Nouvelles de l'environnement

Burkina Faso : Les légumes-feuilles locaux menacés de disparition

  • Une étude récente montre que l’urbanisation et une mosaïque d’autres facteurs, dont la sécheresse, les feux de brousse et l’expansion des terres agricoles, mettent en danger les légumes-feuilles locaux au Burkina Faso.
  • Ces plantes, comme les feuilles de baobab ou de niébé, font parties intégrantes des habitudes alimentaires des populations, surtout pendant la période de soudure.
  • Les chercheurs soulignent que les jeunes connaissent de moins en moins ces légumes-feuilles, tandis que les femmes restent les principales détentrices des mets locaux à base de légumes.
  • Pour protéger ces espèces, les populations proposent le reboisement, la sensibilisation et de meilleures pratiques agricoles, lors des aménagements du terroir.

Selon une étude, l’urbanisation, la sécheresse, les feux de brousse et l’expansion des terres agricoles mettent en danger les légumes-feuilles locaux au Burkina Faso.

« L’urbanisation croissante est l’une des raisons du déclin des terres arables et de la perte de ressources végétales telles que les espèces à légumes-feuilles dans les zones urbaines et périurbaines. La conversion des terres agricoles en zones résidentielles est un obstacle qui limite les zones de renouvellement de ces espèces, et celles-ci sont parfois complètement abattues pour libérer de l’espace, pour la construction de maisons et de magasins. Les quelques arbres qui sont épargnés manquent parfois d’entretien et de protection, vieillissant et mourant au fil des ans », indique l’étude, menée par un groupe de chercheurs de plusieurs universités au Burkina Faso et de l’université d’Aarhus, au Danemark.

L’étude, publiée en août 2025, dans le Journal of Agriculture and Food Research, a été réalisée dans les zones urbaines, périurbaines et rurales des régions du centre-Ouest et des Hauts Bassins, situées respectivement dans les zones climatiques soudano-sahéliennes et soudaniennes du Burkina.

Elle a permis de recenser 20 espèces à légumes-feuilles locaux utilisées dans l’alimentation de la population. Les espèces dont les feuilles sont les plus consommées sont, entre autres, le baobab, le niébé, l’aubergine locale ou encore le kapokier.

Selon le constat des chercheurs, les légumes-feuilles locaux jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la malnutrition, surtout pendant la période d’épuisement de stocks alimentaires. « Leurs utilisations pendant la période de soudure mettent en évidence leur résilience et leur importance adaptative dans les systèmes alimentaires locaux », souligne l’étude.

Cette recherche indique que ces plantes sont comme une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles pendant la période de soudure, une phase critique généralement située entre juin et août, marquée le plus souvent par une insécurité alimentaire accrue, en raison de la rupture des stocks alimentaires avant la prochaine récolte.

L’urbanisation accentue la disparition des légumes feuilles locales. Image de Hadepté Da pour Mongabay, prise sur un périmètre maraicher de la Ceinture verte de Ouagadougou, au Burkina Faso.
L’urbanisation accentue la disparition des légumes feuilles locaux. Image de Hadepté Da pour Mongabay, prise sur un périmètre maraicher de la Ceinture verte de Ouagadougou, au Burkina Faso.

Pendant cette période, les légumes-feuilles locaux, selon Sibiri Jean Claude Ramdé, auteur principal de l’étude, sont beaucoup intégrée dans la diversification alimentaire des populations, notamment celles rurales. « Les espèces à légumes feuilles locaux sont très importantes pour la population. Ce sont des espèces qui sont adaptées à nos climats et qui sont très riches en éléments nutritionnels », a expliqué Ramdé, à Mongabay.

Mais lors de l’étude, il constate que l’alimentation en milieu urbain s’oriente vers les légumes-feuilles exotiques, ce qui limite considérablement l’usage de ceux locaux.

Il ajoute également que ces plantes sont stigmatisées, c’est-à-dire considérées comme des aliments réservés aux pauvres ou aux personnes âgées, ou encore comme des aliments oubliés.

Cette perception, dit-il, constitue un véritable obstacle à leur utilisation et à leur conservation.

L’urbanisation accélère la disparition des légumes-feuilles locaux

De l’avis de Ramdé, l’urbanisation affecte négativement les légumes feuilles locaux. Une descente le 12 septembre dernier, au niveau de la Ceinture verte de Ouagadougou, créée en 1976, par l’État burkinabè, pour protéger la capitale contre l’ensablement et limiter l’urbanisation anarchique, permet de constater que des hommes et des femmes exploitent cet espace de 2 100 hectares, pour produire des légumes avec des méthodes agroécologiques.

Sur le site périurbain, des maisons sont construites un peu partout, les installations anarchiques poussent comme des « champignons », grignotent l’espace après les orages. « En milieu urbain et périurbain, avec la démographie grimpante, il y a des terres qui sont transformées en zones industrielles ou en zone d’habitation. Ce qui fait que ces espèces de plantes sont systématiquement coupées », explique Ramdé, doctorant à l’université Joseph Ki Zerbo (Burkina Faso).

