- Les forêts jouent un rôle important dans le refroidissement de la Terre.
- Selon une nouvelle étude, la déforestation ne contribue pas seulement aux augmentations de température où elle se produit, mais également dans les forêts avoisinantes.
- Cette chaleur qui touche les forêts avoisinantes met en danger les espèces qui y vivent en faisant grimper les températures déjà en hausse en raison du changement climatique.
- C’est une mauvaise nouvelle pour les pays comme Madagascar, qui non seulement abrite de nombreuses espèces endémiques avec un habitat limité, mais observe également des taux alarmants de déforestation.
Une nouvelle étude a découvert que les zones déboisées de forêts transmettent de la chaleur aux forêts avoisinantes, et que ceci alimente les hausses de température dans ces forêts. Les températures moyennes des forêts du monde entier sont déjà en hausse en raison du changement climatique ; cette « fuite de chaleur » exacerbe le problème et accélère les extinctions locales des espèces sylvicoles.
« Le réchauffement se produit à cause du changement climatique, mais la déforestation génère un réchauffement supplémentaire, qui empire l’impact du changement climatique pour la biodiversité des tropiques et les forêts en soi », déclare Barry Sinervo, un écologue et biologiste de l’évolution à l’université de Californie, Santa Cruz et co-auteur de le récent article récent paru dans PLOS ONE qui décrit le phénomène.
Les découvertes d’une étude précédente par Sinervo et ses collègues ont incité cette nouvelle recherche. Cet article de 2010 analysait les mécanismes des extinctions parmi les populations de lézards entre 1975 et 2009 et examinait le lien avec le changement climatique. Il prédisait que près de 40 pour cent des populations de lézards dans le monde entier seraient en danger d’extinction locale d’ici à 2080. Environ 20 pour cent des espèces risquaient de disparaître complètement.
Ce qui avait frappé Sinervo était le taux d’extinction exceptionnellement élevé à Madagascar, l’un des pays comptant la plus grande biodiversité au monde. « Cela m’a intrigué qu’un taux d’extinction bien plus élevé ait été observé à Madagascar que dans n’importe quel autre pays, et j’ai constaté que Madagascar avait connu un réchauffement plus rapide que le continent africain », confie Sinervo à Mongabay.
À Madagascar, une étude de 2010 de deux réserves de forêts rapportait une augmentation des températures maximales de 2 degrés Celsius (3,6 degrés Fahrenheit), ainsi qu’un taux de 75 pour cent de déforestation dans les zones adjacentes. Cependant, les données étaient insuffisantes à l’époque pour examiner si les températures en hausse des forêts étaient liées à la déforestation voisine.
Dans cette nouvelle étude, Sinervo et ses collègues, y compris l’auteur principal, Jayme Prevedello, un écologue à l’université d’État de Rio de Janeiro au Brésil, examine ce lien en étudiant les données du Brésil où la déforestation rapide menace de vastes étendues de forêt. L’équipe a observé des données satellites pour la déforestation et a développé un modèle qui pourrait estimer la hausse correspondante de la température de la surface terrestre en raison de la déforestation.
L’étude révèle que dans les forêts tropicales, la perte de la moitié de la couverture forestière entraîne une hausse d’environ 1,08 degré Celsius (1,94 degré Fahrenheit) de la température de la surface terrestre de la forêt adjacente. En fonction de ce modèle, l’équipe prévoit qu’au Brésil, les taux actuels de déforestation pourraient entraîner un réchauffement supplémentaire s’élevant jusqu’à 1,45 degré Celsius (2,61 degrés Fahrenheit) d’ici à 2050.
Les forêts sont connues pour leur fonctionnalité de refroidissement, en particulier dans les tropiques. Une autre étude publiée dans Nature en avril a montré que la couverture forestière contribuait au refroidissement de la terre de 4 degrés Celsius en moyenne (7,2 degrés Fahrenheit). C’est un effet combiné de deux facteurs clés.
D’une part, l’effet albédo : La terre déboisée a une couleur plus foncée que la terre couverte d’arbres et absorbe donc davantage de radiation solaire. D’autre part, la transpiration : Les arbres absorbent de l’eau provenant du sol et la canalisent vers de minuscules pores sur les feuilles en hauteur, d’où elle s’évapore et contribue au refroidissement de la zone avoisinante.
Selon Sinervo, les gens font erreur en croyant que sauver des espaces boisés près de zones rasées sauvera les espèces qui y vivent. En fait, les températures des forêts qui subsistent augmentent considérablement, ce qui peut en faire des habitats inadaptés pour divers animaux. Ceci exacerbe les impacts directs de perte de forêt, tels que la réduction de l’habitat.
Les scientifiques documentent déjà les effets du changement climatique sur certaines espèces de Madagascar. Christopher J. Raxworthy, un herpétologiste au musée américain d’histoire naturelle de New York a mené une étude indiquant qu’au moins trois espèces d’amphibiens et de reptiles au nord montagneux de Madagascar pourraient disparaître entre 2050 et 2100 tandis que les températures rendent les habitats d’altitudes inférieures inhospitaliers.
Selon les auteurs de cette nouvelle recherche, le message est le suivant : afin de sauver la biodiversité, les zones déboisées doivent être reboisées pour mitiger les impacts du changement climatique, en particulier dans les tropiques.
Les premières mesures vers la compréhension de ces impacts sont en cours. En mai, L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) a lancé un projet de résilience face au changement climatique en collaboration avec les parcs nationaux de Madagascar. Le projet, financé par la Banque africaine de développement, couvrira 14 parcs nationaux à Madagascar, choisis pour leur biodiversité unique. Une étude initiale qui sera réalisée par l’UICN identifiera les problèmes causés par le climat de plus en plus imprévisible sur ces sites et examinera comment les communautés locales et d’autres acteurs privés affectent la santé des forêts de la région, y compris à travers la déforestation.
Citations
Prevedello, J. A., Winck, G. R., Weber, M. M., Nichols, E., & Sinervo, B. (2019). Impacts of forestation and deforestation on local temperature across the globe. PLOS ONE, 14(3). doi:10.1371/journal.pone.0213368.
Sinervo, B., Mendez-De-La-Cruz, F., Miles, D. B., Heulin, B., Bastiaans, E., Villagrán-Santa Cruz, M., . . . Gadsden, H. (2010). Erosion of lizard diversity by climate change and altered thermal niches. Science, 328(5980), 894-899. doi:10.1126/science.1184695
Raxworthy, C. J., Pearson, R. G., Rabibisoa, N., Rakotondrazafy, A. M., Ramanamanjato, J., Raselimanana, A. P., . . . Stone, D. A. (2008). Extinction vulnerability of tropical montane endemism from warming and upslope displacement: A preliminary appraisal for the highest massif in Madagascar. Global Change Biology,14(8), 1703-1720. doi:10.1111/j.1365-2486.2008.01596.x
Image de la bannière : un Caméléon de Parson (Calumma parsonii), une espèce endémique de Madagascar. Photo : Rhett A. Butler.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2019/06/deforested-areas-bleed-heat-to-nearby-forests-drive-local-extinctions/