- En 2021, la République du Congo a mis en place un programme REDD+ dans la Sangha et la Likouala, visant à réduire la déforestation et à stocker du carbone dans ces deux régions jusqu’en 2024.
- Pourtant, rien que dans la Sangha, le ministre des mines congolais a attribué au moins 79 permis d’exploitation et d’exploration semi-industrielle de l’or, depuis que le projet est lancé.
- Des scientifiques, ayant vu des images de ces exploitations minières, dénoncent la destruction « sauvage » de la biodiversité.
- La République du Congo affirme que ce programme aurait permis de stocker plus de 1,5 millions de tonnes de carbone pour l’année 2020 et espère obtenir en retour plus de 8 millions de dollars US de la part de la Banque mondiale.
« Vraiment, quand on voit ça… c’est vraiment une exploitation qui ne respecte aucun principe de durabilité », s’exclame Justin Landry Chekoua, environnementaliste et chef de projet « Mines, biodiversité et énergie » pour l’ONG Forêts et Développement Rural (FODER) en voyant les images d’exploitation minière que nous avons ramenées de la Sangha, une région au nord de la République du Congo. Des arbres centenaires arrachés, des cours d’eau pollués…
Bien que le processus national REDD+ identifie l’exploitation minière comme un facteur direct de déforestation en République du Congo, la réalité sur le terrain est tout autre.
Au cours des huit derniers mois, Mongabay a mené l’enquête. Nous nous sommes rendus dans la Sangha, avons consulté des centaines de documents officiels et, avec l’aide d’arrêtés ministériels, avons pu établir que depuis le lancement du projet REDD+ dans la région de la Sangha en 2020, le ministre congolais des Mines Pierre Oba a délivré au moins 79 permis d’exploitation et d’exploration semi-industrielle de l’or. Une situation alarmante. Cinq ans avant, soit entre 2017 et 2020, seuls huit permis d’exploitation minière avaient été officiellement délivrés dans la même région, selon une liste du ministère des finances.
Par définition, un projet REDD+ vise à réduire la déforestation et la dégradation des forêts. Or, actuellement, 14 % du territoire de la Sangha a été alloué à l’exploration aurifère, sans compter les autres minerais, comme le fer, qui sont extraits à l’échelle industrielle dans la région.
Dans la région, les conséquences sont dramatiques, tant pour l’environnement que pour les habitants.
Le projet REDD+ Sangha et Likouala
Pendant plus de 20 ans, Copince Ngoma, cultivateur à Messock, un village situé au nord de la République du Congo, s’est rendu dans la forêt pour prendre soin de ses plans de cacao. Seulement, il y a deux ans, tout a changé. « Ici, il y avait un champ de cacao », dit-il, montrant à Mongabay de jeunes bosquets dans une clairière. « ll n’y a plus de champ, tout est gaspillé … Ils creusent partout, ils entrent [dans la forêt] avec des engins tout en cassant les cacaos … On ne peut plus rien gagner ». « Ils » à qui Ngoma fait allusion sont les employés de Mines Aurifères et Carrières du Congo Sarl (Mac Congo Sarl), une entreprise qui détient plusieurs permis miniers dans la Sangha. Ici, d’après les coordonnées GPS que nous avons relevées, nous sommes dans la concession de Alagong-Mayebe-Dzouna, un espace de 100 km2, où l’entreprise a l’autorisation, depuis 2018, d’extraire de l’or de manière semi-industrielle, c’est-à-dire à l’aide d’engins motorisés. L’orpaillage se pratique depuis des décennies dans la région, mais il se fait de manière artisanale, avec des outils rudimentaires tels que des pioches ou des tamis. Maintenant que l’activité est semi-industrialisée, elle a un impact très lourd sur l’environnement.
