- Le binturong, ou « bearcat » (Arctictis Binturong) habite un territoire allant de l’Inde du Nord-Est et du Bangladesh jusqu’à la Péninsule Malaise, Bornéo et les Philippines. On le trouve plus rarement au Népal, en Chine du Sud, à Java, au Vietnam, au Laos, et en Thaïlande.
- Cet espèce arboricole a son propre gène : elle a une queue préhensile (comme un singe), ronronne et se nettoie comme un chat, et son odeur du musc est identique à celle du pop-corn beurré.
- Le binturong est menacé de perdre son habitat à cause de l’exploitation forestière et de l’agroentreprise, notamment l’industrie de l’huile de palme. Il est également chassé en tant que gibier, source de médecine traditionnelle et animal de compagnie. Un café local, fait des grains qui passent par le système digestif du binturong, est aussi très prisé.
- Les binturongs ont très peu été étudiés, et on ignore combien ils sont dans la nature. On sait qu’ils mangent des quantités prodigieuses du fruit des figuiers étrangleurs, et qu’ils répandent beaucoup de leurs semences. Il faut urgemment les étudier en plus de détail pour déterminer comment les conserver.
Il a été dit que le binturong est mi-ours, mi-chat, avec la queue d’un singe. Effectivement, il semble être un animal de composition, avec des morceaux pris ici et là. Mais, en vérité, c’est un cas unique – ou au moins, il possède un gène unique.
Le binturong (Arctictis binturong) est un mammifère de taille moyenne, également appelé bearcat (ours-chat), et membre de la famille des Viverridés, qui comprend les civettes, linsangs rayés, et genettes. Ses neuf sous-espèces sont les seuls détenteurs du gène Arctictis.
Bien que le binturong ait des attaches ancestrales à la famille des Félidés, les bearcats n’ont aucun lien à l’espèce moderne de chats (quoi que l’animal ait des moustaches blanches d’une vingtaine de centimètres, ronronne parfois, et nettoie sa fourrure en léchant et frottant son visage avec ses pattes).
Cet animal arboricole passe la plupart de son temps en haut des grands arbres des forêts tropicales d’Asie du Sud et du Sud-Est. Les caméras l’ont surtout filmé alors qu’il rampe le long du sol, passant d’un arbre à l’autre.
Le binturong est rare partout en Asie, mais se trouve principalement dans le Bornéo malaisien, quelques états de l’Inde du Nord-Est, au Bangladesh, et dans les iles philippines de Calauit et Palawan. Les binturongs ont aussi été aperçus, moins fréquemment, au Népal, en Chine du Sud, à Java (Indonésie), et, plus rarement encore, au Vietnam, au Laos, et en Thaïlande.
Le binturong que presque personne ne connaît :
Les binturongs sont parmi les plus grands animaux de la famille des Viverridés. Ils peuvent peser jusqu’à 23 kilos, mais leur poids est le plus souvent entre 10 et 15 kilos.
Ce sont des omnivores opportunistes, mangeant des pousses de plantes et feuilles, fruits, œufs, petits invertébrés, poissons, rongeurs – presque tout ce qu’ils peuvent trouver ou attraper. Dans la nature, le bearcat a une relation symbiotique avec le figuier étrangleur, dont le fruit est l’une de ses nourritures préférées. En captivité, le régime du bearcat peut comprendre de la nourriture pour chiens ou de la viande hachée.
Comme nous l’avons dit précédemment, le physique de l’animal est vraiment unique. Il est recouvert d’une épaisse et hirsute fourrure noire, qui peut se teindre de gris avec le temps. De ses petites oreilles proviennent de longues touffes de poils.
C’est notamment l’un des quelques mammifères, à part les singes, ayant une queue préhensile, qui peut lui servir de cinquième membre pour le soutenir quand il grimpe aux arbres. Cet appendice est également une sécurité, et elle est toujours enroulée autour de la branche quand l’animal dort loin du sol. Le binturong a même une section rugueuse au bout de sa queue pour améliorer sa prise.
Cette queue versatile – épaisse et presque aussi longue que le corps de l’animal – ainsi que des griffes en partie rétractables, et la faculté de faire pivoter les pattes du devant de presque 360 degrés, font du binturong un incroyable.
Étonnement, aussi agile que soit le binturong, il ne peut pas sauter de cime d’arbre en cime d’arbre avec facilité, et doit donc descendre à terre pour changer d’arbre. Pris pour un animal nocturne il y a peu, des nouvelles images des caméras-pièges montrent beaucoup d’activité dans la journée – à terre, les animaux peuvent marcher debout d’une façon légèrement guindée, comme un ours.
