- Des pêcheurs, ingénieurs, producteurs, scientifiques et directeurs se sont réunis pour développer des engins de pêche sans cordage afin d’éviter que les baleines noires de l’Atlantique Nord se retrouvent enchevêtrées.
- Il ne reste plus que 451 baleines noires et il est probable qu’il y ait moins de 100 femelles reproductrices.
- Les équipes de chercheurs n’ont enregistré aucun baleineau durant la présente période de reproduction qui se termine ce mois.
- Les scientifiques mettent en garde sur le fait que les baleines noires de l’Atlantique Nord pourraient disparaître si la tendance des chiffres ne change pas.
Les baleines noires de l’Atlantique Nord sont confrontées à un avenir de plus en plus incertain. Malgré deux décennies d’observation et de protection intensives, leur nombre a décliné depuis sept ans ; d’après les estimations, il ne reste que 451 baleines. Cependant, aujourd’hui, un nouveau groupe formé d’ingénieurs, de scientifiques, de défenseurs de l’environnement et de pêcheurs espère avoir trouvé une méthode pour écarter la plus grande menace actuelle de ces baleines en voie de disparition : l’enchevêtrement dans les engins de pêche.
Cette méthode repose sur les engins de pêche sans cordage, actuellement en développement. La création de ce matériel modifié a pour but de supprimer les longues cordes qui relient les pièges, les caisses à pêche et les filets aux balises flottantes et autres repères flottant à la surface de l’eau. Les baleines noires de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis), mesurant jusqu’à 14 mètres (46 pieds) de long et pesant l’équivalent de 10 bus scolaires, sont enclines à s’accrocher dans ces cordages. Même si la baleine ne meurt pas des blessures dues à l’enchevêtrement dans un engin de pêche, cela peut entraver sa capacité à se reproduire. Les cordages peuvent ralentir les baleines lorsqu’elles chassent pour se nourrir, et ce particulièrement dans le cas des femelles reproductrices, car elles essaient de prendre des forces pour pouvoir supporter une grossesse de 12 mois et pour ensuite nourrir le baleineau de 900 kilogrammes (une tonne américaine) après sa naissance.
Une réunion à Woods Hole, dans le Massachusetts, le 1er février, a permis de créer une nouvelle association pour une pêche sans cordage censée « mettre en lien pêcheurs, ingénieurs, producteurs, scientifiques et directeurs » selon un résumé de la réunion. Durant celle-ci, les scientifiques et les ingénieurs ont abordé plusieurs méthodes pour éviter d’avoir des cordages verticaux reliés au matériel de pêche.
Habituellement, les pêcheurs accèdent à leurs pièges, caisses à pêche et filets grâce à une corde fixe qui remonte à la surface. Cette nouvelle technologie leur permettrait de récupérer leur matériel de pêche afin de vérifier s’ils ont attrapé des crabes, des homards ou des poissons, grâce à une télécommande. Une des possibilités actuellement testée permet de dérouler un cordage flottant lorsque celui-ci reçoit un signal du bateau qui se trouve au-dessus de lui. Un autre prototype libère de l’air lorsqu’il reçoit un signal acoustique, ce qui permet de gonfler un sac qui remonte à la surface en entraînant avec lui le piège.
L’association doit encore résoudre quelques points tels que le coût et la manière dont le système va faire face aux endroits où les courants sont forts. De plus, la pêche sans cordage n’est actuellement pas légale aux États-Unis et au Canada. Sans repères à la surface, les pêcheurs illégaux pourraient utiliser cette méthode pour cacher leur matériel de pêche aux autorités.
Toutefois, toutes ces stratégies de pêche sans cordage ont un objectif commun : juguler l’hémorragie de la population de baleines noires de l’Atlantique Nord. Les participants à la réunion sont tous d’avis qu’un déclin continu ne serait profitable à personne, car la pêche pourrait être interdite dans une ultime tentative de conservation des baleines.
