- Pamoussa Ouedraogo, Secrétaire permanent du Conseil National pour le Développement Durable du Burkina Faso, présente les politiques et stratégies mises en œuvre pour relever les défis du développement durable au Burkina Faso.
- Ce pays du Sahel particulièrement vulnérable à la désertification, fait face à des taux alarmants de déforestation et de dégradation des terres, principalement dus à l'expansion agricole, à la coupe de bois pour le combustible et la construction, ainsi qu'aux pressions démographiques croissantes. Selon une étude, le pays a enregistré une perte nette de 1 838 854 hectares de superficie forestière entre 2000 et 2022.
- Face à l’ampleur de la situation, le gouvernement met en œuvre des politiques visant à protéger les zones forestières restantes et à restaurer les terres dégradées. Les initiatives et pratiques déployées à cet effet, ont pour ambition de concilier préservation environnementale et développement socio-économique.
- En encourageant la participation des communautés locales à la gestion des ressources, les autorités burkinabè veulent allier la conservation des forêts avec les besoins socio-économiques des populations locales, tout en promouvant des pratiques durables de gestion des terres.
Entretien avec Pamoussa Ouedraogo, Secrétaire permanent du Conseil National pour le Développement Durable du Burkina Faso.
Mongabay : Au Burkina Faso, vous perdez environ 250 000 hectares de forêts chaque année. Cela équivaut à un peu plus de 6 % de la superficie totale du domaine forestier du pays, ce n’est pas négligeable. Le potentiel ligneux du pays a été fortement réduit en raison des sécheresses répétées et des facteurs anthropiques très défavorables tels que les feux de brousse, le surpâturage, les défrichements incontrôlés et les coupes anarchiques qui sont à l’origine de sa dégradation prononcée. Alors, qu’est-ce qui est fait concrètement pour endiguer ces pertes ?
Pamoussa Ouedraogo : Effectivement, le document de Land Degradation Neutrality a évalué que nous sommes à pratiquement plus de 250 000 hectares de forêts qui sont perdus annuellement. Et vous savez, c’est des forêts tropicales, c’est des forêts des zones sahéliennes. Donc, nous sommes allés dans l’option de la stratégie de réduction des émissions dues à la déforestation et la dégradation des forêts. Nous avons élaboré une stratégie, et à cela, nous avons aussi cultivé ce que nous appelons à travers notre loi, la politique de promotion du secteur privé dans le secteur de la foresterie.
Donc, il y a des promotions de foresterie communautaire, mais aussi de la foresterie privée, avec une intensification. Et au niveau politique, le gouvernement a adopté une journée, dite Journée nationale de l’arbre, qui permet à cette occasion, de démultiplier les efforts avec des bonnes pratiques, avec des systèmes de responsabilité liés à ceux qui réalisent les plantations, afin d’inverser la tendance de la dégradation des forêts au niveau du Burkina.
Il y a aussi les politiques d’aménagement des forêts qui sont promues au niveau du Burkina, avec les communautés locales qui vivent autour de ces forêts, qui travaillent et qui valorisent les produits forestiers non ligneux à l’intérieur de ces forêts-là, pour pouvoir assurer la durabilité des forêts. Donc, c’est vraiment des mécanismes et des pratiques qui sont promues au niveau du Burkina, pour restaurer effectivement les écosystèmes forestiers.
Mongabay : La Politique nationale en matière d’environnement du Burkina Faso vise effectivement à préserver les ressources naturelles et à les gérer de manière intégrée dans la lutte contre la pauvreté et pour le développement de l’économie nationale. Le Burkina-Faso encourage donc l’utilisation durable des ressources naturelles et la mise en œuvre d’actions destinées à générer des revenus substantiels pour les populations, l’État et le secteur privé. Mais bien que l’on comprenne que la foresterie communautaire peut contribuer à la restauration des forêts, il est difficile de saisir ce que les pratiques du secteur privé peuvent leur apporter.