Une créature féroce
Lonnie Grassman, membre du Groupe des Spécialistes des Petits Carnivores de l’UICN et scientifique en résidence à la Texas A&M University, se spécialise dans les chats sauvages, a attrapé plus de 30 binturongs, et a fixé des radios sur cinq d’entre eux pour en apprendre plus sur leurs habitudes – qui, il se trouve, comprennent une agressivité extrême.
« J’ai capturé des centaines d’animaux et le binturong est le plus féroce », dit Grassman d’un ton admiratif.
Dans son travail, la plupart des pièges avaient comme appât des poulets vivants, que les binturongs dévoraient, malgré leur forte préférence pour les figues. Quand ils en ont l’occasion, ils apprécient clairement la viande, a noté la scientifique, mais ce ne sont pas des prédateurs idéaux, car ils sont moins agiles que les chats de jungles, surtout à terre.
De plus, contrairement aux chats, qui ont tendance à fuir quand ils sont relâchés, les binturongs peuvent être agressifs et poursuivre les humains à proximité une fois relâchés. Ils sont « plus effrayants qu’un léopard » a dit Grassman de ses expériences d’attrapage de binturongs sauvages en Thaïlande. « Ils cherchent à vous tuer».
Ce qui est peut-être pourquoi les binturongs n’ont pas de prédateurs naturels connus – à part l’Homme. Étant l’un des derniers carnivores à queue préhensile connus, les animaux sont parfaitement adaptés à l’environnement forestier dense qui diminue en Asie, comme conséquence de l’empiètement grandissant des humains.
L’amour dans les arbres avec odeur de popcorn beurré
Les chercheurs pensent que le binturong se reproduit dans les arbres, car on ne l’a jamais observé sur le sol de la forêt.
On pense aussi que le binturong est l’un d’une centaine de mammifères, selon des biologistes, capables d’implantation différée. C’est à dire que les femelles engrossées peuvent retarder le début de la grossesse en attendant des conditions environnementales plus favorables, s’assurant que l’accouchement ait lieu lors d’une saison spécifique, généralement entre Janvier et Mars. Les femelles sauvages ont généralement un à trois binturongs par portée, tandis que les femelles en captivité peuvent en avoir jusqu’à six.
On a observé les bébés binturongs – ou binlets – pratiquer le « choix des tétines » (chaque petit choisit une tétine et s’y tient). Si un petit brise cette règle, une dispute éclate. La cause de ce comportement n’est pas certaine, mais une théorie suggère qu’il viendrait du fait que certaines tétines produisent du lait avec plus de matière grasse, les rendant plus désirables.
Une caractéristique qui peut être un héritage du passé Félidé de l’espèce est le ronronnement qu’envoient les femelles aux mâles pour indiquer qu’elles sont à proximité et prêtes à s’accoupler. Mais ce n’est pas la seule façon dont les binturongs, mâles ou femelles, indiquent leur présence. Le binturong a une glande anale, comme ses cousins les civettes, qui diffuse une forte odeur, permettant à l’espèce de marquer son territoire.
Cette « glande parfum » se situe sous la queue, afin que le binturong puisse l’appuyer contre terre ou sur une branche, imprégnant ainsi l’espace de son odeur. Bizarrement, les secrétions territoriales des binturongs ont pour les humains l’odeur du popcorn beurré. C’est une des caractéristiques les plus facilement identifiables de ce petit mammifère pour les visiteurs de zoos ayant vu des binturongs en captivité. Les civettes ont également une glande parfum, mais aucun autre animal à notre connaissance n’a l’odeur du popcorn beurré.
Où sont passés tous les binturongs ?
Les binturongs ont été classés Vulnérables sur la liste rouge de 2008 de l’UICN, l’espèce ayant vu un déclin de 30% de sa population ces 18 dernières années, c’est à dire sur trois générations. Ce déclin est principalement dût à la perte, dégradation et destruction de son habitat, surtout alors que l’exploitation forestière et l’agroentreprise réduisent rapidement les forêts asiatiques.
La perte d’habitat est particulièrement extrême alors que les forêts de basse altitude sont converties en plantations d’huile de palme dans des régions de la Péninsule Malaise occupées par la Thaïlande et Myanmar, et sur les îles de Java, Bornéo et Sumatra.
