- Des bailleurs de fonds se sont engagés à allouer 1,7 milliard de dollars en faveur de la protection des forêts par les peuples autochtones et les communautés locales. Le rapport d’étape rédigé lors de la conférence des Nations unies sur le climat de 2021 conclut que 19 % de ces fonds ont été distribués.
- Les conclusions du rapport montrent également que seulement 7 % ont été directement octroyés aux associations de communautés locales et autochtones, malgré leur préservation des forêts et de la biodiversité.
- Tant les donateurs que les représentants des groupes autochtones et communautaires réclament un financement plus direct en réduisant les obstacles auxquels ils sont confrontés, en améliorant la communication et en renforçant les capacités.
D’après leur rapport annuel, publié le 7 novembre, les signataires d’une promesse de dons s’élevant à 1,7 milliard de dollars ont annoncé lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2021 qu’ils avaient alloué 19 % des fonds pour soutenir les droits fonciers autochtones et communautaires.
Ce chiffre est encourageant quant à la tenue des engagements sur cinq ans des bailleurs de fonds concernés. Toutefois, les organisations de communautés locales et autochtones n’ont reçu que 7 % des 321 millions de dollars distribués en 2021. Les militants pour les droits des communautés autochtones et les dirigeants de ces organisations appellent donc à l’augmentation de cette somme à l’avenir.
Les communautés locales et autochtones « vivent en plein cœur d’une crise climatique et de biodiversité globale », a affirmé Zac Goldsmith, ministre d’État chargé des Affaires étrangères, du Commonwealth et de l’Environnement international au ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et de l’Environnement dans un communiqué. Le Royaume-Uni fait partie d’un groupe de 22 pays et donateurs philantropiques qui se sont engagés en faveur des droits fonciers et forestiers des peuples autochtones et des communautés locales à l’ouverture de la COP26, la conférence des Nations unies sur le changement climatique qui s’est tenue à Glasgow, en Écosse, en 2021.
« Il est amplement démontré que leurs solutions pour atténuer les effets du changement climatique et protéger la nature sont très efficaces, mais elles ne reçoivent qu’une minuscule fraction de ce dont elles ont besoin pour préserver les forêts », a affirmé le ministre Goldsmith.
L’engagement, qui reconnaît que les peuples autochtones et les communautés locales sont parmi les meilleurs protecteurs des forêts et des écosystèmes, s’inscrit dans un ensemble plus large de promesses de financements s’élevant à plusieurs milliards de dollars faites lors de la COP26.
Le rapport offre désormais un aperçu des progrès réalisés par les donateurs en 2021, tandis que la COP27 débute en Égypte avec pour sujet principal l’augmentation des taux de CO2 atmosphérique et la hausse des températures associée. Des études ont révélé que les peuples autochtones et les autres communautés ont tendance à protéger les forêts et écosystèmes dont ils ont la charge plus efficacement que les mesures traditionnelles comme la mise en place de zones protégées. Ainsi, les services écologiques rendus par ces terres, notamment la séquestration du carbone, seraient mieux préservés.
Elles montrent également que les communautés manquent cependant souvent de la sécurité offerte à ces zones par les droits légalement reconnus qui peuvent leur être accordés.
Les partisans de la codification des régimes fonciers autochtones et communautaires affirment que la garantie de ces droits et le renforcement des capacités de ces groupes constituent l’un des moyens les plus sûrs d’enrayer la hausse de la température moyenne mondiale à 1,5 ° Celsius au-dessus des niveaux préindustriels, soit l’objectif fixé lors de la conférence des Nations unies sur le climat qui s’est tenue à Paris en 2015.
Malgré un autre engagement par les chefs d’État à Glasgow à mettre fin à la déforestation dans le monde d’ici 2030, les forêts tropicales, considérées comme un rempart face à l’augmentation des niveaux de CO2 atmosphérique, continuent de disparaître. Selon un récent rapport du World Resources Institute (WRI), peu de pays font des progrès dans ce sens.
