- Une organisation des Seychelles a fait campagne afin d'adopter des mots créoles pour les différents types de posidonies qui poussent dans les eaux côtières du pays.
- Cette décision fait partie d'une campagne de sensibilisation sur l'importance des posidonies dans la protection du littoral, dans le maintien d'un habitat pour la faune marine et dans la séquestration du carbone.
- Les Seychelles possèdent une surface de près de 20 000 km2 de prairies sous-marines dans leurs eaux mais celles qui se trouvent autour des îles intérieures subissent la pression du développement et d'autres activités humaines.
- En 2021, le pays s'est engagé à protéger la totalité de ses mangroves et de ses prairies sous-marines dans le cadre de sa contribution déterminée à l'Accord de Paris.
Gomon. En créole seychellois, ce mot sert généralement à désigner tout ce qui est « vert et gluant », explique la biologiste et experte des tortues marines Jeanne Mortimer.
« Vous avez du gomon dans les joints du carrelage de votre salle de bain, vous avez du gomon qui pousse sur les arbres dans la forêt tropicale, » ajoute-t-elle.
Le mot a même déjà été utilisé pour décrire la posidonie, une plante marine qui pousse sur les fonds marins du littoral. Aux Seychelles, un archipel d’environ 460 kilomètres carrés de terres répartis sur 115 îles, la posidonie joue un rôle essentiel dans la protection du littoral contre l’érosion due à la montée des eaux. Les prairies d’herbiers marins fournissent également d’autres services écosystémiques, comme la séquestration du carbone et un habitat pour des espèces comme les tortues et les dugongs.
En 2021, le Seychelles Conservation and Climate Adaptation Trust (SeyCCAT) a lancé une campagne de sensibilisation sur les posidonies et sur l’importance de leur sauvegarde. Une partie de ce projet visait à trouver de nouveaux noms pour les posidonies en langue créole.
« Il était important de donner un nom aux posidonies, car comment valoriser quelque chose qui n’a même pas de nom ? » explique Jeanne Mortimer. « Cela ne veut pas dire que personne n’avait de nom pour les posidonies, car les pêcheurs leurs donnent des noms. Mais ça n’était pas le cas pour la plupart des gens. Et la plupart des gens ne font pas la différence, par exemple, entre les posidonies et les algues. Nous voulions donc dissiper cette confusion et informer les gens de la différence. »
SeyCCAT a travaillé avec des membres du grand public et avec des pêcheurs, des linguistes et des scientifiques pour trouver un nom officiel pour la posidonie : zerb lanmer. Ils ont également adopté des noms créoles pour les cinq principales variétés de posidonie qui poussent autour des Seychelles. Les espèces à longues feuilles plates du genre Enhalus ont été baptisées Gomon zerb gran fey. La posidonie appréciée des tortues vertes (Chelonia mydas), des genres Thalassia, Cymodocea and Halodule sont devenues Gomon zerb torti. La posidonie en forme d’éventail du genre Thalassodendron s’appelle Gomon zerb levantay, et celle en forme de tube du genre Syringodium est devenue Gomon spageti ou Gomon zerb sed. La dernière, mais non des moindres, du genre Halophila caractérisé par ses feuilles fragiles de forme ovale, aura pour nom Lerb lanmer papiyon ou Lerb lanmer zorey lapen.
Annike Faure, chef de projet pour SeyCCAT, affirme que l’initiative est à ce jour un succès, mais qu’il reste des efforts à faire pour que les termes soient adoptés par le grand public. Il s’agit de les rendre populaires en les ajoutant dans un dictionnaire créole actualisé qui pourrait être publié plus tard dans l’année.
Selon Annike Faure, « c’est la prochaine étape, les voir écrits noir sur blanc dans le dictionnaire. »
Outre cette campagne sur le vocabulaire de la flore marine, SeyCCAT travaille avec des partenaires pour créer une carte complète de ses herbiers marins en vue d’estimer la quantité de carbone stockée par les posidonies aux Seychelles et pour faire progresser d’autres travaux scientifiques liés aux herbiers marins.
On estime à 20 000 km2 la surface des prairies sous-marines dans la zone économique exclusive qui entoure les Seychelles. Si Jeanne Mortimer affirme qu’un bon nombre d’herbiers marins sont en bon état autour de l’Archipel, les prairies sous-marines autour des îles intérieures sont sous pression en raison du développement et des activités humaines.
« Trois des îles abritent 99 % de la population humaine et c’est là que le développement est le plus important, » reconnaît-elle. « Et comme les terres y sont plus élevées, on y trouve peu de plaines et, au cours des années, des terres ont été regagnées sur la mer. Et c’est problématique car les terres qui sont récupérées sont souvent des herbiers marins. »
L’année dernière, le gouvernement des Seychelles s’est engagé à protéger la totalité de ses mangroves et de ses prairies sous-marines dans le cadre de sa contribution déterminée à l’Accord de Paris.
« Par le passé, les gens n’ont jamais accordé beaucoup d’importance aux posidonies, » conclut Jeanne Mortimer, « mais celles-ci ont tellement d’avantages que nous voulons que le public en soit conscient et les connaisse tous. »
Image de bannière : poissons-perroquets nageant au milieu de posidonies. Photo Ben Jones / Ocean Image Bank.
Elizabeth Claire Alberts est journaliste pour Mongabay. Suivez-la sur Twitter @ECAlberts.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2022/04/to-get-people-thinking-about-seagrass-seychelles-coins-new-creole-words/