Nouvelles de l'environnement

La vocalisation des oiseaux pour conserver la biodiversité au Rwanda

  • Des chercheurs font actuellement recours à une série de données recueillies par  les membres de la communauté locale, pour créer une base de données de vocalisations pour chants et cris de plusieurs espèces d’oiseaux appartenant à la famille des columbidés (Pigeons), des Motacillidés (Bergeronnette)  ou des rapaces (éperviers) au Rwanda.
  • Jusqu’à ce jour, les enregistrements ont été réalisés non seulement dans des zones autour du Parc national de Nyungwe (Sud-Ouest), mais aussi tout au long de la crête Congo-Nil (Ouest), autour du Parc Akagera (Est) et dans des zones marécageuses à Musanze (Nord).
  • Des enregistrements générés par l’initiative de la science citoyenne de Planet Birdsong au Rwanda sont gérés à travers la plateforme d’Birdnet, qui contient également des métadonnées associées.
  • D'ici à décembre 2024, cette initiative vise à générer 275 enregistrements sonores d'oiseaux provenant de parcs nationaux et d’autres zones humides à travers le Rwanda.

A Boneza, un petit village niché dans les hautes montagnes surplombant le lac Kivu à l’Ouest du Rwanda, Jean de Dieu Lemmy Mbonigaba, un guide touristique des oiseaux a décidé de consacrer la plupart de son temps dans l’enregistrement des vocalisations produites par les oiseaux.

De très nombreux oiseaux migrateurs survolent actuellement cette petite zone forestière faisant partie de quelques rares régions de ce pays d’Afrique centrale connues pour leur intérêt ornithologique.

Tout comme Mbonigaba, la plupart  des membres de la communauté locale fréquente également cet endroit  notamment aux premières heures de la matinée pour apprécier les chants et les cris des oiseaux.

Le pigeon, le rossignol, le merle, le coucou  ou l’ibis font parties des espèces  les plus observés dans cette  forêt luxuriante là où les oiseaux utilisent différents types de vocalisations produites dans différents contextes.

Alors que  la matinée est le meilleur moment de la journée pour profiter de cette excursion, des descentes sur terrain coordonnées  sont organisées, chaque semaine, pour repérer les sites où l’on peut enregistrer des chants envoûtants des oiseaux nicheurs rares dans cette région lacustre.

« Connaître les chants et les cris reste indispensable pour mieux observer et identifier les différents espèces d’oiseaux de par leurs comportement », explique Mbonigaba.

La toute première initiative rwandaise de science citoyenne, lancée depuis 2021, vise ainsi à doter les jeunes étudiants, dont beaucoup sont issus de communautés rurales, des compétences nécessaires pour observer, enregistrer et étiqueter scientifiquement les oiseaux par leurs sons, leurs chants et leurs cris comme ici à Rutsiro, un district situé à l’Ouest du Rwanda. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.

Ayant acquis, au fil des années, des connaissances sur les techniques d’enregistrement et la façon d’écouter les chants et d’identifier différentes espèces d’oiseaux, Mbonigaba s’est investi depuis lors à former les jeunes de ce village isolé  sur les techniques permettant de reconnaître et d’interpréter les chants des oiseaux.

Alors que le groupe avance en file indienne le long d’un sentier,  qui serpente la forêt, les jeunes doivent suivre les instructions de leur mentor s’arrêtant parfois pour reconnaître le chant des oiseaux avant reprendre  l’enregistrement.

Malgré certaines difficultés liées notamment au manque d’équipements haut de gamme pour des performances optimales pour enregistrer les sons d’oiseaux, les jeunes ornithologues  préfèrent recourir aux moyens modestes avec un smartphone connecté sur un réflecteur parabolique, qui leur permettent de mieux enregistrer les chants et les cris.

« Nous nous focalisons à initier ces jeunes avec des conseils pratiques pour que chacun puisse enregistrer des sons avec son téléphone intelligent », explique-t-il.

Selon lui, cette activité permet, par ailleurs, de mieux comprendre le comportement de ces espèces d’oiseaux et maitriser leur habitat.