« Des forêts sont détruites sur de vastes superficies, des hectares. Vraiment, les dégâts sont très importants, parce qu’ils utilisent des engins. Aucune mesure n’est prise pour restaurer, pour replanter les arbres, qui ont été arrachés. Vous voyez les arbres, il y a des arbres qui ont plus de cent ans, donc le temps que cette forêt puisse être reconstituée pour que ça puisse séquestrer le carbone qu’elle séquestrait avant, ça va prendre beaucoup de temps », explique Justin Chekoua, environnementaliste au Cameroun.
Cette exploitation minière de l’or à ciel ouvert, se trouve sur le territoire du projet REDD + Sangha et Likouala. En effet, en 2021, le gouvernement congolais a signé un accord avec le Fonds de Partenariat pour le Carbone Forestier (FCPF) de la Banque mondiale pour la mise en place d’un programme REDD +. Ce programme vise à réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, mais aussi à augmenter la séquestration du carbone entre 2020 et 2024, dans les départements de la Sangha et de la Likouala.
Une fois le carbone séquestré, le FCPF payera la République du Congo et les autres acteurs du programme sur le modèle des crédits carbone. Un crédit carbone représente une tonne de CO2 séquestrée et non relâchée dans l’atmosphère. Il peut être vendu à un particulier, à une entreprise ou à un État qui souhaite compenser ses émissions de dioxyde de carbone liées à une activité déterminée. Pour certaines ONG comme Greenpeace, ce mécanisme financier pose problème, poussant des entreprises et les Etats à compenser plutôt qu’à changer leurs pratiques. Pour la République du Congo, il est idéal, parce qu’il leur permet de gagner de l’argent sans détruire leur patrimoine forestier.
A terme, le fonds prépare les territoires à intégrer le marché carbone. Le choix de ces régions ne s’est pas fait au hasard, elles concentrent plus de la moitié du couvert forestier du pays, mais aussi des espèces animales menacées présentes sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) telles que les gorilles de l’ouest (gorilla gorilla) et les pangolins géants (Smutsia gigantea).
Pour soutenir ce projet REDD+ au Congo, le FCPF a débloqué pas moins de 41 millions de dollars US.
Parmi les programmes mis en place, il y la cacaoculture sous ombrage, où les arbres poussent à l’ombre de grands arbres qui, au lieu d’être coupés, sont préservés par les planteurs de cacao. De plus, ces plantations ont lieu dans des zones forestières déjà dégradées, afin de réduire la déforestation. « Nos parents? Ils brûlaient. Après ça, tu commençais à planter le cacao, contrairement à la nouvelle méthode aujourd’hui. Moi, je n’ai plus brûlé, j’ai seulement défriché », décrit Rémi Bellay, planteur de cacao près de Sembé, à quelques kilomètres de Messock et représentant REDD+ dans la Sangha. Rémi Bellay a hérité de cette plantation de son père. « Puis, tu vois, un cacao sans de gros arbres comme ça, ça ne va pas fonctionner, ça va mourir, parce qu’il n’aime pas trop de soleil. Quand tu veux être dans le cacao, il faut préserver les grands arbres et en planter d’autres aussi, des arbres fruitiers. Nous, on préserve l’environnement ».
Pour arriver à ce résultat, il dit avoir participé à des ateliers de formation proposés par le dispositif REDD +. Sur son terrain, des cosses de cacao s’amoncellent en attendant de révéler leurs fèves. La récolte n’a pas encore officiellement commencé, mais déjà les fruits sont nombreux. « Ça pousse bien, il n’y a pas trop de difficultés. Au contraire, ça pousse même mieux que là où on brûlait », explique Rémi Bellay.
Mais tout le monde n’a pas la chance d’obtenir de si bons résultats.
Des forêts rasées pour extraire de l’or
Sur la parcelle où nous retrouvons Ngoma, même si cela fait deux ans que Mac Congo est parti, les stigmates de son exploitation sont toujours visibles. La forêt dense a disparu. Des herbes hautes entrecoupées de sable et d’étendues d’eau aux couleurs douteuses ont pris la place des arbres centenaires. Le bruit des oiseaux a été remplacé par le bourdonnement des moustiques. Les animaux se font de plus en plus rares. Or, d’après l’ONG The National Council for Air and Stream Improvement, « les vieilles forêts stockent plus de carbone que les jeunes forêts ». Donc, même si la végétation repousse après l’exploitation, elle n’a pas les mêmes propriétés que la forêt qui était là précédemment. De fait, la séquestration carbone sera plus faible, due à la qualité de la végétation.