« Quand on fait les lotissements, on ne pense pas aux agriculteurs ou encore aux jardiniers. On vient les trouver et le plus souvent, on les déguerpi. Ce qui impacte la production des légumes qui alimentent les villes. Cela joue énormément sur l’équilibre alimentaire », a ajouté Noé Tougma, ingénieur agronome, expert indépendant en agriculture tropicale.

Selon l’étude sur l’impact de l'urbanisation sur l'utilisation et la conservation des espèces locales à légumes-feuilles au Burkina Faso, les femmes ont une meilleure connaissance des espèces de légumes feuilles locales que les hommes. Image de Hadepté Da pour Mongabay.
Selon l’étude sur l’impact de l’urbanisation sur l’utilisation et la conservation des espèces locales de légumes-feuilles au Burkina Faso, les femmes ont une meilleure connaissance des espèces de légumes feuilles locaux que les hommes. Image de Hadepté Da pour Mongabay.

Les chercheurs ont aussi montré que dans les zones rurales, les personnes âgées connaissent et consomment plus les légumes-feuilles locaux que les jeunes.

Ils expliquent le faible niveau de connaissances de ces plantes chez les jeunes par le déclin de la transmission des savoirs traditionnels. « Les modes de vie et les régimes alimentaires urbains privilégient souvent les aliments transformés au détriment des légumes-feuilles traditionnels. Cela entraîne un déclin de l’intérêt pour la transmission des connaissances traditionnelles et la consommation traditionnelle de légumes-feuilles locaux, en particulier chez les jeunes citadins », dit Ramdé.

Si les jeunes connaissent moins les légumes-feuilles locaux, il ressort que ce sont surtout les femmes qui possèdent le plus de savoir sur ces plantes, car elles en assurent la cueillette et la préparation dans les foyers.

Dix-huit menaces affectent les légumes-feuilles locaux

L’urbanisation, selon les résultats de cette étude ethnobotanique, n’est pas le seul bourreau des espèces de légumes-feuilles locaux. L’étude a révélé 18 types de menaces, parmi lesquelles, on retrouve la mauvaise régénération des plantes, la mortalité élevée, l’émondage excessif des branches, les sécheresses récurrentes, les feux de brousse et l’expansion des terres agricoles.

Ces menaces touchent plus les zones urbaines et périurbaines que celles rurales du fait qu’en ville la croissance rapide de la population, entraîne la transformation des terres agricoles en zones résidentielles et/ou industrielles.

En milieu rural, les légumes feuilles locaux sont plus utilisés dans l’alimentation, surtout en période de soudure. Image de Hadepté Da pour Mongabay.
En milieu rural, les légumes feuilles locaux sont plus utilisés dans l’alimentation, surtout en période de soudure. Image de Hadepté Da pour Mongabay.

Dans les zones urbaines, la mauvaise régénération représente plus de 32 % des menaces signalées, tandis que l’abattage des arbres reste une préoccupation pour près de 28 % des enquêtés.

Dans les zones rurales, les menaces principales sont la mauvaise régénération (18 %), la mortalité (17 %), l’élagage (16 %) et les sécheresses (12 %). Les feux de brousse et l’utilisation incontrôlée des engrais chimiques sont répertoriés comme des facteurs qui occasionnent la disparition de ces légumes, surtout les légumes-feuilles herbacés.

Pour Ramdé, les légumes-feuilles locaux sont, non seulement importants pour l’alimentation, mais aussi pour la culture locale. Il cite une espèce comme Balanites aegyptiaca, communément appelé dattier du désert, dont les feuilles sont utilisées dans des plats traditionnels typique à l’ethnie Peul. En plus chez l’ethnie Mossi, les feuilles de Maerua angolensis (Zilgo en langue local mossi), sont utilisées dans des rites funéraires.

Pour sauver les légumes-feuilles locaux, l’étude, par la voix des 257 personnes enquêtées, propose de mener des campagnes de sensibilisation sur leurs bienfaits alimentaires et de renforcer les efforts de reboisement, afin de protéger les espèces les plus utilisées, pour l’alimentation et la médecine.

Les chercheurs estiment aussi que la promotion de pratiques durables, comme les techniques de récolte « douce », peut aider à mieux gérer ces plantes et à assurer leur conservation sur le long terme.

Noé Tougma suggère d’impliquer les agents du secteur agricole dans les projets d’aménagement du territoire ou de lotissement. « Quand on doit lotir, on doit impliquer les agents de l’agriculture, pour qu’ils aident à identifier les bons sols, les bas-fonds, afin qu’on ne lotisse pas ces sols, pour permettre de continuer à pérenniser les activités agricoles ».

Image de bannière : L’urbanisation accentue la disparition des légumes feuilles locaux. Image de Hadepté Da pour Mongabay, prise sur un périmètre maraicher de la Ceinture verte de Ouagadougou, au Burkina Faso.

L’agriculture biologique attire de plus en plus de producteurs au Burkina Faso

Citation :

Ramdé, S. J., Ganamé, M., Bayen, P., Lykke, A. M., & Thiombiano, A. (2025). Impact of urbanization on uses and conservation of Indigenous leafy vegetable species in Burkina Faso, West Africa. Journal of Agriculture and Food Research, 23, 102246. doi:10.1016/j.jafr.2025.102246

Feedback : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.

Quitter la version mobile