Grace à ces interventions, les chercheurs font actuellement recours  à une série de données recueillies par ces jeunes dont la plupart  membres de la communauté locale, exercent ce travail en qualité de volontaires pour alimenter une base de données en ligne de vocalisations pour chants et cris de différentes espèces d’oiseaux dont notamment ceux de la famille des columbidés (Pigeons), des Motacillidés (Bergeronnette).

Science citoyenne

En empruntant une petite route en terre, qui serpente, à travers les plantations de thé, Mbonigaba accompagnée d’une quinzaine de jeunes doivent attendre le signal pour commencer l’enregistrement de la vocalisation des oiseaux dans  différentes localités de Rutsiro, un district située au bord du lac Kivu.

« Ces enregistrements sont organisés de manière cohérente avec des métadonnées, qui permettent de faire le partage  dans un format approprié », explique-t-il dans une interview à Mongabay.

Cette zone rurale accueille plusieurs espèces d’oiseaux, ce qui en fait un lieu d’intérêts pour les ornithologues amateurs, dont le travail essentiel se concentre sur l’enregistrement des chants et des notes d’appel pour différentes espèces d’oiseaux.

L’observation et la vocalisation des oiseaux est une activité bien répandue dans des zones lacustres du Rwanda comme ici sur les rives du Lac Kivu, à l’Ouest du Rwanda. On dénombre 1 061 espèces d’oiseaux au Rwanda dont près de la moitié appartiennent au groupe des oiseaux chanteurs. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.

Selon les chercheurs du Centre d’excellence en biodiversité et gestion des ressources naturelles de l’université du Rwanda, initier les jeunes sur les vocalisations des oiseaux permet d’améliorer de façon importante leur capacité à les identifier et à les détecter.

La toute première initiative rwandaise de science citoyenne, lancée depuis 2021, vise ainsi à doter les jeunes étudiants, dont beaucoup sont issus de communautés rurales, des compétences nécessaires pour observer, enregistrer et étiqueter scientifiquement les oiseaux par leurs sons, leurs chants et leurs cris.

« Les microphones paraboliques sont des dispositifs uniques qui nous permettent de capturer les sons lointains avec une clarté et une précision exceptionnelles », dit Mbonigaba.

Mais, pour distinguer certaines espèces l’une de l’autre, l’écoute de leurs chants ou de leurs cris reste déterminante.

Connecter les gens avec la nature

Grâce à l’analyse de la vocalisation de différentes espèces fréquemment trouvées dans cette zone, les membres de «Kivu Birding Club » ont acquis des connaissances, qui leur permettent désormais de reconnaître facilement les différents types de chants des oiseaux.

« Des sessions pratiques d’enregistrement s’avèrent indispensables, car pour les débutants, il peut sembler difficile, voire impossible, de  distinguer certaines espèces d’oiseaux  des autres », dit Mbonigaba dans une interview à Mongabay.

A Rutsiro, un district situe à l’Ouest du Rwanda, Mbonigaba s’investi depuis lors à former les jeunes de ce village rural isolé sur les techniques permettant de reconnaître et d’interpréter les chants des oiseaux. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.

L’initiative fait partie des efforts conjoints de la Planet Birdsong Foundation, une organisation caritative internationale basée au Royaume-Uni, et du Centre d’excellence en biodiversité et gestion des ressources naturelles de l’université du Rwanda, qui cherchent à connecter les gens avec la nature par l’écoute, l’enregistrement et le traitement audio des sons des oiseaux.

Hilary MacBean, Responsable de la Fondation Planet Birdsong, basée à Londres en Grande Bretagne explique que, jusqu’à ce jour, les enregistreurs ont réalisé un grand nombre de vocalisations sur plusieurs espèces d’oiseaux, notamment dans des zones autour du Parc national de Nyungwe (Sud-Ouest), mais aussi tout au long de la crête Congo-Nil (Ouest), autour du Parc Akagera (Est) et dans des zones marécageuses à Musanze (Nord).

La réserve naturelle de Nyungwe est connue pour abriter 278 espèces d’oiseaux, dont 26 ne se trouvent que dans les quelques forêts du Rift Albertin. Les dernières estimations scientifiques montrent qu’il existe sept autres zones importantes pour l’observation des oiseaux au Rwanda. Des efforts ont été déployés pour la préservation de la biodiversité et limiter les dégâts entrainés par l’activité humaine sur des écosystèmes naturels dans trois principales zones marécageuses, dont Akanyaru (sud), Nyabarongo (sud) et Rugezi (nord).

