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Le travail de terrain essentiel pour cartographier les plantations de cacao

Région de la Nawa, Côte d'Ivoire, 5 mai 2024. Photo de Anders Johnsson/ILO via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Région de la Nawa, Côte d'Ivoire, 5 mai 2024. Photo de Anders Johnsson/ILO via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

  • La cartographie des régions cacaoyères offre moins de précision en matière de détection de la déforestation, de la reforestation ou de l’agroforesterie.
  • C’est une question pressante pour les petits producteurs de cacao particulièrement, pour se conformer à la nouvelle Réglementation européenne (RDUE) interdisant les importations de produits liés à la déforestation, attendue pour la fin de l'année 2025.
  • Une recherche publiée par deux organisations engagées avec le secteur de cacao et la production agricole durable recommande l’intégration des autres données plus précises, provenant des autorités locales, des entreprises, et les producteurs.
  • Ces derniers s’avèrent par ailleurs acteurs importants dans l’élaboration des cartes plus fiables, selon les chercheurs.

Lubumbashi, 25 mai 2025. – L’Afrique de l’Ouest est la première région productrice mondiale de cacao. Les agriculteurs et les gouvernements d’Afrique centrale souhaitent rattraper leur retard par rapport à leur voisin de l’Ouest. À cause de la nouvelle réglementation européenne interdisant les importations de produits liés à la déforestation, qui entre en vigueur à la fin de l’année 2025, il est urgent de pouvoir identifier exactement l’emplacement des plantations de palmiers à huile, d’anacardiers ou de cacaoyers.

Dans cette veine, une recherche, publiée le 15 avril 2025, indique que les cartes sur la perte de forêts en libre accès, ne sont pas suffisamment précises.

L’étude a été réalisée par des institutions de recherche membres du réseau international de recherche sur la sécurité alimentaire et l’utilisation de la biodiversité agricole, notamment l’Alliance de Bioversity International et le Centre International d’Agriculture Tropicale (CIAT), et le World Cocoa Foundation (WCF), une association des producteurs et de consommateurs de cacao.

Leurs résultats indiquent que certains outils de vérification des zones ayant subi la déforestation ou ayant connu une restauration de forêts, telles que les cartographies de Global Forest Watch (GFW), ne faciliteraient pas la détection avec précision de certaines végétations.

Global Forest Watch, l’une des principales plates-formes publiques de suivi de la déforestation développée par le World Resources Institute, est capable de générer des images d’une grande résolution. Toutefois, ces outils ne permettent pas de distinguer les champs de cacao des végétations des forêts naturelles, selon cette étude.

« Par conséquent, ces ensembles [de données en libre accès] ne sont pas recommandés pour garantir la conformité aux normes de non-déforestation dans de tels contextes », a déclaré par courriel à Mongabay, Louis Reymondin, scientifique principal au sein de CIAT, un des auteurs de l’étude.

L’étude de CIAT et WCF avait pour objectif d’évaluer la précision des principales cartes utilisées dans le secteur du cacao. Elle rappelle aussi que face au RDUE, les agriculteurs et entreprises pourraient être injustement exclues des marchés européens s’ils ne s’appuient pas dans leurs rapports sur des données et des cartes précises.

Les auteurs de l’étude ont alors comparé les cartes réalisées par des organismes locaux aux ensembles de données en libre accès (c’est-à-dire non commercialisables) provenant de plateformes mondiales, afin d’évaluer la déforestation dans le contexte de la production de cacao. Cette comparaison vise aussi à établir une approche de cartographie incluant les compétences de petits producteurs, et aider à construire des systèmes nationaux de surveillance et à renforcer la certitude pour les entreprises.

Certains outils de vérification des zones ayant subi la déforestation ne faciliteraient pas la détection avec précision de certaines végétations. Image avec l'aimable courtoisie de World Cocoa Foundation.
Certains outils de vérification des zones ayant subi la déforestation ne faciliteraient pas la détection avec précision de certaines végétations. Image avec l’aimable courtoisie de World Cocoa Foundation.

Difficultés de la RDUE pour les petits producteurs

À ce propos, la conformité au RDUE s’est avérée particulièrement difficile pour les petits producteurs, a déclaré Reymondin, d’où l’importance des cartes reposant sur des données précises, commercialisées par des organisations telles que Satelligence, entreprise européenne spécialisée dans la télédétection.

