- En République démocratique du Congo (RDC), la production de cacao est en nette augmentation depuis 2019, tout comme le nombre de planteurs.
- Le pays envisage tripler la production des fèves d’ici à 2030. Mais il manque de terre et la sécurité pose problème dans la région orientale, à ce jour, principale zone de production.
- Mais ce qui fait la fierté de ce cacao, à savoir son label « biologique », ne récompense pas assez les agriculteurs.
Augmenter la production de cacao en République démocratique du Congo (RDC), d’ici à 2030. C’est l’ambition du gouvernement congolais qui l’a conduit à créer l’Office national des produits agricoles du Congo (ONAPAC). Cette structure conseille et promeut en même temps la culture du cacao et du café en chute depuis les guerres successives, qui écument le pays, depuis 3 décennies.
Mais depuis 2019, les performances en cours suscitent beaucoup d’enthousiasmes dans le rang des dirigeants et des planteurs. Selon Gilbert Makelele, président du conseil d’administration du Réseau des coopératives des producteurs de café/cacao de la RDC (RCPCA-RDC), le pays produit aujourd’hui 56 000 tonnes de cacao contre 3 000 en 2019. En ce qui concerne le café, le volume produit atteint 13 500 tonnes contre 6 000 en 2019.
Mais, d’après l’enquête journalistique intitulée « Corruption, vols, assassinats… Dans l’Est de la RD Congo, le cacao finance le chaos », menée par Ukweli Coalition Media Hub, une coalition dédiée au journalisme d’investigation dans les Grands lacs africains, ces chiffres sont minimisés du fait de la fraude impliquant des officiels, notamment dans le rang des forces de sécurité.
En plus, ils ne prennent pas en compte les fèves vendues dans la contrebande, vers l’Ouganda, principale destination de ce type de trafic. En 2023, la RDC aurait exporté 64 000 tonnes de fèves, générant 50 millions USD. « Nous produisons le meilleur café au monde. Nous produisons également le meilleur cacao au monde et nous l’exportons. Et, nos consommateurs en sont très contents. Nous sommes certifiés, la plupart de nos coopératives sont certifiées », explique Makelele.

Ce cacao est produit en suivant des procédés certifiés biologiques, assure Makalele, en parlant de son réseau national.
D’après les statistiques du rapport « The world of organic agriculture » (2024 et 2025), la RDC classée 2e en Afrique en termes de production et d’affection de sols à cette culture de fèves « biologiques » : 90 540 ha en 2023, et 84 070 ha en 2024, indiquent les mêmes rapports. Cela représente environ 128 800 terrains de football, ou 1/3 (35%) de la superficie du Luxembourg.
« Presque 80 % de nos produits vont vers l’Europe. Il y a presque 10 % [qui vont] vers les États-Unis et 10 % vers d’autres continents. Mais il faut dire que c’est minime parce que, selon les dernières discussions, que nous avons eues avec le ministre du commerce extérieur, le gouvernement voudrait qu’à l’horizon 2030, nous puissions produire et exporter 120 000 tonnes de café et 240 000 tonnes de cacao », explique Makelele.
Dans la province de Tshopo, au Nord du pays, le gouvernement a récemment initié, avec l’appui de l’Initiative des forêts d’Afrique centrale (CAFI) et du Fonds national REDD, un programme de relance du cacao et du café. Ce sont en tout 440 ha de plantations portés par une coopérative locale, indique l’Agence congolaise de presse, média de service public de la RDC.
Dans le sud-est du pays, au Katanga, des agriculteurs se lancent également dans le cacao, avec des plantations dans le Lualaba et le Haut-Katanga, régions riches en cuivre et en cobalt. « Nous sommes en train de discuter avec le gouvernement pour qu’il puisse investir plus d’argent dans l’agriculture ici au Katanga et plus particulièrement au niveau des cultures pérennes : café et cacao. Il y a suffisamment de fonds au niveau national », explique Makelele lors de sa visite dans la région fin juillet 2025.
Mais pour être durables, les produits agricoles doivent provenir des procédés qui respectent les écosystèmes, « et assurer le bien-être des acteurs », convient l’Ordre des agriculteurs du Québec au Canada. Ces procédés deviennent parfois contraignants pour les produits d’exportation tels que le cacao et le café.
La « prime » des fèves bio vaut moins d’un dollar en RDC
Ces derniers produits sont ciblés par le Règlement de l’Union européenne excluant de son territoire les produits liés à la déforestation, dont l’application est prévue fin 2025. Faute de certification par ses experts, de l’origine du cacao congolais, l’UE pourrait ne pas acheter ce produit congolais, en raison du fait que ses experts n’ont pas pu accéder aux régions orientales du pays, principale source des fèves réputées biologiques du pays. Depuis environ 3 ans, la sécurité s’est dégradée dans la région cacaoyère occupée par des groupes armés, notamment le M23, qui contrôle les capitales provinciales du Nord et du Sud-Kivu.
