Des chimpanzés en voie de disparition sont sur le point de perdre leur territoire au profit d’une gigantesque mine de fer en Afrique de l’Ouest
Lorsque j’étais un Volontaire du Corps de la Paix en Afrique de l’Ouest il y a des dizaines d’années de cela, des plans soigneusement élaborés tombaient littéralement en poussière devant la confusion imprévisible de la vie là-bas. On se contentait de marmonner avec résignation « WAWA » – West Africa Wins Again (à savoir, l’Afrique de l’Ouest a de nouveau gagné). Le gisement de minerai de fer de Simandou en Guinée pourrait bien être l’un des plus grands « WAWAs » jamais produit dans la région.
Situées dans une luxuriante zone forestière du sud-est de la Guinée, les Montagnes de Simandou s’étendent sur près de 500 kilomètres en ligne directe depuis la capitale Conakry. Sous la luxuriante végétation de cette lointaine contrée se trouve le plus grand gisement de minerai de fer inexploité au monde, attendant que quelqu’un vienne l’extraire et faire plus que doubler le PIB de la Guinée. Selon l’industrie, l’exploitation du gisement permettra également de créer 45,000 emplois.
La mine de Simandou sera la plus grande d’Afrique (voir encadré ovale rouge). Source Rio Tinto. Cliquer sur l’image pour agrandir.. Click image to enlarge. |
Tom Butler de la Société Financière Internationale, laquelle possède une participation de cinq pour cent dans le projet Rio Tinto, décrit la mine et l’infrastructure qui lui est associée comme un « facteur potentiel de transformation » pour le pays. Le gouvernement prévoit de sous-traiter la construction d’une ligne de voie ferrée de 670 kilomètres allant de la mine vers un nouveau port au sud de Conakry a un consortium tiers, donnant par la même une impulsion nouvelle à la production agricole et à d’autres projets miniers dans les zones éloignées de l’est du pays.
« Simandou est l’un des gisements de minerai de fer de la meilleure qualité et des plus grands au monde » a déclaré Kerfala Yansane, Ministre d’Etat guinéen des Mines et de la Géologie. « Il a le potentiel d’approvisionner le marché mondial en minerai hautement compétitif pour une durée de plus de 40 ans. Ce projet estimé a $US 20 milliards va relancer l’économie entière de la Guinée et stimuler notre Corridor de Croissance Sud par le biais des mines, de l’agriculture, de l’exploitation forestière, du bétail et du commerce. Il s’agit là de libérer notre énorme potentiel… »
Les riches gisements de minerai de fer sont connus depuis les années 50, mais l’instabilité politique, l’inaccessibilité, et, plus récemment, une combinaison de corruption et de poursuites judiciaires ont retardé la construction et l’exploitation de la mine. Et à présent, Ebola constitue un autre obstacle : la zone minière ne se trouve qu’à 50 kilomètres à l’est de Macenta, l’une des premières zones où a été signalée l’épidémie d’Ebola.
En 1997, le gouvernement guinéen a divisé les montagnes Simandou en quatre blocs d’exploration. Rio Tinto, la deuxième plus grande compagnie minière au monde, a obtenu la licence d’exploration des quatre blocs. En 2008, alors que le Président Lansana Conté gisait sur son lit de mort, il retira à Rio Tinto les deux blocs nord de Simandou, avec pour argument que le géant minier était trop lent dans son processus de développement du site.
A la mort de Conté, les responsables du gouvernement guinéen ont mystérieusement accordé les deux blocs à Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), contrôlé par le milliardaire israélien Beny Steinmetz.
Mo Ibrahim, milliardaire soudanais qui récompense les leaders africains se retirant avec des antécédents relativement sans tache, s’est demandé si les responsables guinéens qui ont donné leur accord à cette concession étaient des « idiots, ou des criminels, ou bien les deux », selon le rapport de la publication the Economist. BSGR n’a effectué aucun paiement initial (excepté un montant supposé de $100 millions en pots de vins
et a ultérieurement vendu 51 pour cent de sa concession à Vale, une gigantesque compagnie minière brésilienne, contre la somme de $ 2.5 milliards.