Bien que la plupart de cette déforestation ait lieu sur des terres non protégées, l’UICN a récemment évoqué une tendance inquiétante, selon laquelle « les zones protégées ne sont pas exemptes de la déforestation ; 40 % de la forêt perdue en Indonésie entre 2000 et 2012 provenait de zones où l’abattage est limité».
Le binturong va particulièrement mal dans la région Nord, qui comprend des parties du Vietnam, du Laos et de la Chine du sud. Là aussi, l’exploitation forestière et l’agrandissement de l’agroentreprise ont eu un impact sérieux. Ajoutons les pertes dues à la chasse et à un commerce d’animaux domestiques actif.
Actuellement, la chasse et le commerce en mammifères de taille moyenne – une catégorie qui inclut les binturongs – poussent les populations vers l’extinction nationale dans des pays comme le Vietnam, le Laos et la Chine (les binturongs sont marqués comme en danger critique sur la liste rouge des espèces menacées en Chine).
Les binturongs sont chassés dans leurs territoires pour diverses raisons. Au Laos, les jeunes sont mis en cage et vendus sur des marchés comme animaux de compagnie ; on vend également leur fourrure. Les animaux sont vendus pour leur viande et considérés un plat de choix au Laos. Au Vietnam, la viande de binturong est vendue, ainsi que d’autres parties du corps utilisées pour de la médecine traditionnelle.
En Indonésie, les binturongs ont été utilisés, ainsi que les civettes palmistes, pour faire du « kopi luwak » (café civette) – une boisson couteuse obtenue en donnant aux animaux des grains de café, qu’ils digestent et défèquent ; les grains sont alors brassés dans une espèce de café. Il arrive même que les « fermiers de luwak » élèvent des binturongs en captivité à cette fin.
Aucune étude conséquente n’a eu lieu afin de déterminer le degré auquel les binturongs sont chassés pour leur viande, pour du Kopi luwak, pour de la médecine traditionnelle ou comme animaux domestiques, mais un binturong mort a récemment été trouvé, ainsi que 40 jeunes tigres congelés, lors du raid du Temple du Tigre en Thaïlande — un indice que le A. binturong est prisé par les trafiquants.
Le nombre exact de binturongs en liberté est actuellement inconnu, car il est difficile d’observer quotidiennement les animaux des cimes, la plupart des images de ses animaux étant réalisées via des caméras-pièges à terre.
Une bonne nouvelle : bien que l’espèce soit en danger dans la nature, elle est relativement fréquente en captivité. Les binturongs sont populaires dans les zoos. Les premières générations sont habituellement sauvages, capturées ou obtenues via le commerce d’animaux domestiques, tandis que les générations suivantes sont nées en captivité. On peut voir des binturongs dans des zoos à travers le monde.
Importants pour l’écologie de la foret
Bien que l’on sache peu du rôle des binturongs dans l’écosystème forestier, un de leurs rôles principaux est bien documenté – le bearcat est un important distributeur de graines de figuier étrangleur.
Les binturongs aime dévorer le fruit quand il est de saison et défèquent ses graines le long du sol de la forêt. Non seulement cela aide la distribution, mais c’est une étape cruciale du procédé de germination, car le fruit ne peut se reproduire sans l’aide du binturong. Une enzyme digestive dans l’estomac du binturong adoucit la coquille dure des graines de figue, les rendant plus faciles à digérer, et permettant également aux graines de s’enraciner.
Les scientifiques spéculent que la perte des binturongs et de leur faculté à rependre les graines pourrait créer un déséquilibre dans l’écosystème de forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. Mais, comme beaucoup d’autres animaux presque célèbres, personne ne connait avec certitude les conséquences écologiques si l’espèce venait a disparaitre totalement de la nature.
Qu’y a-t-il de prévu pour les binturongs ?
Bien que de nombreux groupes pour la conservation de la faune sauvage reconnaissent le sérieux déclin de la population de binturongs à travers leurs régions, il est difficile de trouver le soutien financier pour protéger l’espèce.
Avec des concessions forestières à grande échelle et des plantations d’huile de palme qui ravagent les forêts de basse altitude d’Asie du Sud-Est, l’habitat du bearcat disparaît rapidement. Comme beaucoup d’autres petits mammifères et reptiles inconnus, ils deviennent les victimes ignorées de la déforestation asiatique.
Dr. Chris R. Shepherd, le Directeur régional de TRAFFIC en Asie du Sud-Est, a dit à Mongabay que le binturong est « l’une des nombreuses espèces d’Asie du Sud-Est menacées par la chasse et le trafic, mais, [comme beaucoup d’autres animaux] qui n’est pas vraiment remarquée car ce n’est pas une espèce très connue, ni une espèce-phare ».