Même constat à Bamegoard (Bamegod), un village situé à quelques kilomètres de Messock. Aristide Elong, le secrétaire du village, nous emmène à Alangong-Bamegod-Inès, une autre concession où Mac Congo extrait de l’orde manière semi-industrielle depuis 2018. Ici aussi, la forêt est dévastée, remplacée par une clairière et de vastes étendues d’eau boueuse.
Elong décide de nous emmener un peu plus loin dans la concession, là où l’exploitation de l’or est toujours en cours.
Le spectacle est à couper le souffle. Au cœur de la forêt, règne la dévastation. Sur toute une parcelle, les arbres ont disparu, seules quelques branches éparses et dénuées de feuilles, au sol, nous rappellent leur présence d’autrefois. Entre de larges étendues d’eau boueuse, sur des monceaux d’une terre sablonneuse, une pelleteuse s’affaire, retourne cette terre. Plus loin, un ouvrier passe de l’eau sur une station de lavage, dans l’espoir de trouver une pépite du précieux métal doré. Lorsque nous étions sur place, les regards se tournaient vers nous. Notre présence dérangeait. Même si l’opérateur minier possède une autorisation d’exploitation, cela ne veut pas dire que ce qu’il fait est légal. Nous prenons quelques images et les montrons à Justin Chekoua pour savoir ce qu’il en pense : « Aaaaaah là, tel que je vois, c’est vraiment une exploitation sauvage ! », s’exclame-t-il. « Quand une entreprise travaille dans le respect des normes environnementales, lors du décapage [étape où l’opérateur minier déboise la zone], les arbres qui sont coupés sont maintenus sur le même site. L’autre caractéristique, c’est qu’ils n’ont pris aucune mesure pour enlever la première couche de terre, la terre noire au-dessus, celle qui est arable ».
Or, en 2018, le document explicatif du Programme de Réduction des Émissions (ER-PD) soumis par le Congo à la REDD+, décrivait l’exploitation minière comme une tendance émergente, mais pas inquiétante. Il précisait que le secteur minier était appelé à se développer dans la région, mais que le pays souhaite mettre en place un système minier « vert », qu’on dit être à impact écologique réduit.
Pour montrer sa bonne volonté, le gouvernement congolais avait même suspendu sept permis de prospection et d’exploitation délivrés en 2016, à cause d’un « conflit potentiel » avec le projet REDD +. S’il ne précise pas en quoi le conflit consiste, le fait que ce document officiel considère que, potentiellement, l’exploitation semi-industriel de l’or peut en créer un, est éloquent.
Mais c’est une mesure de façade. Le journaliste Marien Nzikou-Massala d’InfoCongo révèle en 2020 que le village de Zoulabouth, non loin de Messock et Bamegoard, subit le même type de dégradations liées à la recherche du métal précieux. Avant cela,France 24 dénonçait la même situation à Elogo, un autre village de la Sangha, en 2018. Mais rien de tout ça n’est mentionné dans les documents du programme.
Surtout que, selon ces mêmes documents, Pierre Oba, ministre des Mines qui a attribué les permis miniers, a été impliqué dans le projet REDD+ depuis le début. Le gouvernement était conscient des risques que ce type d’exploitation implique. C’est donc en connaissance de cause que d’autres permis miniers ont été attribués par la suite.
Une absence de planification du territoire problématique
Pour éviter ce type de conflits, le programme Sangha & Likouala prévoyait, à l’origine, la mise en place d’un processus d’exploitation minière responsable, soutenue par l’ONG WWF.
