- Les autorités locales de la région de Sava, Madagascar, rapportent que certains restaurants vendent illégalement de la viande de lémurien.
- Un conservationniste indique que les gens utilisent un code pour commander.
- Plus de 90 pour cent des espèces de lémuriens sont menacées selon l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Note de l’éditeur : Cet article contient des images explicites.
Deux représentants de la faune de la région de Sava de Madagascar ont chacun confirmé que la viande de lémurien est servie dans des hôtels de leur région malgré les efforts pour mettre fin au commerce illégal de gibier et pour protéger les vertébrés les plus menacés de la planète.
Un autre conservationniste rapporte que la population locale malgache utilise un code pour commander de la viande de lémur en évitant de mentionner l’animal.
Les lémuriens se trouvent à l’état sauvage seulement à Madagascar et dans l’archipel des Comores adjacent. Plus de 90 pour cent des 111 espèces restantes sont menacées d’extinction selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La liste identifie 24 espèces « en danger critique d’extinction », 49 « en danger » et 20 « vulnérables ». Lors d’une rencontre pour de la commission pour la survie des espèces de l’UICN, en 2012, les conservationnistes ont conclu que les lémuriens sont probablement les plus menacés de tous les vertébrés.
Ces animaux ont toujours été chassés et consommés par des habitants des alentours des forêts tropicales de Madagascar dont plusieurs vivent dans la pauvreté. Dans certaines régions du pays, le fady, tabou culturel, protège des espèces de lémuriens, mais dans les autres, la viande de lémurien a sauvé plusieurs personnes de la famine grâce aux protéines qu’elle contient. La consommation de viande de lémuriens dans les restaurants des villes a connu une hausse subite après le coup d’État de Madagascar de 2009, mais s’est éteinte depuis.

Néanmoins, selon les sources de Mongabay, la viande de lémurien serait encore au menu dans certaines régions urbaines, du moins, dans le nord-est du pays.
Jean André Mboly, directeur du parc national de Marojejy dans le nord-est de la région de Sava, dit que le commerce de gibier demeure « très problématique » sur son territoire. « Les locaux apprécient encore la viande de gibier », dit-il par l’entremise d’un traducteur.
Il ajoute que la majeure partie de la chasse illégale aux lémuriens a lieu dans les forêts qui ne sont pas protégées, loin des sentiers touristiques.
« Je suis convaincu que la viande de lémurien qu’on retrouve dans les plus grandes villes ne provient pas de Marojejy. Les chasseurs se rendent dans les nombreuses forêts qui ne sont toujours pas protégées et vendent la viande lorsqu’ils reviennent dans les plus grandes villes, dit-il. »
Arsonina Bera, directeur de la foresterie de Sambava, capitale régionale près de Marojejy, confirme à Mongabay que de la viande de lémurien est offerte dans des hôtels des régions urbaines.
« Nous tentons de contrôler ce commerce, mais il demeure problématique. Il a lieu dans le milieu hôtelier, car c’est un milieu où circule beaucoup d’argent. De plus, quelques personnes en bénéficient », dit-il.
Le commerce de gibier est aussi surveillé de près par l’un des organismes à but non lucratif les plus reconnus de la région, le Duke Lemur Center.
Le gestionnaire de projets de la région de Sava, Lanto Andrianandrasana, a grandi dans une autre partie de Madagascar et a été surpris à son arrivée dans le nord-est du pays. La plupart des gens qu’il interrogeait lui répondaient qu’ils avaient déjà consommé de la viande de lémurien.
« Quand j’ai questionné les gens de la ville, j’ai été un peu surpris d’apprendre que des restaurants malgaches offrent encore de la viande de lémurien, mais ce n’est que pour les gens qu’ils connaissent. Ils ont un code entre eux, une sorte de mot de passe, pour passer leur commande. La viande de lémurien n’est pas vendue à tous », ajoute-t-il.
Andrianandrasana a donc tenté de découvrir la motivation des gens à manger de la viande de lémurien : « Je leur ai demandé s’il y avait une différence entre le poulet et le lémurien et ils ont répondu que non. Le poulet serait même meilleur que le lémurien. Je leur ai demandé la raison pour laquelle ils ne mangent pas seulement du poulet alors. Ils ont répondu que c’était pour connaître le goût de cette viande et dire qu’ils en ont déjà mangé. C’est comme une fantaisie ou quelque chose du genre, juste parce qu’ils en ont envie », ajoute-t-il.