TRAFFIC trouve parfois des jeunes binturongs sur des marchés asiatiques, vendus comme animaux de compagnie, ou des adultes vendus pour leur peau et leur viande, a annoncé Shepherd.
« En général, la chasse locale et la consommation sont probablement une bien plus grande menace que le commerce international, mais encore une fois, c’est un sujet qui mérite plus d’attention » et d’étude, dit-il.
Malheureusement pour l’espèce, les locaux sont plutôt indifférents à la conservation des populations actuelles. De la même façon – et il en va de même pour tant d’autres espèces « orphelines » presque célèbres – peu de groupes de conservations de la faune se sont avancés pour adopter le binturong comme animal sur lequel concentrer les efforts de conservation.
Clare Campbell, la directrice de Wildlife Asia, une ONG quo travaille sur le terrain dans les forêts tropicales habitées par les binturongs, dit que l’organisation soutient la conservation du binturong, mais ne travaille pas directement pour arrêter le commerce ou la chasse. Et ce bien que l’ONG cherche activement à « protéger les forets tropicales asiatiques et territoires aux niveaux de biodiversité les plus élevés » – un objectif de conservation qui inclut les territoires forestiers où vivent les binturongs.
« Malheureusement, peu de donateurs, et peu de groupes de conservation, se concentrent sur ces espèces « à profil bas », dit Shepherd. « Clairement, c’est une approche qui doit changer, car l’essentiel des espèces menacées par le commerce de la faune illégal et non-durable tombe dans cette catégorie ».
L’évaluation par l’UICN des conditions actuelles du binturong appelle à « une application plus stricte de la législation contre le braconnage, le commerce de la faune, la dégradation d’habitat et la déforestation ». Mais elle ne précise pas qui agira.
Jusqu’à ce que le binturong soit une priorité de conservation, la recherche nécessaire pour comprendre leurs comportements et leur déclin sera en manque, tout comme la connaissance de comment les sauver. Les scientifiques, par exemple, ignorent actuellement comment la fragmentation d’habitat ou la dégradation forestière impactent la faculté de l’espèce à trouver des partenaires et à se reproduire.
Les groupes de conservation s’élèvent
Mais tout n’est pas perdu. ABConservation, une ONG Française, a choisi le binturong come mission, et son site Web annonce que « c’est la seule et unique association au monde entièrement consacrée à l’étude et à la protection du Arcticis binturong ». L’organisation est particulièrement focalisée sur la sensibilisation du public aux binturongs à travers des programmes zoologiques, et la sponsorisation d’une Journée Internationale du Binturong. Elle soutient également de la recherche en Asie.
Le Fonds mondial pour la nature a également donné une petite place à la menace à laquelle font faces les binturongs en proposant un kit de donation « Adoptez un Binturong » comprenant un bearcat en peluche, une photo et un certificat d’adoption.
Anthony Giordano, un conversationniste de longue date et directeur exécutif de la Société pour la Conservations des Carnivores Menacés et leur Étude Internationale (S.P.E.C.I.E.S), dirige actuellement les stratégies de conservation prioritaires pour la préservation des populations de binturongs.
Giordano a étudié les résultats de caméras-pièges à binturongs de Sumatra et Bornéo, et œuvre à trouver des réponses concernant la diversité génétique des populations isolées – comme dans certaines îles des Philippines- et comment exactement les monocultures comme les plantations d’huile de palme et autres interférences humanes affectent le comportement et la survie du binturong.
« C’est une espèce prioritaire pour notre organisation, » dit-il. « Mais, nous n’en savons pas assez [pour le moment] pour trouver le scénario de conservation idéal ».
Giordano a indiqué plusieurs domaines d’études urgemment nécessaires pour la conservation du binturong : des études dirigées avec de grandes populations sont nécessaires pour mieux comprendre l’écologie du binturong, a-t-il dit. Parallèlement, les scientifiques doivent identifier les forêts dans la zone d’habitation de l’espèce qui peuvent servir de lieu fort de la conservation. Les chercheurs doivent également développer des méthodes spécialisées d’étudier ces créatures de la canopée qui vont au-delà des caméras-pièges, afin que les comportements quotidiens soient observés et analysés.
Afin d’avoir une idée plus claire de l’avenir du binturong, les conversationnistes doivent développer une image plus précise de leur présent. « Je vais faire de mon mieux », promet Giordano.