Pamoussa Ouedraogo : Ah oui ! Mais justement, il faut voir la forêt comme un moyen de production. Il y a par exemple, des scieries qui sont au niveau de certaines localités du Burkina et qui travaillent avec le bois d’œuvre et le bois de service. A travers ces options et la responsabilité sociétale de l’entreprise qui est promue dans la politique nationale de développement durable, le secteur privé est obligé de s’engager dans cette responsabilité-là. Il fait en même temps du profit, mais il s’engage aussi à travers sa responsabilité sociétale à promouvoir de bonnes pratiques de durabilité.
Donc, le secteur privé investit aussi au niveau des forêts. Ça aussi, il faut le reconnaître parce que, de plus en plus, il y a des intérêts liés au système de production et de valorisation à l’intérieur de la forêt. Donc, quelqu’un, par exemple, qui est dans le secteur de la transformation des produits forestiers non ligneux issus des forêts, il a tout un intérêt à s’investir. Et c’est ce à quoi le gouvernement s’attelle : promouvoir le secteur privé dans les interventions pour la protection de l’environnement dans son ensemble, mais de plus en plus, démultiplier les valeurs écosystémiques, donc, des ressources naturelles au niveau du pays. Donc, le secteur privé, dans sa richesse également économique, intervient dans le secteur de la foresterie et des ressources naturelles de manière générale.
Mongabay : Est-ce que cela veut dire que vous misez sur la valeur monétaire des ressources naturelles, pour encourager les investissements du secteur privé ?
Pamoussa Ouedraogo : Non. La première des choses pour le secteur privé, comme vous le savez, c’est d’investir pour une rentabilité. Donc, je dis qu’il faut voir la forêt comme un outil aussi qui peut servir au développement. Et non seulement un outil exclusivement pour la conservation pure et dure. Ainsi, de plus en plus, nous sommes dans une logique de valorisation des ressources forestières et en même temps que nous faisons de la conservation. A l’intérieur de la conservation, il y a les motivations qui doivent, en tout cas, encourager le secteur privé.
Mongabay : Et comment vous garantissez un peu l’équilibre entre les deux ?
Pamoussa Ouedraogo : Justement, lorsque vous regardez par exemple les plans d’aménagement, il y a tout un système scientifique qui est derrière, donc qui permet effectivement aux communautés ou au secteur privé d’assurer, en même temps qu’ils font le prélèvement, une mesure de compensation. Il y a une législation également, le gouvernement a légiféré sur des textes réglementaires qui permettent aussi d’investir au niveau de la forêt à partir des ressources qui sont tirées de la forêt.
Donc, lorsqu’on retire des ressources économiques dans la forêt, on réinjecte également des ressources. La forêt doit produire des résultats pour la forêt. L’environnement doit servir à l’environnement.
Mongabay : Il y a pas mal de déplacements de population, notamment du Nord vers le Sud, ce qui crée une pression sur les ressources hydriques. Est-ce que vous avez prévu quelque chose pour pallier cela?
Pamoussa Ouedraogo : En dehors de certains aspects liés à la sécurité, il y a de plus en plus, la notion de déplacement liée à la sécurité climatique. Parce que les conditions climatiques ne sont plus favorables à la production. Donc, on tente d’inverser cette tendance-là en promouvant des technologies.
Par exemple, lorsque vous regardez, nous faisons de plus en plus, ce que nous appelons des fermes agro-écologiques pour permettre aux communautés qui sont dans les zones beaucoup plus arides de pouvoir intensifier la production, valoriser et travailler effectivement à éviter les mouvements de population liés donc aux questions climatiques de modification ou de dégradation des terres.