Or, à ce jour, de nombreuses données plus accessibles sont celles offertes par des solutions pareilles à celle de GFW, indique cette étude. Cette dernière relève cependant que les outils basés sur les données ouvertes sont limités, en raison de leur imprécision pour distinguer des paysages complexes, tels que les plantations de cacao et les forêts naturelles, qui peuvent, à première vue, sembler très similaires.

En testant des ensembles de données en libre accès, ainsi que des cartes réalisées par des organismes locaux, les auteurs de l’étude indiquent avoir vérifié chaque point de données de manière indépendante à l’aide d’images satellites à haute résolution, suffisamment détaillées pour que les arbres puissent être observés individuellement. En plus, chaque image a été examinée par au moins quatre experts, afin de réduire les erreurs.

« Les résultats [de l’étude] ne font que confirmer ce que les praticiens du domaine disent depuis des années : la détection de la déforestation à l’aide de données mondiales ouvertes n’est pas suffisamment précise et opportune partout », dit Niels Wielaard, directeur de Satelligence. Elles doivent être croisées avec celles issues du terrain, impliquant les apports des agriculteurs et d’autres acteurs. Ce que recommandent les auteurs de l’étude.

Wielaard dit que les données ouvertes sont indispensables à de nombreuses fins, telles que l’information des politiques et les alertes pour les dénonciateurs.  « Toutefois, soyons réalistes et précis : les données ouvertes mondiales ne devraient pas être utilisées pour des tâches critiques au niveau de l’exploitation ou de la plantation, telles que le contrôle de la conformité, au risque de se voir infliger de lourdes amendes et d’autres conséquences », dit-il.

Selon Sarah Carter, chargée de recherche à Global Forest Watch (GFW), l’étude contribue par ailleurs à la compréhension des performances des jeux de données sur la couverture terrestre dans les régions productrices de cacao en Afrique de l’Ouest. « Les résultats de cette étude sont très pertinents dans ce contexte spécifique, et nous partageons sa conclusion selon laquelle des jeux de données localement calibrés peuvent offrir une meilleure précision dans des paysages complexes ».

Elle a noté que le champ de cette recherche s’avère étroit, limité à deux pays, une seule culture (le cacao) et un seul biome (ensemble d’organismes vivants d’une même région climatique). « Elle ne doit pas servir de référence universelle pour comparer les données ouvertes avec les ensembles de données commerciales ou locales dans d’autres zones géographiques ou pour d’autres produits de base pertinents pour l’EUDR. Notre travail au GFW se concentre sur la construction d’outils cohérents et évolutifs à l’échelle mondiale qui peuvent être adaptés et améliorés grâce à la collaboration locale », dit Carter.

Les cultivateurs de cacao de la RDC à l’image de celui-ci risque gros avec la Réglementation Zéro déforestation. Image de KokoDZ via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).
La conformité au RDUE s’est avérée particulièrement difficile pour les petits producteurs. Image de KokoDZ via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).

Impliquer les acteurs locaux

Cette même étude indique aussi que les cartes réalisées par des gouvernements nationaux, des projets ou des sociétés privées sont généralement plus précises pour décrire les paysages complexes. Mais, elles manquent de documentation (métadonnées) et requièrent des appuis gouvernementaux. « Les modèles de classification qui les sous-tendent sont généralement formés à l’aide de données de terrain qui sont collectées directement dans le paysage en question », explique Reymondin.

L’étude montre que les cartes composites, comportant des données ouvertes et celles de terrain, offrent de meilleures performances : 80 % dans la détection du cacao et 84 % pour les forêts en Côte d’Ivoire, et 73 % dans l’identification du cacao et 79 % pour les forêts au Ghana.

« Aucune stratégie claire pour intégrer les connaissances locales ou les contributions des agriculteurs n’a été identifiée dans les ensembles de données étudiés, bien que ces informations soient considérées comme essentielles pour produire des cartes précises au niveau local », a expliqué Reymondin.

Les réponses de Satelligence et Global Forest Watch rejoignent une conclusion majeure de l’étude : la meilleure approche de surveillance de la durabilité des produits agricoles devrait impliquer une hybridation des outils techniques et des données locales.

Une version de cet article a été publiée en anglais ici, le 6 mai 2025.

Image de bannière : Région de la Nawa, Côte d’Ivoire, 5 mai 2024. Photo de Anders Johnsson/ILO via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

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