La Côte d’Ivoire est le plus grand producteur de cacao au monde et dispose d’un écosystème d’une grande biodiversité. Riche de diverses espèces, on compte plus de 2250 espèces endémiques de plantes et 270 espèces vertébrées. Mais la Côte d’Ivoire détient également le taux de déforestation le plus élevé de toute l’Afrique Subsaharienne, dû en grande partie à son ascension en tant qu’acteur important dans l’économie agricole mondiale après des années de conflit civils.
Selon une nouvelle étude en accès libre publiée sur la revue Tropical conservation Science de mongabay.com, les populations de primates sauvages en Côtes d’Ivoire sont en sérieux déclin en raison du nombre croissant de plantations illégales de cacao dans les zones protégées.
Le cercopithèque de Roloway en captivité est une des espèces que l’on peut observer en Côte d’Ivoire. Photo par: Hans Hillewaert sous licence CC BY-SA 3.0.
Les auteurs de cette étude ont recensé vingt-trois zones protégées afin d’en déterminer le nombre d’espèces de primates présentes, l’ampleur de la dégradation de leur habitat naturel due aux plantations de cacao, ainsi que les populations humaines présentes près de ces réserves naturelles.
“Nos données nous confirment la forte corrélation entre les cultures de cacao et l’absence de certaines espèces de primates dans les réserves naturelles et les parcs de la Côte d’Ivoire” expliquent les chercheurs.
“Chacune des vingt-trois réserves naturelles a subi la perte d’au moins une espèce de primate. Cinq de ces réserves en ont perdu la moitié et treize autres ont perdu la totalité des espèces présentes.” Les plantations de cacao représentaient 93% des cultures illégales dans les zones protégées, avec des cultures de subsistances occupant le pourcentage restant.
“Nous avons besoin de mesures draconiennes afin de contrôler la chasse des primates en Côte d’Ivoire. Mais à moins que les plantations de cacao ne soient contrôlées de près, l’application de lois antichasses n’empêchera pas la perte d’autres espèces de primates car leurs habitats naturels, même dans les zones protégées, n’existeront plus.”
Malgré la forte relation entre la déforestation et la disparition des primates, certaines réserves naturelles déboisées à 80% ont su conserver 6 espèces de primates locales sur 8, grâce à la mise en vigueur de programmes communautaires de conservation et de surveillance. D’autres forêts telles que la réserve du Haut Sassandra, longtemps qualifiées de zone de conflit en marge du contrôle de l’État, ont perdu 70% de leurs forêts et toutes les espèces de primates présentes sur le site. D’après les chercheurs, l’investissement social dans la planification de la conservation des espèces et la lutte contre la déforestation sont la clé de la protection de la diversité des primates.
Le mangabey couronné (Cercocebus torquatus). Une autre espèce de primate observé en Côte d’Ivoire. Photo par: BS Thurner Hof sous licence CC BY-SA 3.0.
L’étude met aussi l’accent sur trois zones forestières en particulier, servant de refuge pour trois espèces de primates les plus en danger. Le cercopithèque de Roloway (Cercopithecus Diana roloway) et le Mangabey Couronné (Cercocebus atys lunulatus) dépendent entièrement des zones forestières restantes dans les réserves de Port Gauthier, de Dassioko et de la réserve comunautaire de Tanoe. Les chercheurs ont donc mis en place un programme de surveillance communautaire dans la réserve de Dassioko, une des dernières réserves qui sert de refuge aux chimpanzés d’Afrique de l’Ouest (Pan troglodytes verus).
« Potentiellement la mise en place de stratégies agroforestières pourrait autant servir les besoins des économies locales, que ceux des écosystèmes » disent les chercheurs. L’une des plus prometteuses, “le cacao de l’ombre”, ne nécessite pas le déboisement total des forêts. Cette stratégie a déjà fait ses preuves quant à la sauvegarde de la population des primates sur les plantations de cacao du Brésil. Les cultivateurs de Côte d’Ivoire interviewés se sont montrés disposés à tenter cette nouvelle approche, car la conservation des arbres enracinés sur leurs plantations augmente la stabilité et la capacité du sol à retenir l’eau et ainsi sa fertilité.
Les chercheurs s’alarment sur la nécessité de la mise en œuvre de pratiques agroforestières car chaque année le pays perd 265 000 hectares de forêt en vue d’améliorer le rendement du cacao.
D’après les chercheurs, ‘Il est peu probable que la Côte d’Ivoire ait les ressources nécessaires pour mettre un terme à la production de cacao et la chasse à l’intérieur des zones protégées. Étant donnée la situation alarmante du déclin de la population des primates, la situation ne fera surement qu’empirer.”
“La priorité immédiate doit être de renforcer la surveillance des zones protégées des parcelles restantes” concluent les chercheurs. Vraisemblablement, l’espoir d’un regain de la population des primates sur ses zones protégées et régénérées repose sur notre capacité à protéger les éléments de ces habitats maintenant.”
Citation:
- Bitty, A.E., Bi, S.G., Bene, JC. K., Kouassi, P.K., and McGraw, S.W. (2015). Cocoa farming and primate extirpation inside Cote d’Ivoire’s protected areas. Tropical Conservation Science 8(1), 95-113