Nous n’avons qu’une seule superficie, une seule entité. Donc, il faut travailler à valoriser là où nous sommes pour pouvoir faire face à l’aridité du climat. C’est pour cela qu’il y a des technologies climatiques qui sont promues afin que les populations puissent mieux s’adapter. Et justement, nous avons les Plans nationaux d’aménagement et de plus en plus, le Burkina fait l’option d’élaborer des plans régionaux d’adaptation aux changements climatiques. Cela permet aux communautés de développer des pratiques et des options pour pouvoir faire face aux effets néfastes du changement climatique pour mieux s’adapter.
Mongabay : Vous avez parlé de technologies climatiques. Est-ce que vous pouvez en citer une et expliquer en quoi elle consiste?
Pamoussa Ouedraogo: Alors, dans le secteur de l’eau, vous avez, par exemple, une technologie qui est promue par le ministère en charge de l’Agriculture que nous appelons le bassin de collecte des eaux de ruissellement. Vous savez, il y a des technologies qui sont développées comme des options qui permettent d’assurer la relève lorsqu’il y a des poches de sécheresse dans une exploitation agricole, par exemple. Et ça, c’est des technologies qui sont promues au niveau du secteur de l’agriculture pour que les producteurs, les petits exploitants puissent être résilients face aux modifications du climat.
Mongabay : Et maintenant, au niveau sécuritaire, quand il y a des grands déplacements de population du nord, par exemple, vers le sud pour des questions sécuritaires, comment faites-vous pour adapter les ressources qui sont au sud pour qu’elles puissent convenir à toute la population ?
Pamoussa Ouedraogo : Je voudrais d’abord vous rassurer que le gouvernement travaille à la réinstallation des communautés qui ont subi des déplacements liés à la question sécuritaire. Je voudrais donc vous rassurer, vous confirmer que cela est positivement constaté. Il y a déjà des retours de population dans les zones d’origine. C’est pour dire déjà qu’il y a des efforts qui sont faits.
Mais justement pour accompagner ce processus, d’abord au niveau de leur zone d’accueil, il y a aussi une intensification des infrastructures pour permettre effectivement de pouvoir pallier le problème, le temps qu’ils puissent retourner dans leur zone d’origine. Mais pendant aussi qu’il y a les déplacements et qu’il y a la récupération donc du territoire, il y a des efforts également qui sont faits pour pouvoir restaurer, réaliser des infrastructures résilientes au niveau donc des populations pour assurer leur retour comme cela se fait déjà au niveau du Burkina dans certaines régions du Burkina où on assiste à des retours massifs donc des personnes déplacées internes du fait de l’insécurité.
Donc, que ce soit dans la zone d’accueil ou dans la zone de départ, progressivement, il y a des réalisations qui sont faites par le gouvernement pour assurer donc le retour paisible et améliorer la résilience à travers par exemple les aménagements donc des bas-fonds pour pouvoir assurer l’écriture d’irrigation. Il y a par exemple ce que j’ai appelé les fermes agroécologiques. Il y a les systèmes de forage à motricité solaire. Tout ça c’est des technologies qui sont promues pour que les communautés puissent être mieux, plus résilientes par rapport donc non seulement aux effets du changement climatique mais aussi aux effets liés donc à l’insécurité du fait de leurs déplacements.
Mongabay : Par rapport aux parcs naturels situés dans le nord, la zone des trois frontières, est-ce que ce n’est pas compliqué d’assurer une bonne conservation dans des conditions sécuritaires qui ne sont pas forcément idéales?
Pamoussa Ouedraogo : Je peux vous rassurer que le parc est bien conservé. Le parc est toujours conservé. Les infrastructures et les hommes sont disponibles et le parc est conservé. Ça c’est ce que je peux vous rassurer.
Quel phénomène environnemental se cache derrière ces impressionnantes tempêtes de poussière ?
Image de bannière : Le Burkina Faso perds 250 000 hectares de forêts chaque année. Cela équivaut à un peu plus de 6 % de la superficie totale du domaine forestier du Pays. Image par Roland Ndifor.