la perte de forêts en Afrique, en particulier dans le bassin du Congo, le financement climatique décentralisé, fondé sur l’équité et axé sur la justice, demeure crucial.
« Au niveau du bassin du Congo, ces peuples autochtones sont toujours incapables de s’opposer à l’accaparement des terres, à l’exploitation forestière illégale, aux industries extractives ou aux projets de conservation mal conçus », dit Dr Yengong.
Image de bannière : Henri Imana (à gauche) et sa famille dans sa ferme modèle à Iyembe Monene, en RDC. Afin d’améliorer les pratiques agricoles et de réduire la destruction des forêts, le WWF travaille avec des agriculteurs sélectionnés pour diversifier les cultures et restaurer la santé des sols sur leurs terres. Image de Molly Bergen/WCS, WWF, WRI via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Sécuriser les droits fonciers des peuples autochtones pour protéger les forêts du bassin du Congo
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