- Le ministère des hydrocarbures de la République Démocratique du Congo a suspendu, le 11 octobre 2024, la procédure d’appel d’offres pour l’exploitation controversée des blocs pétroliers, et a indiqué que ledit processus sera relancé « incessamment ».
- Les militants écologistes se sont félicités de cette décision du gouvernement congolais, même si celle-ci n’est pas directement liée aux menaces potentielles sur la biodiversité, dénoncées par des ONG de défense de l’environnement.
- La ministre de l’Environnement et du développement durable, Eve Bazaiba, a indiqué, mi-décembre 2024, que seuls 6 des 27 blocs pétroliers pouvaient représenter des menaces sur l’environnement, et que l’exploitation des 21 autres est envisagée.
La République Démocratique du Congo (RDC) a suspendu, le 11 octobre 2024, le processus d’exploitation des 27 blocs pétroliers couvrant une superficie de 277 954 km² de son territoire, bien plus grande que le Ghana ou le Royaume-Uni. Ceci en raison de multiples vices relevés dans la procédure d’appel d’offres. Pour autant, le gouvernement congolais n’a pas renoncé à l’extraction de ces ressources naturelles.
Dans un communiqué rendu public à ce propos, le 14 octobre 2024, le ministre des Hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, a clairement indiqué qu’il va « mettre en place le mécanisme pour relancer incessamment la même procédure ».
Au cours d’une interview à la chaine allemande Deutsche Welle mi-décembre 2024, la ministre de l’Environnement et du développement durable, Eve Bazaiba, a soutenu que la RDC entend poursuivre le processus d’exploitation de ces réserves pétrolières, qui, pour elle, ne représentent pas de menaces considérables sur la biodiversité comme les décrient les organisations de défense de l’environnement, ces trois dernières années.
« Il y a 27 blocs pétroliers. 21 blocs ne posent aucun problème. Mais plutôt six blocs selon ces ONG. Tous les pays qui veulent, venez, on va faire une mission de terrain. Nous avons fait des études stratégiques, et nous avons vu qu’il y avait possibilité d’exploitation. Venez, qu’on aille voir », a déclaré la ministre Bazaiba sur un ton ferme. « Si c’est un problème, nous mettrons de côté les six blocs, mais n’effrayez pas les investisseurs pour les 21 blocs pétroliers. On les menace pour qu’ils ne viennent pas investir en RD Congo (…) Nous importons du pétrole pendant que nous avons du pétrole sous nos pieds. On nous le vend plus cher, et parfois la deuxième qualité », a ajouté Bazaiba.
La mesure de suspension de la procédure d’appel d’offres pour l’exploitation apparaît comme une petite victoire pour les organisations de défense de l’environnement, qui depuis 2022, ont multiplié des alertes pour dénoncer les menaces potentielles, que l’exploitation de ces gisements pétroliers pouvait causer à la biodiversité. Même si le prétexte évoqué par le ministère des Hydrocarbures n’est pas directement lié aux raisons écologistes, les défenseurs de la nature pensent qu’elles résultent tout de même de leurs actions.
Pour Omer Kabasele, Président national de la plateforme GTCRR (Groupe de Travail Climat REDD+ Rénové) interrogé par Mongabay, « si le gouvernement arrive à reculer, ce n’est pas parce qu’il y a des preneurs qui n’ont pas respecté les critères, car sur le marché des matières premières, ce ne sont pas les preneurs des blocs pétroliers qui manquent, que non ! C’est simplement parce que les mises en garde des organisations environnementales ont été écoutées ».
L’ONG américaine Greenpeace a également publié un communiqué, le 16 octobre 2024, pour se réjouir de l’annulation de l’appel d’offres. En 2022, elle avait produit avec d’autres ONG un rapport pour dénoncer cette procédure et relayer les voix des communautés locales contre les appels d’offres récemment suspendus. Ce rapport des ONG révèle que parmi les blocs pétroliers à exploiter, au moins 13 chevauchent des zones protégées, parmi lesquelles se trouve le Parc national des Virunga, situé à l’Est de la RDC et classé site patrimoine mondial de l’UNESCO.
L’on a également identifié un bloc pétrolier sous le lac Upemba dans la région du Katanga au sud-est de la RDC, et Greenpeace craint pour la disparition de ce lac avec l’exploitation du gisement, alors que les communautés riveraines qui y pratiquent les activités de pêche dépendent fortement de son existence. Selon Chris Bwenda, représentant local de Greenpeace, « la tendance, en somme, malgré tous les avertissements de la communauté scientifique, c’est de fermer les yeux sur les conséquences ». « Ce que nous avons proposé depuis 2022, c’est qu’on se tourne vers les énergies vertes, qu’on rentre vers l’hydroélectricité, les énergies renouvelables, les énergies géothermiques, éoliennes, etc. », a dit Bwenda à Mongabay.
Respect des engagements internationaux et de la législation nationale
Bwenda appelle par ailleurs le gouvernement de la RDC au respect de ses engagements internationaux, en l’occurrence ceux pris lors de la COP21, en 2015, à travers la ratification de l’Accord de Paris sur le climat, de réduire de 21 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES).
Pour sa part, Omer Kabasele pense que maintenir l’option d’exploitation des gisements pétroliers tel qu’envisagé par le gouvernement congolais serait « une contradiction flagrante » à cet engagement international juridiquement contraignant. Et si le pouvoir s’entête dans sa démarche, Kabasele pense que la société civile doit pouvoir « amener le gouvernement à respecter les normes, à respecter les dispositions écologiques, telles que les technologies propres pouvant être mises à profit dans l’exploitation de ces blocs pétroliers ».
Avant toute exploitation des hydrocarbures, la législation congolaise, notamment la loi portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement, exige la réalisation d’études d’impacts environnementales et sociales préalables. Cette loi dispose, en son article 21: « Tout projet de développement, d’infrastructures ou d’exploitation de toute activité industrielle, commerciale, agricole, forestière, minière, de télécommunication ou autre susceptible d’avoir un impact sur l’environnement est assujetti à une étude d’impact environnemental et social préalable, assortie de son plan de gestion, dûment approuvés ».
Au sujet des effets néfastes potentiels, que pourraient induire l’exploitation des 27 blocs pétroliers en RDC, interrogé le 7 décembre 2024 par Mongabay, Jean Marie Baafo, conseiller en charge de la gestion des projets et développement durable au ministère de l’environnement, en marge de la COP16 à Riyad, révèle qu’« en amont, les études ont été menées » sur le projet d’attribution de blocs pétroliers, et que les résultats sont satisfaisants. « Nous intervenons dans tout projet à travers les études d’impacts environnementales et sociales, par notre agence ACE (Agence congolaise pour l’environnement), et avant d’implémenter un projet, on fait une étude pour savoir si le projet n’est pas susceptible de créer des impacts environnementaux et sociaux ».
Il assure, par ailleurs, que l’exploitation de ces blocs devrait permettre de relancer l’économie congolaise, sans devoir faire recours à des fonds souverains étrangers ou à des prêts bilatéraux avec des taux d’intérêts induits.
Image de bannière : Un gorille au Parc National des Virunga au Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo. Image de Joseph King via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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