- D’impressionnants phénomènes de tempêtes de poussière ont été observés récemment, au Niger et au Tchad.
- A l’approche de la mousson, ce type d'événement est enregistré de façon récurrente au Sahel, mais avec une intensité en termes de teneurs en poussières et précipitation très variable d’une année à l’autre.
- Ce type d’orage de poussière est un système de vents qui se dirige vers le sol puis fait remonter les particules de sable et de poussière et les entraîne partout.
- Cette situation est en lien avec le changement climatique
Nous sommes le 12 mai 2024, il est midi à Niamey, la capitale du Niger. Un immense nuage de poussière digne des effets spéciaux d’un film de science-fiction s’avance sur le Sud-Est de la ville et semble l’engloutir. Pendant plus de trente minutes, la ville est plongée dans le noir, avec une visibilité proche de zéro. Nulle chance d’apercevoir autre chose que cette brume de poussière. Un phénomène jamais vu pour certains. « Au tout début, en regardant le ciel, beaucoup de gens comme moi étaient inquiets car c’était vraiment une surprise de vivre un tel phénomène en pleine journée. Et quand la ville est devenue complètement noire, avec de la poussière partout, c’était pratiquement impossible de circuler et surtout de voir de visu celui même qui est en face de toi. J’ai paniqué et je me suis posé des questions sur ce qui allait nous arriver », explique Mamoudou Seyni Adamou, un habitant de Niamey. « Je me suis précipité pour rentrer, mettre la bavette pour me protéger, fermer les chambres, les fenêtres, débrancher les télés et autres appareils », renchérit-il.
Habitant d’un quartier périphérique de Niamey, Hassanou Bawada Mohamed M’barek a lui aussi vécu ce phénomène sans le comprendre, telle une mauvaise surprise : « Au début, j’ai pensé que c’était de la pluie, donc je n’ai pas pris de mesures de protection ». Puis, alors que la ville s’assombrit en pleine journée, Hassanou confie : « Je suis angoissé et la panique s’empare de moi ».

Un phénomène impressionnant, mais pas nouveau au Sahel
Il y a de quoi être désemparé devant ce paysage apocalyptique. Et ce phénomène porte un nom : la “tempête de poussière”. Interrogé par Mongabay sur cet événement météorologique, le Directeur général de la météorologie nationale, Katiellou Laouan Gaptia, explique : « Ce sont des particules de sable, de poussière qu’on a en cette période d’orages, avec beaucoup de vent et peu de visibilité. On peut avoir des orages sans pluie et qui peuvent venir avec des vents très forts et qui peuvent soulever la poussière. Etant donné qu’en cette période de l’année, tout est sec et les particules ne sont pas consolidées, elles se détachent et se mettent en suspension. Ce type d’orage possède des systèmes de vents qui vont descendre au sol pour faire remonter ces particules de sable et de poussière et les entraîner partout ».
« S’agissant de la situation de dimanche, il y avait une formation orageuse qui a pris naissance dans la région d’Agadez, située dans le Nord du pays, à 914 km de Niamey. Mais à Niamey, on n’avait pas de pluie. La partie avec le vent est passée sur la ville et ça a donné de la poussière qui, à un moment, a ramené une visibilité nulle c’est-à-dire qu’on a rien vu comme si c’était la nuit », a ajouté Gaptia.
«C’est ce qu’on appelle les nuages orageux, qui ont une activité verticale importante. Ce sont des nuages géants qui peuvent entraîner des vents, même au sol parce qu’à l’intérieur il y a une forte dynamique, et vous allez voir des éclairs avec des tonnerres. A cette période, ils peuvent donner ou non de la pluie. Ils sont toujours accompagnés du vent et du tonnerre. En début de saison, c’est généralement ça qu’on observe, comme en fin de saison d’ailleurs», précise Gaptia. Il indique qu’il existe une échelle de classification de zone A, B , C, D, E etc, que la population avait été informée sur pour telle activité, qui pourrait survenir aux mois de mai ou juin.
Selon lui, ledit phénomène a quitté la zone d’Agadez et est descendu sur le Burkina Faso. « Ce sont des systèmes qui peuvent se réactiver, surtout quand ils trouvent de l’humidité », a-t-il précisé.
De multiples tempêtes de poussière observées dans la région
Dans les pays du Sahel, notamment le Niger, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad, ce type d’événement est enregistré de façon récurrente au Sahel, à l’approche de la mousson.
C’est pourquoi l’intensité de ces tempêtes peut être quantifiée en termes de teneurs en poussières et précipitation très variables d’une année à l’autre.