Pourtant, 6 ans plus tard, une fois toutes les conventions signées, le programme REDD+ enclenché et les fonds d’aide décaissés, les priorités semblent avoir bien changées. WWF semble s’être désengagé du projet de mine écologique à impact réduit, comme l’explique Pierre Kafando, chargé de la conservation pour WWF dans la région. Aujourd’hui, peu importe si les mines entrent en conflit ou pas avec le projet à Messock, comme à Bamegoard où l’exploitation minière est bien visible et les compagnies opèrent avec l’aval des autorités.
Erick Nkodia, secrétaire général de l’Association pour la protection des écosystèmes tropicaux et le développement de la Sangha, travaille auprès des communautés. Il a observé ce même paradoxe : « Le problème que nous constatons est qu’il y a superposition d’usage : il y a des permis qui sont attribués, il y a l’exploitation minière dans la zone, l’exploitation forestière, il y a aussi un projet en vue de la création d’une aire protégée dans la même zone. Cela est un réel problème au Congo, car il y a des superpositions d’usage ».
Ce problème est bien connu des autorités. Pour éviter cette superposition d’usages sur la parcelle REDD+ dans la Sangha Likouala, le document explicatif de 2018, prévoyait la mise en place d’un Plan National d’Affectation des Terres (PNAT). Le tout financé par l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale (CAFI) et le Fonds Vert pour le Climat.
A travers ce plan, il aurait été possible d’éviter un chevauchement entre des mines d’or et un territoire dédié à la conservation. « Les projets REDD+ sont des activités qui ont pour but de réduire les déboisements. L’exploitation minière étant une activité qui contribue au déboisement, ces deux activités sont essentiellement incompatibles », nous rappelle Justin Chekoua. « L’exploitation de l’or va drastiquement diminuer la capacité des écosystèmes environnant à réduire le stockage du carbone. Ça va plutôt contribuer à émettre le CO2 et le méthane ».
Mais, à l’heure actuelle, alors que le projet touche à sa fin, le plan d’aménagement des terres n’existe pas encore.
De lourdes conséquences au niveau local et national
Les premières victimes de cette absence de planification sont les populations locales et autochtones.
Avec son association, Erick Nkodia va de village en village pour informer les communautés de leurs droits, notamment concernant le foncier. En République du Congo, comme dans beaucoup de pays d’Afrique sub-saharienne, le droit que l’on désigne aujourd’hui comme « moderne » entre souvent en conflit avec le droit dit « coutumier » sur la question de l’appartenance des terres. De manière schématique, le droit coutumier concerne le droit pré-colonial, qui régit les différents peuplements tandis que le droit moderne représente les lois qui ont été écrites pendant et après l’époque coloniale, par les gouvernants en place. Dans le droit moderne, en République du Congo, les terres forestières, à savoir les forêts classées et non classées mais n’appartenant pas à un organisme privé, appartiennent à l’Etat. Tandis que dans le droit coutumier, la terre appartient aux populations qui l’habitent, représentées par leur chef coutumier.
Récemment, desaccords ont accordé de plus en plus de droits sur la terre aux populations locales et autochtones. D’après la loi n°5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones, le droit d’usage leur permet d’utiliser légalement la forêt pour prélever certains produits et faire certaines activités productrices destinées à la vente ou non pour leurs besoins domestiques, vitaux ou coutumiers. Mais ces populations vivent dans des zones reculées de la Sangha, dans des zones où les infrastructures sont rares. La connexion internet et le signal téléphonique sont parfois inexistants. Aussi, la population a difficilement accès à l’information et, donc, ne connaît pas toujours ses droits.
D’ailleurs, à Messock, lorsque nous avons rencontré Copince Ngoma, un autochtone Bakouele, il n’était pas au courant que son village se trouvait sur le territoire du programme Sangha & Likouala. C’est dans ce contexte qu’Erick Nkodia intervient. Pour lui, l’isolement de ces populations est aussi la raison pour laquelle elles n’expriment pas fortement leur mécontentement concernant les dégradations causées par l’activité minière. « Dans certains villages, il y a eu des destructions de points d’accès à l’eau potable. Ces activités et ces violations se passent à huis clos, parce qu’il n’y a pas Internet : il n’y a pas de connexion pour communiquer avec l’extérieur. C’est quand nous y venons parfois pendant nos activités que ces communautés dénoncent dénoncent en parlent en guise de dénonciation, et c’est à ce moment-là que nous prenons connaissance de ce qui se passe vraiment ».