En 2014, l’actuel gouvernement guinéen du Président Alpha Condé a mené une enquête sur l’acquisition de BSGR. Apres la confirmation que pots de vin et corruption y étaient impliqués, le gouvernement a annulé les licences appartenant à Vale et BSGR. A présent, Rio Tinto souhaite reprendre les deux blocs nord. Des poursuites judiciaires et des accusations de corruption
volent actuellement de part et d’autre car Vale et BSGR ont récemment perdu leur tentative d’appel
pour rejeter les poursuites de Rio Tinto.
Même le milliardaire philanthrope George Soros ainsi que le précédent directeur britannique du Programme de Développement des Nations Unies, Lord Mark Malloch-Brown, se sont trouvés impliqués dans cette affaire.
Soros agissait en tant que conseiller de feu le Président Conté, aidant à redéfinir le code minier du pays et réviser les anciens contrats à travers le Revenue Watch Institute,
organisme de gouvernance et politique de gestion des ressources naturelles financé par Soros. Selon le New Yorker, Steinmetz et ses collègues rendent Soros responsable de leurs problèmes concernant Simandou. Pour empirer les choses, la firme de relations publiques payée par BSGR pour donner une mauvaise image du président Conté dans cette affaire a mis un terme à son contrat avec la compagnie. BSGR a blâmé Malloch-Brown, proche de Soros et cadre dirigeant dans la firme publicitaire, pour son ingérence. BSGR a par la suite poursuivi en justice Malloch-Brown pour divulgation d’informations confidentielles à Soros et a obtenu un règlement à l’amiable.
De toute évidence, Steinmetz et BSGR pensent pouvoir garder les deux blocs nord car le site web de la compagnie
décrit le projet Vale-BSGR en Guinée, mentionnant leur intention de construire un chemin de fer Trans-Guinéen vers un nouveau port au Liberia. Steinmetz a même engagé Joseph Lieberman, ancien sénateur américain, et Louis Freeh, ex chef du FBI, dans le but de mener des investigations sur toutes les allégations de corruption.
Les enjeux financiers sont énormes, ce qui explique le scenario hollywoodien d’intrigue et de trahison qui se joue actuellement à travers divers tribunaux en Guinée, en Europe et aux Etats Unis. La montagne de fer de Simandou contains over two billion metric tons of high grade ore in the southern Blocks 3 and 4 alone. This would make Rio Tinto and contient plus de deux milliards de tonnes métriques de minerai riche dans les seuls blocs sud 3 et 4. Cela ferait de Rio Tinto et de son principal partenaire chinois, l’organisme étatique Aluminium Corporation of China (Chinalco), le plus gros producteur au monde de minerai de fer, avec jusqu’à 100 millions de tonnes par an à plein niveau de production. Si les deux blocs nord se rajoutent à cela, la production pourrait doubler.
Au total, Simandou pourrait générer la somme monumentale de $140 milliards sur les 25 prochaines années, ce qui a amené Tom Albanese,
ancien directeur général de Rio Tinto, a se vanter auprès des actionnaires que Simandou était, « sans nul doute, le plus important actif de niveau 1 de minerai de fer non exploité au monde. »
Ce qui a été majoritairement négligé dans toute cette dramaturgie financière, c’est que la mine de Simandou serait construite sur une Zone Clef pour la Biodiversité (ZCB), tel que défini par un consortium d’organismes de conservation, dont Conservation International, IUCN et BirdLife International. Les ZCB sont des sites d’une importance internationale pour la protection de la biodiversité à l’échelle mondiale.