Interrogé par Mongabay, Jérôme, habitant de N’Djamena au Tchad, a témoigné avoir vécu ce phénomène à plusieurs reprises ces dernières semaines : « J’ai vécu deux tempêtes de sable en quinze jours et là apparemment, cela va s’enchaîner. La visibilité est quasi nulle, tu ne vois plus rien, tu prends du sable dans les yeux. Le plus dangereux, c’est que c’est souvent suivi d’un orage violent : si tu es dehors, potentiellement, les projectiles volent. Tu n’as donc pas envie d’être dehors, tu peux te prendre un truc dans la figure. Mon voisin, son balcon en verre s’est cassé, des arbres se sont arrachés et ont bloqué les routes».
Un phénomène fréquent pour les habitants de N’Djamena, mais qui semble s’intensifier : «Fin mai, les pluies arrivent, cela veut dire tempêtes de sable et orages», ajoute Jérôme.
En l’absence d’une météo prévisionnelle précise, difficile pour les habitants d’assurer leur sécurité : «On ne sait pas quand cela va arriver, donc on ne peut pas se mettre à l’abri», explique Jérôme.
Face à l’imprévu, restent des réflexes de survie : «Je me suis réfugié dans ma voiture en respirant dans mon t-shirt ». Jérôme a tenté au maximum d’éviter de respirer cette tempête : «Quand tu vois cette absence de visibilité, tu penses à ce qui pénètre dans tes poumons ». Alors quels risques pour la santé pour les populations qui se retrouvent au cœur de ces phénomènes ?
Un danger pour la santé de la population
Selon Cheti Moustapha Hassan, Médecin généraliste, la tempête de poussière aurait un impact sur la santé humaine. Elle pourrait provoquer des infections oculaires avoir une incidence de la morbidité et la mortalité respiratoire et cardio vasculaire. « Des virus peuvent causer des rhinites, des formes de grippes qui se manifestent par l’écoulement nasal et le larmoiement, parfois des atermoiements, sans oublier le maux de tête », indique-t-il.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la pollution atmosphérique est l’un des plus grands risques environnementaux pour la santé. Elle est imputable aux accidents vasculaires cérébraux, aux cardiopathies, au cancer du poumon et aux affections respiratoires, chroniques ou aiguës, y compris l’asthme. En 2019, 99 % de la population mondiale vivaient dans des endroits où les seuils préconisés par les lignes directrices de l’OMS relatives à la qualité de l’air n’étaient pas respectés. Les effets combinés de la pollution, de l’air ambiant et de la pollution de l’air intérieur, sont associés à 6,7 millions de décès prématurés par an à travers le monde. Ces données précisent que 4,2 millions de décès prématurés sont provoqués par la pollution de l’air ambiant (extérieur) dans le monde.
Par ailleurs, pour le Directeur de la météorologie nationale ce genre de tempêtes affecte la visibilité et peut engendrer des accidents domestiques : « Si les gens ne prennent pas de précautions, les poussières peuvent intégrer les circuits et endommager des appareils électroménagers ou électroniques », avertit le Directeur de la météorologie. Il y a aussi le fait que la visibilité est affectée et impacte les transporteurs et même les personnes qui marchent à moto ou à pied.

L’un des visages du changement climatique
Pour Mamoudou Seyni Adamou, ce phénomène est en lien avec le changement climatique. « Je crois honnêtement que c’est la conséquence du changement climatique. Déjà, cela fait plus d’un mois qu’il fait plus de 40 degrés dans presque tout le pays. A Niamey, la chaleur est insupportable, il n’avait pas plu, et puis, une telle situation se produit en cette période », dit Adamou. « C’est peut-être parce que je suis un habitant d’un quartier périphérique que je mesure la conséquence de ce que j’ai observé lors de cette tempête de poussière », s’inquiète Hassanou Bawada Mohamed M’barek. « Cette situation a un lien avec le changement climatique parce que c’est la première fois que je ressens une telle chaleur à Niamey. Souvent, je me dis c’est peut-être dû au fait que j’habite dans un quartier périphérique ou il y a un manque de plantation d’arbre. Donc si les gens ont planté et entretenu les arbres, ça pourrait atténuer cette chaleur et même stopper la propagation de certains virus en cas de tempête de poussière ».
Il serait possible de réduire les principales sources de pollution urbaine de l’air extérieur en menant des politiques et en investissant en faveur de transports plus propres, de logements, de centrales électriques et d’industries plus efficaces sur le plan énergétique, et d’une meilleure gestion des déchets municipaux. L’accès à une énergie domestique propre réduirait en outre grandement la pollution de l’air ambiant dans certaines régions.
Image de banniére : Le 12 mai 2024, la ville de Niamey, capitale du Niger a été avalée par un immense nuage de poussière semant l’effroi chez les habitants. Image de Abdoul-Kader Issoufou.