Les populations locales ne sont pas les seules lésées par la situation. D’après le plan de partage des bénéfices du projet REDD + Sangha & Likouala, en cas de séquestration avérée du carbone, le gouvernement est supposé recevoir 15 % des gains, les populations locales et les communautés autochtones 25 % et les 60 % restants doivent revenir au secteur privé. Dans la Sangha, le secteur privé est représenté en majorité par les compagnies d’exploitation forestière qui exploitent le bois dans des Unités forestières d’Aménagement (UFA).
L’aménagement reconnaît les multiples fonctions de la forêt et fixe les règles de gestion pour les différentes zones d’usage. Il couvre plusieurs dimensions: la mise en place de zones d’exploitation du bois, de zones de conservation de la biodiversité, l’amélioration des conditions de vie des communautés locales et des populations autochtones, la protection de la faune et flore, etc… Dans la Sangha, il existe 9 UFA : Kabo, Kokoua, Jua-Ikie, Ngombe, Nouabalé-Ouest, Pikounda, Pokola, TalaTala et Karagoua. Elles font toutes parties du programme Sangha & Likouala. L’UFA Jua-Ikié, où se trouvent les différentes exploitations minières de Mac Congo que nous avons visitées, est gérée par la Société d’Exploitation Forestière Yuan Dong (SEFYD), possédée par des hommes de nationalité chinoise. Selon un des cadres de la SEFYD (il n’a pas souhaité que son nom soit publié pour des raisons de sécurité), ce problème n’a rien de neuf.
« Le problème, c’est que le gouvernement a mis la charrue avant les bœufs. Normalement, l’aménagement du territoire aurait dû précéder l’aménagement des forêts. Comme ça, il n’y aurait pas eu de superposition d’usage », explique-t-il. « C’est une question à l’échelle nationale. Le gouvernement a mis en place un groupe d’experts pour régler ce problème. Ils ont rendu leurs conclusions au gouvernement au 3eme trimestre 2024. Donc, peut être que ça aboutira à une loi ou à un décret. Mais, pour le moment, on attend ».
Dans le cadre du projet REDD +, les compagnies d’exploitation forestière ont mis en place l’EFIR (exploitation de la forêt à impact réduit), mais aussi des zones de conservation. D’après un rapport d’observation de l’ONG APV FLEGT, spécialisée dans la surveillance forestière, l’exploitation de la SEFYD est conforme à plus de 80 % aux exigences du projet. Un bilan positif qui tait l’exploitation minière sur leur territoire.
Pourtant, selon le cadre de la SEFYD, c’est un secret de polichinelle : « Nous, on fait des rapports pour informer les autorités de la situation au sujet des mines. Le gouvernement est informé. Car si la zone qui nous est attribuée est déforestée, c’est un problème », nous confie-t-il. Surtout qu’il est possible que l’exploitation minière empêche la SEFYD d’accéder aux paiements pour services environnementaux prévus par la REDD+.
Congo : les mines et la loi
En République du Congo, l’extraction minière de l’or est pourtant réglementée. L’article 101 alinéa f du Code minier stipule que tout opérateur minier doit soumettre à l’Etat une étude d’impact environnementale ainsi qu’un plan de réhabilitation des sols pour pouvoir obtenir un permis. Pourtant, Justin Chekoua, notre environnementaliste, en observant nos images, n’a constaté aucune mesure d’atténuation et de réparation. Alors, qu’est-ce qui fait que la loi congolaise est si peu respectée en matière d’exploitation minière ?