Jusqu’à ce jour, la Fondation à travers différents clubs des jeunes lancés au Rwanda, s’est investie dans la formation à travers le renforcement des compétences nécessaires sur les techniques de vocalisation des oiseaux.

«L’approche de la science citoyenne est très nouvelle et inédite au Rwanda et en Afrique dans son ensemble, mais la plupart des jeunes formés ont montré un grand enthousiasme pour ce métier passion », a expliqué MacBean dans une interview.

Connaître les chants et les cris

Jusqu’à présent, cette initiative rwandaise de science citoyenne, lancée  depuis 2021, vise à doter les jeunes étudiants, dont beaucoup sont issus de communautés rurales, des compétences nécessaires pour observer, enregistrer et étiqueter scientifiquement les oiseaux par leurs sons, leurs chants et leurs cris.

En utilisant un équipement d’enregistrement sonore abordable, les participants sont formés à la collecte, à la vérification, à la préparation et au stockage de données sous forme de vocalisation sous format MP3 et destinées à  l’utilisation par les ornithologues.

Pour obtenir un meilleur son, l’enregistrement des chants des oiseaux au Rwanda se fait grâce à une application gratuite téléchargée sur son téléphone portable avant d’être connectée avec un câble sur un microphone parabolique comme ici à Musanze, un district situé au nord du Rwanda. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.

On dénombre 1 061 espèces d’oiseaux au Rwanda, dont près de la moitié appartiennent  au groupe des oiseaux chanteurs. Les estimations de l’Office Rwandais de Protection et de Gestion de l’Environnement (REMA, sigle en anglais) montrent, que la plupart de ces espèces, sont localisées, notamment sur les aires protégées couvrant 232 000 ha de terres, soit environ 9,11 % de ce pays d’Afrique centrale.

Retracer les itinéraires des oiseaux migrateurs

D’ici à décembre 2024, cette initiative vise à générer 275 enregistrements sonores d’oiseaux provenant de parcs nationaux et d’autres zones humides à travers le Rwanda, avec un objectif de 300 espèces d’ici à 2025.

Trois principales  aires protégées sont transfrontalières, dont le paysage du Grand Virunga à la frontière du Rwanda, de l’Ouganda, de la RDC (superficie de 1 500 000 ha), la Kagera qui est repartie entre le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda (25 000 ha), ainsi que Nyungwe-Kibira entre le Rwanda et le Burundi (117 100 ha).

Alors que l’acquisition des connaissances, par les citoyens ordinaires, sur les chants et les cris des oiseaux, figurent parmi les principaux objectifs de cette initiative, les données d’enregistrement disponibles permettent également aux chercheurs de comprendre les itinéraires de ces oiseaux migrateurs et à s’assurer, que les visiteurs sont en mesure de les localiser facilement grâce leurs chants et leurs cris.

Professeur Beth Kaplin, Chercheur principal au Centre d’excellence sur la biodiversité et la gestion des ressources naturelles de l’université du Rwanda, estime, pour sa part, que la collaboration entre les chercheurs et les jeunes membres de la communauté locale s’est avérée  indispensable  pour la pérennité de cette initiative.

« Des telles plateformes facilement accessibles contenant des informations sur la biodiversité contribueront à promouvoir l’utilisation des données par les décideurs politiques pour éclairer les plans et les stratégies, et pour les rapports sur les Accords multilatéraux sur l’environnement », a-t-elle souligné dans une interview accordée à Mongabay.

Avec cette intégration d’enregistrements sonores d’oiseaux pour protéger et préserver ces espèces et leurs habitats au Rwanda, les acteurs dans le domaine de la biodiversité se concentrent actuellement sur l’étiquetage des données collectées, afin que leur identification, leurs données de localisation et de temps, leurs données comportementales et leurs données sur l’habitat, soient toutes enregistrées. Les sons sont ensuite validés par des vérificateurs désignés, traités et stockés pour une utilisation scientifique.

Au Rwanda, les chercheurs font actuellement recours à une série de données recueillies par un groupe de volontaires, membres de la communauté locale comme ici au district de Rutsiro (Ouest) pour créer une base de données de vocalisations pour chants et cris de différentes espèces d’oiseaux. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.

