- Des mines de pierres précieuses et semi-précieuses, légales ou non, apparaissent, disparaissent et réapparaissent dans tout Madagascar.
- La plupart des activités minières à Madagascar ne sont pas officielles et donc non réglementées, et leur impact social et environnemental est par conséquent important. Cependant, leurs effets à long terme sont rarement examinés.
- Fin 2016, Arnaud De Grave, reporter-photographe, a passé plusieurs mois dans la région d’Alaotra-Mangoro (au nord-est d’Antananarivo). Certains endroits de cette région subissent une forte récession des activités minières.
- Ses photographies montrent le prix de l’exploitation minière, payé par les habitants et l’environnement alentour.
ALAOTRA-MANGORO, Madagascar — Des mines de pierres précieuses et semi-précieuses, légales ou non, apparaissent, disparaissent et réapparaissent dans tout Madagascar, et cela depuis les années 90.
Certaines de ces mines sont devenues tristement célèbres, comme dernièrement près de Didy, une petite ville de la région orientale d’Alaotra-Mangoro. En novembre 2016, une gemmologiste basée à Londres a publié une vidéo montrant une ruée vers le saphir, et le désastre environnemental qui en a résulté, dans une vaste zone située dans l’aire protégée du corridor écologique d’Ankeniheny-Zahamena. La consommation (et la chasse) de viande de brousse, la dégradation des forêts et l’impact général dû à plus de 45 000 personnes venant à la mine en seulement quelques semaines, ont pesé lourd sur l’environnement et la faune. Une ruée similaire s’était déjà produite dans cette région en 2012.
Une grande partie de l’industrie minière à Madagascar n’est pas officielle, et donc non réglementée. Les conséquences sont donc graves, tant sur le plan environnemental que sur le plan social. Même lorsque les sites miniers sont éloignés, souvent à des heures ou même des jours de marche des villes voisines, chacun vit au rythme de la mine pendant les pics d’activité. Cela peut perturber l’économie locale : le prix du poulet peut par exemple tripler, car ceux-ci sont faciles à apporter sur les sites miniers et à conserver s’ils sont gardés vivants. Le crime, la prostitution (les mineurs sont principalement des hommes) et le travail des enfants augmentent aussi en conséquence.
Près de la ville d’Andilamena, à environ 110 kilomètres au nord de la capitale régionale d’Ambatondrazaka, ce phénomène a eu lieu à plusieurs reprises. La ruée, l’argent, la migration de masse. Ensuite, la mine périclite et disparaît, ou bien une autre mine apparaît ailleurs, avec de nouvelles promesses d’argent facile. Et tout cela retombe comme un soufflé. Puis, quelques années plus tard, le cycle recommence.
Tout cela m’a rendu curieux : qu’arrive-t-il après la fermeture d’un site minier ? Pour ceux qui restent ? Car tous ne partent pas. Les catastrophes environnementales et sociales qui découlent d’une mine en activité ont été bien documentées à travers tout le pays. Mais l’on examine rarement leurs effets sur le long terme.
J’ai passé plusieurs mois dans la région d’Alaotra-Mangoro vers la fin 2016, dans le cadre d’un projet de trois ans que j’avais entrepris pour le projet scientifique AlaReLa (Alaotra Resilience Landscape, mené par l’ETH de Zürich, Suisse). Mon rôle était de faire de la photographie d’inspiration ethnographique sur les sites du projet, avec les habitants et les chercheurs. La zone d’étude du projet est située à quelque 200 kilomètres au nord-est d’Antananarivo, capitale de Madagascar, et est considérée comme le grenier à riz du pays. C’est également une région très riche en biodiversité. Son résident le plus emblématique est le « bandro » (Hapalemur alaotrensis), un lémurien endémique des alentours du lac Alaotra, en danger critique d’extinction. De plus, la forêt à l’est du lac est en grande partie incluse dans le parc national de Zahamena, qui fait partie du corridor Ankeniheny-Zahamena, une zone strictement protégée. Du moins sur le papier, car plusieurs sites miniers sont, ou ont été, exploités dans ce corridor, le plus récemment à Didy, à la fin de l’année dernière.
Au cours de l’une de mes immersions en brousse, j’ai visité la ville minière endormie d’Andilamena. Autour, j’ai photographié une mine de pierres précieuses presque totalement abandonnée, une carrière de quartz encore en activité, ainsi que des villages et chemins de traverse. J’ai essayé de comprendre les options qui restent pour les populations locales, maintenant que l’extraction de gemmes dans les environs immédiats est en récession. Certains résidents travaillaient dans les carrières légales de pierres semi-précieuses. D’autres ont trouvé un emploi dans les entreprises locales, principalement associées à l’élevage et à l’agriculture. Et certains ont rejoint une autre mine active, telle que celle de Didy (à environ 130 kilomètres) mentionnée précédemment. J’ai interviewé et photographié en tout une quarantaine de personnes : des mineurs, d’anciens mineurs, des personnes qui se sont enrichies par ce biais et d’autres qui ont tout perdu.