
- La construction d’EACOP (l’Oléoduc d’Afrique de l’Est ) risquent de causer des dommages irréversibles aux habitats naturels essentiels, aux plans d’eau et aux terres agricoles.
- L’oléoduc et sa zone tampon de 2 km affectent plus de 100 000 personnes ainsi que des dizaines d’aires protégées officielles, avec un impact particulièrement marqué au niveau des têtes de puits et des conduites d’amenée situées dans et autour du parc national Murchison Falls.
- L’ONG environnementale américaine Earth Insight, a analysé des images satellites montrant qu’en juin 2025, 39 % du tracé de l’EACOP était proche de l’achèvement.
- Le projet menace des réserves d’eau vitales et met en danger des écosystèmes fragiles. On estime que son empreinte carbone sera équivalente à 25 fois les émissions totales actuelles de la Tanzanie et de l’Ouganda.
Une nouvelle analyse satellitaire révèle qu’en Ouganda, la construction de puits de pétrole et de routes, dans le cadre d’un projet destiné à alimenter le plus long oléoduc chauffé d’Afrique, a fortement progressé à l’intérieur d’une aire protégée et à proximité d’une zone humide cruciale.
Le champ pétrolifère de Tilenga marque le point de départ du projet d’oléoduc d’Afrique de l’Est (en anglais East African Crude Oil Pipeline, EACOP), actuellement en construction par la multinationale française TotalEnergies. Le projet prévoit un oléoduc de 1 443 kilomètres reliant les champs de Tilenga et Kingfisher, en Ouganda, au port tanzanien de Tanga, donnant au pays enclavé un accès à l’océan Indien.
Tilenga, qui est également exploité par TotalEnergies, se trouve près du Parc national Murchison Falls, la plus grande aire protégée en Ouganda, qui abrite des espèces menacées telles que la girafe de Rothschild (Giraffa camelopardalis rothschildi), l’éléphant de savane d’Afrique (Loxodonta africana) et le cob de Thomas (Kobus kob thomasi).
L’ONG environnementale américaine Earth Insight, a analysé des images satellites montrant qu’en juin 2025, 39 % du tracé de l’EACOP était proche de l’achèvement, alors que certains responsables affirmaient récemment que 62 % étaient déjà terminés.
L’analyse a également montré que 22 % d’un oléoduc d’amenée depuis Tilenga a été construit, et que 630 km² de végétation ont été dégagés près du parc pour le développement du projet. En outre, l’analyse a identifié 38 km de routes et neuf sites de forage au sein du Parc national Murchison Falls.

L’un des sites de forage défrichés en 2025, se trouve à la limite du système de zones humides du delta Murchison Falls-Albert, près du Nil Victoria. Cette zone humide, classée site Ramsar pour son importance écologique, abrite une riche diversité d’oiseaux aquatiques et est cruciale pour les pêcheries d’eau douce des communautés locales. Un oléoduc traversant une telle zone pose des risques de déversements de pétrole, impactant à la fois la biodiversité et les personnes qui en dépendent pour leur subsistance, souligne l’analyse.
Les autres projets pétroliers de TotalEnergies dans la région, comme en République du Congo, ont déjà été accusés d’être à l’origine de pollution aux hydrocarbures.
Pour Diana Nabiruma, de l’Africa Institute for Energy Governance (AFIEGO), les résultats d’Earth Insight ne sont pas surprenants. « Mais tout de même, on espère que les choses changent, que l’entreprise nous écoutera, s’améliorera et évitera de forer, au moins à l’intérieur du parc », a-t-elle déclaré.
Le développement au sein du site Ramsar est particulièrement « triste », a-t-elle ajouté, « car notre communauté, ainsi que certains acteurs du secteur touristique dépendent directement de ces ressources ».
« La société civile et les activistes de la biodiversité ont demandé à Total de revenir sur leur décision de forer dans le parc, afin de protéger la nature et les moyens de subsistance des personnes impactées. Mais l’entreprise a refusé et poursuit son projet », a dit Nabiruma, qui est en première ligne de la mobilisation contre le projet EACOP depuis des années, et a notamment mené des campagnes contre l’emprisonnement d’autres opposants.
Au moment de la publication de cet article, TotalEnergies n’avait pas répondu à la demande de commentaire de Mongabay.
Image de bannière : Malgré son statut d’aire protégée, Murchison Falls est menacée par l’activité pétrolière. Image reproduite avec l’autorisation d’Earth Insight.
Cet article a été publié initialement ici en anglais le 17 sept., 2025.