Ces enregistrements générés par l’initiative de la science citoyenne de Planet Birdsong au Rwanda sont gérés à travers la plateforme  de Birdnet, qui contient également des métadonnées associées, permettant aux chercheurs de collaborer avec la bibliothèque Macaulay de l’université américaine de Cornell, basé à Ithaca, dans l’Etat de New York, pour assurer la préservation des oiseaux migrateurs, à long terme.

Pour le cas spécifique du Rwanda, les données collectées sont également fournies au Système d’information sur la biodiversité du Rwanda, développé par le Centre d’excellence en gestion de la biodiversité et des ressources naturelles de l’université de Rwanda.

Matériel limité

Malgré autant d’efforts, les experts dans le domaine de la conservation soulignent, que le manque de financement, pour appuyer les communautés locales à couvrir certains frais sur le terrain, constitue un autre défi majeur, qui affecte la mise en œuvre du projet.

D’après la Fondation Planet Birdsong, la majorité des membres de la communauté locale notamment des jeunes éprouvent des difficultés pour travailler sur une base bénévole sans solde. « Certains individus engagés dans le projet ont également des problèmes avec l’équipement tel que les téléphones et les ordinateurs, sans compter le coût de l’internet », dit MacBean.

Mais, aux environs du marais de Rugezi, une zone protégée, couvrant 6 735 hectares au nord du Rwanda, Joseph Désiré Dufitumukiza Fondateur d’un autre club d’ornithologie le « Rugezi Ornithologie Center » veut utiliser le peu de matériel à sa disposition pour initier les jeunes sur les techniques d’enregistrement de la vocalisation des oiseaux et détecter les chants et les cris de chaque espèce.

En compagnie d’un groupe d’une vingtaine d’étudiants en tourisme dans une école de formation professionnelle publique avoisinant  Musanze, un district au nord du Rwanda, Dufitumukiza organise chaque semaine une série d’excursions à pied, dont l’objectif est de permettre aux jeunes membres du club de décrypter les cris et les chants d’oiseaux dans une zone marécageuse avoisinant.

Eric Niyomukiza, fondateur du club “Rugezi Birding club” regroupant les jeunes mobilisés dans des initiatives de vocalisation des oiseaux, qui survolent la zone marécageuse de Rugezi, située dans la vallée inondable proche de la frontière nord du Rwanda avec l’Ouganda. Le Rwanda compte actuellement cinq clubs actifs et mobilisés dans la science citoyenne. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.

Sous les regards des badauds en délire tout au  long d’un sentier pénétrant dans une zone marécageuse a Musanze (nord),  Dufitumukiza doit s’arrêter parfois pour donner des consignes au groupe de jeunes sur les meilleures techniques de décryptage des vocalisations pour les différentes espèces d’oiseaux.

« Malgré le  matériel limité, nous proposons à ces jeunes plusieurs conseils pratiques pour progresser dans l’apprentissage des sons des oiseaux et leur importance dans la conservation de la biodiversité », dit-il.

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Alors que touristes et excursionnistes continuent d’affluer au Rwanda en vue de profiter ces meilleurs endroits à travers le pays pour observer les oiseaux, la vocalisation des oiseaux est devenue une source de revenus supplémentaire qui contribue actuellement à la création d’emplois notamment chez les jeunes établis dans des zones rurales isolées de ce pays d’Afrique centrale.

Pacifique Byiringiro, qui exerce le métier d’ornithologue à Rugezi, une  large zone marécageuse située au nord du Rwanda a confié à Mongabay que les conditions de vie pour les guides touristiques dont la plupart sont améliorées par cette initiative touristique qui apporte un complément pour le bien être de la  communauté locale.

« Ces activités de vocalisation se sont  révélées être une source stable de revenus surtout pour les jeunes membres de la communauté locale », affirme-t-il dans interview.

Les oiseaux chantent à nouveau dans la forêt sacrée de Titiyo au Togo

Image de bannière : A Rutsiro, un district situe à l’Ouest du Rwanda, Mbonigaba s’investi depuis lors à former les jeunes de ce village rural isolé sur les techniques permettant de reconnaître et d’interpréter les chants des oiseaux. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.

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