- Entre mai 2021 et novembre 2022, plus de 200.000 alertes de déforestation ont été signalées autour de Ouesso, au nord-ouest de la République du Congo
- L’exploitation de bois a drastiquement impacté le couvert végétal et les forêts du pays
- En 2016, les autorités congolaises ont attribué deux millions d’hectares de concessions forestières à des entreprises dont la plupart avaient des antécédents juridiques inégaux y compris des violations environnementales et sociales
- Plus récemment, l’exploitation minière —le sous-sol au nord-ouest est riche en fer et en or — par les sociétés chinoises a accéléré la destruction des écosystèmes
Entre mai 2021 et novembre 2022, plus de 200.000 alertes de déforestation couvrant un total de 2.73 Kha ont été signalées autour de Ouesso, chef-lieu de la Sangha, au nord-ouest de la République du Congo, selon les données de la plateforme de surveillance en ligne Global Watch Forest. Pour plusieurs observateurs, cette destruction du couvert forestier est le résultat des activités minières dans la zone.
« Mais si aucune étude minutieuse n’est effectuée, il serait difficile de dire si cette régression de la forêt dans la Sangha relève des activités des communautés locales qui pratiquent encore la culture sur brûlis pour répondre aux besoins agricoles, ou si elle est liée à l’exploitation forestière, à la réalisation des activités agro-industrielles à grande échelle ou encore à l’exploitation minière », dit Nina Kiyindou Yombo, chargée du programme ressources naturelles et droits des communautés forestières au sein de l’Observatoire congolais des droits de l’homme.
Dans une interview telephonique avec Mongabay en novembre 2022, elle explique que la forêt au nord-ouest de Congo a été découpée en Unité forestière d’aménagement et en parcs nationaux. « Le seul espace encore libre dans la Sangha se trouve au niveau de Nambili où la société ATAMA a eu une acquisition de terres pour la réalisation d’activités agricoles », d’après Kiyindou Yombo. Les tentatives de Mongabay pour faire réagir les autorités congolaises sur cette déforestation sont restées sans suite.
En République du Congo, le bois est le second produit le plus exporté après le pétrole. Cette ruée vers le bois a drastiquement impacté le couvert végétal et les forêts du pays dont celle de Ouesso, une ville essentiellement composée de forêt et située au nord-ouest du pays. Depuis le début de ce siècle, Ouesso a déjà perdu plus de 50kha de forêts primaires humide, soit environ une perte de 60% de son couvert arboré entre 2001 et 2021, d’après Global Forest Watch.
« Les incendies ont été responsables de 34% de la couverture arborée dans Ouesso entre 2001 et 2021 », selon la plateforme.
Dans le département de la Sangha, on retrouve des arbres à grande valeur commerciale comme le sapelli (Entandrophragma cylindricum), le sipo (Entandrophragma utile), le wengué (Milletia laurentii) et le padouk (Pterocarpus soyauxii). De même, on y trouve des produits forestiers non ligneux tels que les Asperges, le gnetum africanum (appelé le koko en langue congolaise lingala) destinés essentiellement au commerce et à la consommation locale.
« C’est aussi une zone très riche pour les animaux. Il y a des espèces intégralement protégées comme des gorilles de l’ouest [Gorilla gorilla gorilla], des pangolins géants, les perroquets, des éléphants. On y trouve aussi trois parcs nationaux notamment celui de Nouabalé-Ndoki (Sangha-Likouala), de Odzala-Kokoua (Sangha-Cuvette ouest) et le parc de Tokou-Pikounda (Sangha-Cuvette) », dit Marian Massala, journaliste indépendant basé à Brazzaville.
Des communautés comme les Bagombés, les Benzélés et Bakas habitent la région. Elles sont traditionnellement nomades, investissent dans la chasse et la cueillette. La forêt est le seul habitat et l’unique grenier des populations locales mais elles sont souvent victimes de discrimination et la dégradation croissante de la forêt menace leur survie, selon un acteur de la société civile qui a souhaité conserver son anonymat. Il explique que l’exploitation minière — le sous-sol ici est riche en minéraux notamment en fer et en or — par les sociétés chinoises reste la cause de destruction sans précédent des écosystèmes naturels se trouvant au-dessus des gisements par l’élimination du sol et de la végétation ainsi que l’établissement des sites d’entreposage pour les rejets miniers.
« La plupart des sociétés basés dans la région, comme SIFCO [la Société industrièlle et forestière du Congo] font fi de leurs droits les plus élémentaires », dit le journaliste Massala. Elles ne disposent pas toutes d’un plan d’aménagement. Seule la Congolaise Industrielle des Bois du groupe Olam s’efforce de se conformer aux normes internationales, respecte une politique de reboisement et œuvre pour la protection des sites sacrés et des ressources vitales pour les communautés locales.
Il existe pourtant deux mécanismes de partage de bénéfices des activités liées à l’exploitation forestières, précise Kiyindou Yombo de l’OCDH. Il y a le fonds de développement local alimenté par 200 FCFA pour chaque mètres cube de bois commercialisable. La mise en place de ce fonds permet aux communautés de réaliser des activités à caractère économique pour le développement communautaire. L’autre mécanisme est nommé le cahier de charges particulier et exige d’une société forestière la réalisation d’infrastructures à caractère socioéconomique au profit des communautés locales.
La coupe des bois réduit la capacité des forêts à maintenir l’équilibre de la nature et l’engouement vers les forêts peut entraîner l’extinction des ressources forestières. Les mécanismes actuellement en place restent insuffisants et moins bénéfiques pour les populations.
De plus, le cadre juridique doit être davantage renforcé et les dirigeants du Congo doivent mieux protéger les droits coutumiers des communautés locales toujours pas reconnus dans la législation foncière du pays, selon un rapport de l’OCDH sur la situation des populations autochtones au Congo Brazzaville.
Beaucoup de sociétés rasent les forêts du pays à des fins d’exploitation sans que cela ne profite réellement à l’Etat. En 2016, Mongabay publiait un article sur l’attribution par les autorités congolaises de deux millions d’hectares de concessions forestières à des entreprises dont la plupart avaient des antécédents juridiques inégaux y compris des violations environnementales et sociales.
Les accords de concession avaient été conclu au moment où, le président Denis Sassou Nguessou au pouvoir depuis plus de trois décennies, avait fait réviser la Constitution pour briguer un mandat supplémentaire. Cela avait suscité des soupçons de corruption au niveau de la classe dirigeante ainsi que des accointances entre les gardes forestiers et les responsables des sociétés forestières, une perception peu rigoureuse et non orthodoxe des taxes et amendes.
« La gouvernance forestière dans le pays reste exécrable. Les forêts jouent, depuis toujours, un rôle primordial dans la prédation et indirectement dans la répression dont dépend la survie du régime. Pour moi, le système néo-féodal du secteur forêt n’est qu’une excroissance de la gouvernance plus générale mise en œuvre par le clan au pouvoir », dit Arnaud Labrousse, chercheur indépendant dans une interview avec Mongabay.
Image de bannière : Des enfants dans le parc national d’Odzala-Kokoua, République du Congo. Image par Pieter Henket via Wikimedia (CC BY-SA 4.0)