Selon Noel Watha Ndoudy, spécialiste en caractérisation et valorisation des ressources du sous-sol et en évaluation environnementale des projets miniers, la loi n’est pas assez répressive, et il manque du personnel pour la faire appliquer. « Normalement, il faut un suivi de ces chantiers, il faut un contrôle… Malheureusement, le contrôle ne se fait pas régulièrement si bien que les opérateurs en profitent », indique – t-il. L’expert affirme que les taxes sont trop faibles pour dissuader les pollueurs. «Pour le moment, un exploitant qui travaille mal, va gagner 100 millions [de francs CFA, environ 161 000 USD, ndlr] et il devra payer 10 millions d’amende [environ 16 000 USD]. Il s’en fout, il va bousiller, et puis il paiera 10 millions [de CFA] d’amende, et c’est fini». Il plaide pour des taxes plus contraignantes. « On doit revoir cette taxe-là pour la mettre à la hauteur de l’ambition qu’on a pour préserver l’environnement ».
Justin Chekoua plussoie. Au Congo, cette faible taxation générerait même une ruée vers l’or, attirant des orpailleurs nationaux comme des industriels étrangers. Mais, pour lui, le problème est plus profond que ça. C’est tout le système politique et économique de la République du Congo qu’il faut remettre en question. « Nos Etats sont très fragiles. Ce sont les Asiatiques qui donnent facilement des crédits à nos pays pour la construction des infrastructures. Du coup, nos gouvernants, ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi, font comme s’ils ne voient rien », dit-il. « J’ai déjà vu un agent de l’Etat sceller une entreprise parce qu’elle n’avait pas les autorisations pour exploiter, et au même moment, son supérieur [hiérarchique], depuis le ministère, appelle pour lui demander d’enlever les scellés. Donc, il y a beaucoup de trafics d’influence ».
Mongabay a sollicité un entretien avec la ministre de l’environnement, la ministre de l’économie forestière et le ministre des mines. Aucun d’entre eux n’a répondu à notre demande.
En revanche, Arnaud Kibinza Kiesse, directeur du projet REDD + Sangha et Likouala, a accepté de nous recevoir à Brazzaville, où il est basé.
Lorsque nous évoquons le problème de la multiplication des mines d’or dans la Sangha, il ne semble pas surpris. Il avance même la solution préconisée par le projet. « Les sociétés minières pourront être assistées, si elles le veulent. Elles pourront être assistées, pour un accompagnement technique, pour les aider à mener les activités qu’on appelle l’EMIR, l’exploitation minière à impact réduit ». Avec ce programme, le projet REDD + entend donner des objectifs aux entreprises afin de réduire leur impact sur l’environnement. Toutefois, comme nous l’explique Arnaud Kiesse, il a un défaut de taille. « Nous pouvons les aider, mais le programme, c’est un programme où les parties prenantes doivent manifester leur intérêt. Donc, nous informons tout le monde de son existence, et celui qui veut y participer doit faire acte de candidature ».
Une main tendue… Mais rien ne force actuellement ces sociétés minières à adopter de meilleures pratiques pour préserver la forêt.
La République du Congo affirme que ce programme a permis de stocker plus d’1,5 million de tonnes de carbone en 2020. Des affirmations qui sont, en ce moment même, vérifiées par le cabinet d’audit Aenor, basé en Espagne. Si tout est validé, la Banque mondiale achètera ces tonnes de carbone stockées pour la modique somme de 8,3 millions de dollars, soit environ 5 milliards de francs CFA. De fait, ces crédits carbone acquerront le standard FCPF, permettant à l’Etat congolais d’être reconnu sur le marché carbone officiel.
Image de bannière : Une pelleteuse s’affaire dans le site minier d’Alangong-Bamegod-Inès dans la Sangha, à la recherche d’or. Ici, on voit clairement la déforestation et l’impact sur les cours d’eau. D’après l’environnementaliste Justin Chekoua, c’est de « l’exploitation sauvage ». Image d’Elodie Toto pour Mongabay.
Les projets de crédits carbone se multiplient en RDC malgré l’absence de réglementation
FEEDBACK : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.