- L’acquisition de drones est prévue dans le programme officiel de reboisement massif de Madagascar.
- Le reboisement à grande échelle vise à planter 60 millions d’arbres par an pour tenter de reconstituer l’architecture verte de l’île et restaurer son équilibre écologique.
- Le pays a déjà expérimenté des drones pour aider aux efforts de secours en cas de catastrophe naturelle et pour livrer des fournitures médicales dans des régions éloignées.
ANTANANARIVO, Madagascar — Afin de réaliser ses objectifs ambitieux de reboisement à grande échelle, Madagascar se tourne vers le ciel. Le pays utilisera des drones pour planter des arbres sur les zones reculées. Il est prévu de planter jusqu’à 400 000 arbres par jour par largage de graines.
Dans son discours devant le Sénat le 23 juin dernier, le premier ministre Christian Ntsay a évoqué l’acquisition de 10 drones en appui à la plantation manuelle. L’achat aura lieu en 2020 et les drones permettront de couvrir les zones difficiles d’accès.
Le pays ambitionne de produire en moyenne 60 millions de jeunes plants par an. Une attention particulière sera accordée aux espèces autochtones et bois précieux menacés comme les bois de rose, le palissandre et l’ébène. Les arbres à croissance rapide comme le paulownia, le bambou et l’acacia seront aussi pris en considération, selon Ntsay. Le gouvernement fera participer les citoyens à la culture et à la plantation manuelle d’arbres pour l’effort de reboisement au niveau du district et de la commune.
Depuis 2000, Madagascar a perdu 23% de ses forets. Au total, 3.89 million hectares (9.6 million acres) ont été perdus entre 2001 et 2019, soit presque 205 000 ha (506 000 acres) par an, selon Global Forest Watch.
En effet, les environnementalistes, dont Jonah Ratsimbazafy, primatologue et secrétaire général du Groupe d’Etude et de Recherche sur les Primates de Madagascar (GERP), craignent que, si la destruction continue à cette cadence, les forêts malgaches n’aient plus que quelques décennies devant elles.
« Pour nous les professionnels de la conservation, entendre dire que Madagascar sera redevenu une île verte est une des nouvelles qui nous sont encourageantes », dit l’expert.
En mars 2019, le President Andry Rajoelina a annoncé l’objectif de reboiser 40 000 ha (99 000 acres) par an pendant cinq ans. Le programme vise à reconstituer l’architecture verte de l’île et à restaurer l’équilibre écologique face aux défis du changement climatique et du développement. L’année passée, 41 065 ha (101 000 acres) ont été plantés : 38 609 ha (95 000 acres) sur la terre ferme et 2 457 ha (6 000 acres) de mangroves.
Après avoir expérimenté des drones pour aider aux efforts de secours en cas de catastrophe naturelle et pour livrer des fournitures médicales dans des régions éloignées, la Grande Ile se tourne désormais vers les drones pour l’environnement. Le 19 janvier 2020, lors du lancement officiel de la campagne de reboisement, l’Etat a fait savoir que l’usage de drones était une possibilité à explorer pour les zones difficiles d’accès, en plus de planter des jeunes arbres à la main et de larguer des milliers de graines par avion. En juin, le premier ministre a évoqué l’acquisition de drones pour en faire une réalité.
Mongabay a demandé des précisions sur le projet actuel de drones, mais un représentant du ministère de l’environnement et du développement durable (MEDD) a dit ne pas avoir d’information et la directrice de la communication de la présidence de la République n’a pas fourni les réponses attendues au moment de la publication.
« Je pense sincèrement que c’est une excellente et louable initiative», commente Laza Randriamifidimanana, serial entrepreneur malgache et fondateur de Threeshells Madagascar, une entreprise spécialisée en technologies de pointe basée à Antananarivo. Il dit avoir déjà experimenté, à titre personnel, l’utilisation des drones pour le reboisement à petite échelle. « L’avantage avec les drones est qu’on a beaucoup plus de retour d’expérience et d’amélioration ».