La foret Pic de Fon abrite des populations menacées de chimpanzés ainsi que des centaines d’autres espèces rares et endémiques de faune et de flore. Avec l’autorisation de Rio Tinto
La Foret Classée du Pic de Fon – supposée être zone protégée – est en plein milieu de la zone de concession de la mine. Ce haut lieu de la biodiversité sert d’asile a deux groupes d’espèces menacées de chimpanzés d’Afrique de l’ouest (Pan troglodytes verus), quatre espèces menacées de singes, des centaines de mammifères endémiques, d’oiseaux, d’amphibiens et reptiles, et plus de 1,800 espèces de plantes endémiques. Les forêts de la Haute Guinée avec les montagnes de Simandou font partie des derniers vestiges des immenses forêts tropicales qui jadis recouvraient les collines et montagnes des basses terres de l’Afrique de l’ouest. Cependant, le statut formel protégé de la foret n’a vraisemblablement pas ralenti le projet le moins du monde.
En raison des risques élevés pour la biodiversité associés au projet Simandou, Rio Tinto a proposé qu’il soit un site pilote pour le développement de sa Stratégie sur la Biodiversité, formulée en 2004.Le principal but de la stratégie est pour Rio Tinto d’avoir un Impact Positif Net (IPN) sur la biodiversité en minimisant les impacts négatifs de ses activités. Comme la Société Financière Internationale (SFI), branche d’investissement privée de la Banque Mondiale, cofinance le Projet Simandou, il est soumis à plusieurs Normes de Performance (NP) dont la NP6
sur la Protection de la Biodiversité et la Gestion Durable des Ressources Naturelles.
« Ce Projet est une priorité pour la SFI, du fait de son potentiel en matière de création d’emplois, d’infrastructures et de revenus pour la Guinée, » a déclaré Jin-Yong-Cai, Vice Président Exécutif et PDG de la SFI.
Cette Norme de Performance reflète les objectifs de la Convention sur la Diversité Biologique pour la protection de la diversité biologique et la promotion de l’utilisation durable des ressources naturelles renouvelables. NP6 répond à la manière dont les clients peuvent éviter ou alléger les menaces envers la biodiversité découlant de leurs activités et gérer de manière durable les ressources naturelles renouvelables.
Dans le cadre de sa Stratégie sur la Biodiversité, Rio Tinto a mené ce qui est peut-être l’étude d’Evaluation d’Impact Environnemental et Social
la plus complète jamais élaborée, accompagnée par un Plan de Gestion Environnementale et Social (PGES). Plus d’une centaine de consultants dans chaque domaine social et environnemental imaginable se sont attelés entre 2007 et 2011 au dur labeur de produire 44 chapitres et divers rapports sommaires totalisant des milliers de pages, comprenant des centaines de cartes, tableaux, graphiques et photos décrivant le patrimoine culturel et de biodiversité de la région, ainsi que l’impact que toute activité minière pourrait avoir sur celui-ci.
Etant donné que l’exploitation minière et le transport qui lui est associé auront un effet tout à fait destructif, le défi qui s’annonce est énorme. Le processus minier, dans ce cas-ci, commence par le défrichage de la végétation et le retrait des terrains de recouvrement de la zone minière. Les mineurs extraient le minerai en forant, dynamitant, creusant et chargeant sur des camions. Les matériaux sont alors acheminés vers les broyeurs situés dans chaque fosse ou ils subissent une première phase de réduction avant d’être chargés sur des convoyeurs pour être transportés dans la zone de traitement du minerai. Les terrains de recouvrement, les déchets minéraux et le minerai à faible teneur sont retirés de la fosse et déposés dans des emplacements à déchets situés à côté de la fosse. Cette opération se poursuivra jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment d’espace dans les fosses, et les déchets seront alors remblayés dans les zones exploitées.
Description schématique du processus d’exploitation du minerai de fer. Avec l’autorisation de Rio Tinto.
Dans la zone de traitement, le minerai de fer subit d’autres phases de tamisage, broyage secondaire et tertiaire jusqu’à atteindre un volume adéquat pour la vente directe aux aciéries. Le minerai broyé est alors transporté par convoyeur vers un amas de stockage temporaire ou il est conservé avant d’être chargé sur des trains en direction du port.
Le diagramme schématique du processus minier de Rio Tinto omet les fosses massives créées, détruisant de vastes zones de végétation ainsi que la biodiversité qu’elles abritent. Avec l’autorisation de African Business Magazine.