Mais d’après les chercheurs, les peuples autochtones et les communautés locales pourraient aider à juguler cette perte. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies a déclaré en février que les peuples autochtones étaient d’une importance « critique » dans la réponse au changement climatique et a exhorté à la reconnaissance de leur régime foncier, de leurs savoirs ancestraux et de leur gestion des forêts.
« Les experts du climat mondiaux ont appelé au renforcement des droits et du rôle des [peuples autochtones] et des [communautés locales] », a partagé Levi Sucre, co-président de la Global Alliance of Territorial Communities, dans un communiqué. « Nous sommes un outil de réduction des risques climatiques et une solution juste pour faire face au changement climatique. » La Global Alliance of Territorial Communities est une plateforme mondiale pour les peuples autochtones et les communautés locales.
D’après le WRI, 2,5 milliards de personnes dépendent des ressources naturelles et des services écologiques fournis par des terres détenues par des peuples autochtones et des communautés locales. À l’échelle mondiale, ces groupes gèrent près de la moitié des terres de la planète, et ce au bénéfice de la nature selon la communauté scientifique. Ces terres abritent environ 80 % de la biodiversité mondiale et les forêts tendent à perdurer quand les communautés et les peuples autochtones sont aux commandes, d’autant plus lorsque leurs droits sont officiellement reconnus par les gouvernements. En effet, d’après le WRI, les taux de déforestation sont 50 % moins élevés sur les terres indigènes de l’Amazonie que dans les autres régions.
« Pour nous aider à réussir, nos gouvernements doivent reconnaître nos droits. En outre, l’ensemble du système de financement des solutions climatiques doit surmonter les structures bureaucratiques établies de longue date et les croyances sur nos capacités qui nous empêchent d’accéder aux fonds climatiques que nous sommes capables de gérer au bénéfice de tous », a déclaré M Sucre.
Les données suggèrent également que l’obtention de titres autochtones en Amazonie est rentable, puisqu’elle équivaut à environ 1 % de la valeur économique totale des avantages que procurent ces terres.
Pourtant, le rapport des bailleurs de fonds révèle que moins d’un dixième du financement a été directement accordé aux peuples autochtones et aux communautés locales. Près de la moitié a été versée à des ONG internationales.
« Nous sommes très préoccupés par le fait que si peu de cet argent va directement aux peuples autochtones et aux communautés locales », a affirmé Kevin Currey, responsable de programme pour la Fondation Ford, à Mongabay. Selon lui, les donateurs souhaitent assurer une meilleure collaboration avec ces groupes dans les quatre prochaines années.
« Le fait qu’il s’agisse d’un pourcentage à un seul chiffre est alarmant et nous incite vraiment à faire davantage », a-t-il ajouté.
En effet, les conclusions mettent en lumière une tendance plus large en matière d’aides climatiques. La Rainforest Foundation de Norvège a rapporté en 2021 que les organisations de peuples autochtones et de communautés locales reçoivent moins de 1 % de ces sommes.
« Ce que nous entendons également c’est qu’ils souhaitent être aux commandes », a partagé M Currey.
Selon lui, ces organisations s’allient afin de développer des mécanismes financiers tels que le Mesoamerican Territorial Fund au Brésil ou le Nusantara Fund en Indonésie, qui leur permettent un accès direct aux financements.
« Il s’agit plus ou moins de renverser le scénario et de faire changer le pouvoir de mains lors des discussions avec les donateurs », M Currey a-t-il ajouté.
Il a également souligné que trois nouveaux partenaires ont rejoint la coalition de financement en 2022, et espère que le montant du financement disponible augmentera en conséquence.
« Désormais, nous avons réellement besoin, en tant que bailleurs de fonds, de mettre au point un plan […] afin de nous assurer que nous ne nous contentons pas d’injecter plus d’argent dans le système, mais qu’il ira aux bons endroits », a-t-il conclu.
Image de bannière : Deux membres d’une communauté autochtone de Guangaje, en Équateur, après la bénédiction d’une source d’eau. Image d’Azzedine Rouichi depuis Unsplash (domaine public).
John Cannon est rédacteur chez Mongabay. Retrouvez-le sur Twitter : @johnccannon
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2022/11/small-share-of-land-rights-pledge-went-to-indigenous-groups-progress-report/