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Pour Gibert Makelele, l’exclusion de fèves congolaises du marché de l’UE entacherait la réputation d’un produit issu d’un processus durable sur lequel veille son association, la Coopérative des producteurs novateurs du café au Kivu (SCPNCK), laquelle est membre du RCPA-RDC. La SCPNCK, explique-t-il, assure l’inspection régulière de la conformité des standards de production. « Au niveau de nos champs, nous n’utilisons pas les engrais chimiques. Tout ce que nous utilisons, ce sont les engrais organiques », dit Makelele. Il déclare, en plus, que chaque producteur doit laisser pousser d’autres arbres dans les plantations et exclure de ces dernières, tout travail des enfants.
« Nous n’utilisons pas des engrais chimiques », explique pour sa part, Adolphe Kaserea, planteur vivant à Beni, ville du territoire du même nom situé au nord de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC. « Nous avons appris qu’il n’est pas bon de brûler le champ, ce n’est pas bon pour le cacao. Nous utilisons du fumier et irriguons les champs pour conduire l’eau jusqu’aux plantes », explique Kaserea.
Mais la persistance des conflits dans la région ne fait pas que compliquer la certification. Elle en limite aussi les effets pour les producteurs, sur le plan économique, puisque, comme l’explique Makelele, le cacao biologique a une valeur particulière. Alors que le kilogramme est vendu à 10 USD, d’après Makelele, la valeur additionnelle du cacao certifié biologique est de 0.45 à 0.46 % de sa valeur marchande ordinaire. Mais, en juillet 2025, à Beni, les paysans ont confié à Mongabay, que le prix du kilogramme a dégringolé, passant de 20 000 à 12 000 francs congolais, soit respectivement 7 et 4,2 USD.
Cette « prime du cacao biologique » représente en outre moins d’un dollar, ce qui revient à dire que la production du cacao biologique n’est pas encouragée à sa juste valeur, admet Makalele.
De l’insécurité pour les fèves de cacao
Les champs de cacao se déploient dans les collines verdoyantes du Nord-Kivu. Elles s’étendent jusqu’au nord dans l’Ituri. La culture attire au moins 200 000 planteurs sur l’ensemble du pays, selon la même source. Mais malgré cet intérêt certain, l’accès aux terres agricoles reste difficile et perturbé, en plus, par l’insécurité persistante.
À Beni, Kasereka s’est investi dans le cacao depuis 3 ans. Il se plaint depuis de ne pas en tirer de vrais avantages. Il doit parfois abandonner son champ, parce que les lignes de défenses entre belligérants s’en rapprochent. « Je les vois parfois [les soldats, Ndlr], mais je ne peux rien faire. Je les laisse faire, et parfois je les fuis, obligé de me cacher », explique Kasereka.

La région du Kivu, enrichie notamment de laves refroidies du volcan Nyirangongo, est propice à plusieurs cultures. Mais à cause de l’insécurité persistante, certaines terres ne peuvent être emblavées. Parfois aussi, les planteurs doivent louer des terres là où ils sont sûrs de ne pas trop s’exposer aux violences. « Ce travail me permet aujourd’hui de payer la scolarité de mes enfants. C’est aussi cela qui permet facilement de payer les soins de santé », confie André Kamate, planteur lui aussi, depuis 16 ans. Après avoir travaillé dans le café, il s’essaie lui aussi au cacao.
Mais, comme l’indique l’enquête « Corruption, vols, assassinats… », menée par Ukweli Coalition Media Hub, le triplement des cours mondiaux de cacao ont suscité les convoitises de divers acteurs : des bandits locaux, des entreprises peu transparentes, des groupes armés et même des officiers des armées ougandaises et congolaises présentes dans la région. L’enquête décrit ainsi un trafic illicite mortel pour les producteurs, organisé avec la complicité des éléments des forces de sécurité et de l’ONAPAC, contre lequel l’Etat n’a pas pris des sanctions. Dans une interview à la radio onusienne, Radio Okapi, la responsable de l’ONAPAC a déclaré en 2024, que 80 % du cacao de l’Ituri échappait au contrôle national, au profit de l’Ouganda.
Cette enquête corrobore le témoignage du planteur Kasereka, interrogé par Mongabay. « Aujourd’hui, même ceux qui ne cultivent pas sont intéressés par les champs de cacao. On est persécutés dans le Kivu. C’est une grande difficulté que nous connaissons. Beaucoup de champs sont envahis par les herbes aujourd’hui, abandonnés à cause de l’insécurité. Lorsque les récoltes commencent, les bandits font fuir les gens de leurs champs, même là où il n’y a ni combats, ni de massacres », dit Kasereka.
Kasereka estime que le plus grand problème agricole aujourd’hui est l’insécurité. « S’il y a sécurité, les récoltes augmenteront dans la région. S’il y a sécurité, on paiera les taxes, la scolarité et tout le monde y trouvera sa part », dit-il.
Image de bannière : Une fève cassée de cacao avec à l’intérieur l’amande. Image fournie par Didier Makal.
Le travail de terrain essentiel pour cartographier les plantations de cacao
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