Bien que le gouvernement n’ait pas rendu publiques les informations sur le modèle de drone à acquérir pour le reboisement, les produits les plus connus pour le travail de plantation sont mis au point par la start-up Dendra Systems (anciennement connue sous le nom de BioCarbon Engineering), basée au Royaume-Uni. Ce système, utilisé au Myanmar depuis 2018, lance des missiles de graines sur des régions isolées et dépourvues d’arbres.
Selon le journal Turfu, ces drones survolent d’abord la zone afin de la cartographier et collecter des données sur l’état et la topographie du sol. Les renseignements recueillis sont ensuite analysés pour mieux préparer les interventions et paramétrer les drones. C’est alors que le largage aérien des graines peut se faire.
A Madagascar, les experts en conservation restent – tout de même – sur leurs gardes. « L’approche impose un tri rigoureux des graines selon les caractéristiques du sol, » dit Mamy Rakotoarijaona, directeur général de Madagascar National Parks, un agence quasi-gouvernementale chargée de gérer plusieurs aires protégées. « Celles adaptées aux régions de basse altitude ne donneront jamais le rendement escompté en haute altitude. »
Rakotoarijaona dit qu’aujourd’hui les techniques de plantations mécaniques se substituent aux éléments naturels tels que les lémuriens et certaines espèces d’oiseaux endémiques. Depuis des millions d’années, ces espèces, dont la plupart sont aujourd’hui menacées, participent à la reproduction des forêts, sans aucune intervention humaine.
Concernant la qualité des sols, Ratsimbazafy du GERP est peu optimiste. Selon lui, les terrains qui ont été assaillis par les feux depuis des années sont pauvres en éléments nutritifs nécessaires à la pousse des semences. « La réussite du reboisement ne se mesure pas au nombre de pieds plantés mais à celui d’arbres vivants », souligne-t-il.
Abondant dans ce sens, Lily-Arison René de Roland, le directeur national du projet the Peregrine Fund à Madagascar, insiste sur l’importance du suivi du reboisement qui comprend la surveillance et l’entretien des plants et la construction des pare-feux autour de la zone reboisée.
Les feux de brousse sont un des facteurs majeurs de la destruction de la forêt à Madagascar. Chaque année, ils tendent à se multiplier à partir du mois de juillet, le début de la saison sèche. Mais, cette année, ils ont commencé plus tôt et de façon particulièrement intense à certains endroits.
Toutefois, la ministre de l’environnement, Vahinala Raharinirina, se réjouit d’une amélioration récente de la situation. « Les points de feux dans les aires protégées ont connu une diminution en juillet par rapport à la même période en 2019, de 4 309 en 2019 à 3 497 points feux grâce à des missions de sensibilisation aux feux et à l’intensification de la surveillance », publie-t-elle sur Facebook le 3 août. Trois jours plus tard, elle annonce la préparation de la campagne de reboisement.
Ratsimbazafy met en garde sur la plantation des eucalyptus, réputés gros buveurs d’eau, et les pins qui peuvent bloquer le développement des jeunes pousses et « condamnent » les sols. Depuis des décennies, ces arbres sont exploités en matériau de construction, bois de chauffe et charbon. Ils représentent un atout économique mais sont en train de coloniser un grand nombre des territoires boisés même les sites de conservation. C’est aussi le cas des grévilliers qui, vers la fin des années 80, ont été plantés par largage aérien pour inverser le processus de déforestation et prévenir l’érosion du sol.
Au moment de cette publication, le MEDD n’a pas précisé quels types d’arbres seront plantés par largage aérien, sur quels sites les drones seront déployés, ni fourni de détails sur le suivi du reboisement par drones.
Image de bannière: Prototype de drone utilisé pour aider la reconnaissance et apporter une première réponse en cas d’inondations, lors d’une démonstration à Madagascar. Image de BNGRC.
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