Les auteurs du résumé ont déclaré : « Nous pensons qu’une telle interdiction aurait un effet dévastateur sur la pêche telle qu’on la connaît et sur les communautés qui en dépendent. C’est le problème de tous ; l’industrie de la pêche, les grossistes, les détaillants, les consommateurs, les organismes de régulation gouvernementaux, les scientifiques et les défenseurs de l’environnement. »
Sur un autre front, les scientifiques et les défenseurs de l’environnement ont eu plus de succès pour minimiser le risque de collisions entre les bateaux et les baleines noires, qui se déplacent lentement. Ils ont collaboré avec des compagnies maritimes afin que celles-ci modifient leurs routes pour éviter les zones où les baleines aiment se rassembler. Les grands navires doivent désormais ralentir lorsqu’ils traversent ces zones. Ces mesures ont permis à l’espèce de croître à nouveau depuis la prise de conscience de leur extinction en 1990, lorsqu’il ne restait que 270 individus. En 2010, ce chiffre est passé à 483.
Depuis lors, les chiffres ont à nouveau plongé, et le problème persistant et omniprésent de l’enchevêtrement n’aide pas. Une étude de 2016 a révélé que 83 pourcents des baleines noires portent des cicatrices dues à de précédentes collisions avec des engins de pêches lorsque ce n’est pas à cause des cordages.
« C’est quelque chose de courant pour les baleines noires, et elles en souffrent toutes à différents niveaux » a déclaré le biologiste Scott Kraus de l’Aquarium de la Nouvelle-Angleterre lors d’une réunion de l’Association des baleines noires de l’Atlantique Nord (the North Atlantic Right Whale Consortium) en octobre 2017. Les problèmes d’enchevêtrement ont joué un rôle dans plusieurs des 17 cas de décès de baleines en 2017 selon le rapport le plus récent publié par le groupe. Cette diminution alarmante de la population de baleines noires a mené l’organisme américain NOAA Fisheries à parler de « mortalités inhabituelles ». En 2015, l’association a communiqué que l’enchevêtrement était responsable de 85 pourcents des décès de baleines noires entre 2010 et 2015.
Une autre recherche récente suggère que les copépodes, un aliment de base des baleines noires, ont migré vers le nord, peut-être à cause du changement climatique, ce qui peut potentiellement aggraver la perte d’énergie des baleines suite aux enchevêtrements. Elles sont peut-être contraintes à une migration annuelle plus longue et qui demande plus d’énergie, une migration des eaux du sud-est des États-Unis jusqu’au golfe du Maine.
A présent, les scientifiques pensent qu’il ne reste pas plus de 100 femelles reproductrices. « Étant donné le taux de mortalité actuel, l’espèce a environ 20 ans avant que ces 100 femelles disparaissent. A ce moment-là, l’espèce sera fonctionnellement éteinte » selon le rapport de la réunion de l’association pour une pêche sans cordage.
La période de mise à bas de quatre mois s’est achevée ce mois, mais aucune des équipes étudiant les baleines sur les côtes de Floride et de Géorgie n’ont vu de baleineau. C’est un coup supplémentaire porté à l’espèce.
« Je continue de me demander quand est-ce que nous aurons une remontée spectaculaire du nombre d’individus » a dit Clay George, un biologiste de la faune au Département des ressources naturelles de Géorgie, dans une newsletter récente dans une newsletter récente.
Comme Kraus l’a dit en octobre, « nous avons travaillé pendant 20 ans pour essayer de réduire le nombre d’enchevêtrements dans les engins de pêche. Nous avons essayé un tas de choses. Toutefois, ça n’a pas eu de répercussion sur le nombre d’enchevêtrements, ni sur la gravité de ceux-ci. »
La nouvelle association pour une pêche sans cordage espère pouvoir changer le bilan.
Image de bannière d’une baleine noire de l’Atlantique Nord avec la permission de NOAA (photo du domaine public).
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CITATIONS
Kraus, S. D., Kenney, R. D., Mayo, C. A., McLellan, W. A., Moore, M. J., & Nowacek, D. P. (2016). Recent scientific publications cast doubt on North Atlantic right whale future. Frontiers in Marine Science, 3, 137.
Meyer‐Gutbrod, E. L., & Greene, C. H. (2018). Uncertain recovery of the North Atlantic right whale in a changing ocean. Global Change Biology, 24(1), 455-464.
Pettis, H. M., and Hamilton, P. K. (2015). North Atlantic Right Whale Consortium 2015 Annual Report Card. Report to the North Atlantic Right Whale Consortium, November 2015.
Pettis, H.M. et al. 2017. North Atlantic Right Whale Consortium Annual Report Card. Report to the North Atlantic Right Whale Consortium, October 2017.
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