La zone de traitement du minerai ou il est broyé jusqu’au volume désiré provoque également une perturbation considérable des sols. Avec l’autorisation de Rio Tinto.
Selon Steve Boyes, Explorateur Emergent de la National Geographic qui a enquêté en profondeur sur la mine de Simandou, les espèces menacées de chimpanzés d’Afrique de l’ouest vivant dans les montagnes de Simandou sont la dernière population viable dans les Hautes Terres de Konyan.
Les Hautes Terres de Konyan au sud-est de la Guinée sont le « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, » a déclaré Boyes. La mine ne va pas uniquement détruire l’habitat des chimpanzés et accroitre la chasse de viande de brousse par les ouvriers et leurs familles, ajoute-t-il, mais « la présence de mines à ciel ouvert sur les sommets va également endommager les bassins versants montagneux et altérer l’hydrologie, augmentant le taux de turbidité dans les courants d’eau en aval, abaissant les niveaux des nappes souterraines, asséchant les sources et polluant les rivières locales. »
L’étude de Rio Tinto estime qu’il existe près de 50 chimpanzés dans la Zone Protégée du Pic de Fon, divisés en deux groupes, l’un à Oueleba et l’autre dans le Pic de Fon lui-même. Un Plan de Gestion du Pic de Fon a été élaboré avec l’aide des communautés avoisinantes. L’objectif du Plan est d’assurer la survie du chimpanzé à travers une atténuation à la fois des menaces préexistantes et des impacts miniers imminents.
Le succès repose sur trois conditions primordiales. Premièrement, l’habitat des chimpanzés qui ne sera pas affecté par les activités minières doit être protégé, deuxièmement, la chasse doit être contrôlée, et enfin, il faudra assurer un habitat supplémentaire suffisant pour les chimpanzés. Ce nouvel habitat doit être à la fois accessible et sécurisé avant la perte et la dégradation des principales zones actuellement occupées.
Le chimpanzé d’Afrique de l’Ouest (Pan troglodytes verus) est répertorié comme Espèce Menacée par l’IUCN. Avec l’autorisation de Goprimal.
L’étude de Rio Tinto estime que 50 kilomètres carrés de territoire du chimpanzé seront perdus en faveur de la mine, dont 12 dans la foret du Pic de Fon. Les communautés locales ont accepté de cesser toute chasse dans la foret protégée, ce qui allègera la pression, permettant aux chimpanzés de migrer loin des activités minières et demeurer une population reproductrice viable. Cependant, plusieurs facteurs demeurent inconnus, tout particulièrement la manière dont les chimpanzés réagiront face à la perte de leur habitat.
Le pire scenario serait que les deux groupes se battent pour le territoire, résultant en l’extermination du plus petit groupe de 10-14 individus à Oueleba.
A fin mai 2014, Rio Tinto (46.57 %) annonça la signature du cadre d’investissement avec ses partenaires, le gouvernement guinéen (7.5 %), Chinalco (41.3 %), et la SFI (4.625 %).
« Avec son énorme investissement d’infrastructure, ce projet est d’une importance capitale pour le peuple de Guinée, »a déclaré le Président guinéen Alpha Condé. « C’est une priorité nationale qui va bien au-delà des mines et de nos générations. Grace a des accords transparents et équitables, notre secteur minier a le potentiel de changer la donne pour la Guinée. »
Cependant, lors de la signature, nul ne mentionna les forets irremplaçables ni la faune menacée. Pas plus qu’il n’y eut de discussion à propos de la Stratégie sur la Biodiversité de Rio Tinto et la question de savoir si elle est valable pour Simandou. On peut se demander à quoi ressemblera Simandou dans 40 ans, après que 5 milliards de tonnes de minerai aient été extraits et expédiés en Chine. Subsistera-t-il un quelconque chimpanzé d’Afrique de l’Ouest pour explorer ce qu’il reste de son habitat, et peut-être murmurer « WAWA ? »