- Dans les forêts malgaches riches en biodiversité, les chiens et les chats errants menacent la faune sauvage, en les chassant directement ou en leur transmettant des maladies.
- The Mad Dog Initiative, une ONG américaine, effectue des campagnes annuelles de stérilisation et de vaccination antirabique pour réduire leur population et ainsi réduire leurs impacts.
- Mais les impacts mesurables ne s’obtiendront qu’au bout de 10 ans et la conscientisation des villageois et les « fady », ou tabous malgaches, restent un défi.
ANTANANARIVO, Madagascar — Dans les forêts malgaches, les chiens et les chats appartenant aux villages alentours impactent négativement la faune indigène. Dans le but de réduire la population de ces carnivores exotiques et la transmission de maladies autour des aires protégées, une ONG américaine effectue des stérilisations et des vaccinations antirabiques — une approche atypique de la conservation à Madagascar.
Sur les images des piège-caméra de The Mad Dog Initiative (MDI), des chiens explorent la forêt en bande ou avec leurs maîtres et aboient au pied des arbres où nichent les lémuriens, des animaux endémiques à Madagascar, dont beaucoup d’espèces sont en danger d’extinction. Les chats en revanche sont plus solitaires et ont été surpris par les caméras avec des lémuriens et des serpents dans la gueule. Les images proviennent de plusieurs parcs nationaux à Madagascar.
« Les chiens ne semblent pas faire beaucoup de choses directement aux animaux ; une grande partie de leur impact est indirecte par le harcèlement, le stress ou la propagation de maladies », a dit à Mongabay Zachary Farris, le cofondateur de MDI et écologiste des carnivores à l’Appalachian State University en Caroline du nord, aux États-Unis. « Les chats sont différents. Ils ont un impact direct beaucoup plus important ».
Selon Farris, ces problèmes sont répandus à Madagascar.
Débutant ses activités en 2014, MDI a une approche peu connue de la conservation à Madagascar. L’ONG effectue des campagnes annuelles de stérilisation et de vaccination antirabique de chiens et de chats errants autour des parcs de Ranomafana (à l’Est de l’île) et d’Andasibe-Mantadia (au centre), et des recherches scientifiques pour en évaluer les impacts. Elle effectue aussi différentes actions sociales, notamment l’établissement de cantines scolaires pour les enfants des villageois et la culture de potagers communautaires, ainsi que l’éducation environnementale et un nouveau projet de reforestation.
Une approche atypique
Grâce à une approche « one health » MDI traite à la fois de la santé humaine, de celle des animaux et de l’environnement, parce qu’elles sont interdépendantes, selon la vétérinaire et directrice locale, Zoavina Randriana.
« C’est peut-être peu connu du grand public, mais la santé de l’homme, des animaux domestiques ou sauvages, ainsi que des végétaux et de tout notre environnement est étroitement liée et dépend les unes des autres », a-t-elle dit à Mongabay.
D’après une étude de 2017 écrite par Farris, Randriana et des co-auteurs, les populations de carnivores indigènes ont tendance à être réduites dans les zones forestières à proximité de villages, où pullulent les chiens errants. Si les chiens se restreignent généralement aux endroits où il y a des humains, les chats s’enfoncent seuls jusqu’à plus de 5 kilomètres (3 miles) à l’intérieur des forêts, jusqu’au noyau dur.
« L’initiative de MDI est bonne, mais on manque cruellement de données sur ce que les chiens font vraiment », a dit à Mongabay Patricia Wright, la fondatrice du centre Valbio, institut de recherche et de conservation basé à Ranomafana, et l’un des co-auteurs de la recherche. « La plupart sont anecdotiques. »
Des détails émergent des enquêtes de MDI. Les chiens et les chats entrent en compétition avec leurs homologues rares et endémiques tels que le fossa (Cryptoprocta ferox). Ils chassent des lémuriens et d’autres animaux menacés tels que les oiseaux passant beaucoup de temps au sol, comme le coua bleu (Coua caerulea). Les enquêtes ont également révélé que des microcèbes roux en danger de disparition (Mirocebus rufus) ont été infectés par un parasite transmis par les chiens.
Lors de la dernière campagne de juillet et août autour d’Andasibe-Mantadia, l’ONG a stérilisé environ 200 chiens et chats et administré des vaccins antirabiques à environ 100. Depuis sa création, elle a effectué environ 2 200 stérilisations et 8 000 vaccins, dans les 2 parcs.
Les analyses de l’ONG ont révélé que les chiens autour d’Andasibe-Mantadia avaient une meilleure protection immunitaire contre la rage, à la suite des vaccins annuels depuis 2017. Mais pour l’heure, elle n’a pas encore pu évaluer les effets sur la conservation. Les campagnes sont des projets à long terme. S’il y a des résultats tangibles sur la faune sauvage, ils ne seront observés qu’après 10 à 15 ans, a dit Randriana, extrapolant d’une étude publiée en 2020.
D’après Randriana, les communautés autour des parcs sont motivées à faire vacciner et stériliser leurs chiens et leurs chats, car ils craignent la transmission de zoonoses. Cependant, de nombreuses difficultés persistent.
Convaincre des villageois majoritairement très pauvres à s’occuper de leurs animaux est difficile, surtout quand il s’agit d’un enjeu de conservation – qui leur est souvent inconnu ou pas forcément dans leurs priorités. Les « fady » ou tabous malgaches représentent également un défi, dans la mesure où ils rendent impossibles les travaux et les interactions directes avec les chiens dans certains villages.
Néanmoins, la stratégie de MDI est rodée pour faire face à la plupart de ces défis, en intensifiant les actions sociales et l’éducation environnementale pour motiver les villageois en faveur de leurs actions.
Comme pour tous les efforts de conservation et pour le succès de celui de MDI, « il est essentiel de discuter et de maintenir de bonnes relations avec les villageois », dit Wright.
Image de bannière : Un chat errant est capturé par un piège photographique avec un serpent qu’il a chassé dans une forêt de Madagascar. Image de Samuel Merson.
Correction 11/13/23 : Nous avons mis à jour cette histoire pour déclarer que l’étude de 2017 par Farris, Randriana et leurs coauteurs concerne uniquement les carnivores indigènes et les chiens et non les chats et les lémuriens. Nous avons également attribué l’affirmation selon laquelle les résultats tangibles du programme de MDI sur la faune ne seraient pas observés avant que 10 à 15 ans ne soient passés à Randriana, plutôt qu’à une étude de 2020. Nous regrettons les erreurs.
Citations :
Farris, Z. J., Gerber, B. D., Valenta, K., Rafaliarison, R., Razafimahaimodison, J. C., Larney, E., … Chapman, C. A. (2017). Threats to a rainforest carnivore community: A multi-year assessment of occupancy and Co-occurrence in Madagascar. Biological Conservation, 210, 116-124. doi:10.1016/j.biocon.2017.04.010
Belsare, A., & Vanak, A. T. (2020). Modelling the challenges of managing free-ranging dog populations. Scientific Reports, 10(1). doi:10.1038/s41598-020-75828-6
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