- Un nouveau rapport met en lumière les dommages sociaux et environnementaux provoqués par l’exploitation du cobalt en RDC, poussés par la hausse de la demande mondiale en minerais de l’énergie propre.
- Des chercheurs ont étudié cinq mines fournissant de grands fabricants de véhicules électriques et les ont reliées à la contamination de l’eau, des impacts sanitaires et des atteintes aux droits humains.
- Malgré des efforts pour atténuer la pollution, des incidents persistants et le non-respect des normes d’approvisionnement en eau propre demandent une action urgente des entreprises et des régulateurs, disent les co-auteurs RAID et AFREWATCH
Selon un nouveau rapport, la course mondiale pour obtenir des minerais essentiels à la transition vers une énergie propre est à l’origine d’une pollution toxique ayant de graves répercussions sanitaires pour les communautés vivant à proximité de certaines des plus grandes mines de cobalt et de cuivre du monde.
L’ONG britannique de surveillance de la responsabilité des entreprises Rights and Accountability in Development (RAID) et African Resources Watch (AFREWATCH), basée en République démocratique du Congo (RDC), ont documenté les impacts humains et environnementaux dévastateurs de l’exploitation industrielle du cobalt en RDC, qui abrite 70 % des réserves mondiales du minerai.
Le cobalt, qui est produit comme un sous-produit du cuivre, est essentiel pour les batteries rechargeables utilisées dans les véhicules électriques (VE) et les technologies des énergies renouvelables.
La majorité du cobalt de RDC provient de grandes mines industrielles se trouvant dans sa ceinture de cuivre et de cobalt au sud, le reste étant produit par des sources artisanales. La production de cobalt y a augmenté de 600 % dans les trente dernières années, selon l’étude citée par RAID et AFREWATCH.
Leurs conclusions montrent que la ville minière de Kolwezi, qui compte plus de 500 000 habitants, semble se transformer en une « zone de sacrifice », où la contamination de l’eau entraîne des conséquences sanitaires et des atteintes aux droits humains. Ces conclusions sont présentées dans un rapport communiqué exclusivement à Mongabay.
Le rapport, publié aujourd’hui, présente une enquête portant sur cinq mines exploitées par des multinationales chinoises et européennes. Ensemble, elles représentent deux cinquièmes de l’approvisionnement mondial en cobalt, dont la majorité est destinée à de grands fabricants de VE, notamment Tesla, Volkswagen, Mercedes-Benz et General Motors.
Les conclusions révèlent une « incohérence flagrante » entre une industrie minière désireuse de promouvoir du cobalt durable et exempt de préjudices sociaux, et la « triste réalité » sur le terrain, a déclaré Anneke Van Woudenberg, la directrice générale de RAID.
Les communautés ayant reçu la visite de RAID et AFREWATCH ont déclaré que la contamination nuit à leur santé, à leur sécurité alimentaire et à leurs moyens de subsistance, des allégations étayées par des études scientifiques et le témoignage d’experts médicaux.
Au cours de plus de 170 interviews, des habitants de 25 villes et villages ont également dit qu’ils souffraient de maladies cutanées et qu’ils s’inquiétaient pour la santé de leurs enfants. Presque toutes les personnes interrogées ont parlé d’une réduction drastique des rendements agricoles liée à la contamination de l’eau, qui entraîne une perte de revenus. Ils attribuaient une baisse de leur niveau de vie à l’essor minier.
« Nous vivons dans un environnement qui nous apporte plus de problèmes que de solutions », a dit l’un des villageois aux chercheurs. « Nous tombons malades, notre sol et notre eau sont pollués, et on nous prend nos terres ».
Un autre habitant interviewé par RAID et AFREWATCH a dit que les communautés locales sont « les grandes perdantes de l’exploitation minière ».
« Pendant mes 53 ans de vie, j’ai vu beaucoup de changements : ces entreprises sont seulement venues pour s’enrichir et nous apporter la mort ». De nombreuses personnes interviewées, qui incluaient des scientifiques, des professionnels de santé, des ingénieurs, des juristes et des agents de l’État ont souhaité garder l’anonymat par crainte des représailles.
Les cinq sites figurant dans le rapport comprennent la mine de cobalt la plus productive du monde, Tenke Fungurume Mining, qui est majoritairement détenue par CMOC Group Limited enregistré à Hong Kong et Shanghai, la société minière Gécamines qui appartient à l’État congolais détenant les 20 % restants.
Les autres mines sont celles du géant suisse Glencore, Kamoto Copper Company (KCC) et Mutanda Mining (MUMI) ; la Compagnie minière de Musonoie (COMMUS) qui est majoritairement détenue par la multinationale chinoise Zijin Mining ; et Metalkol, qui appartient à Eurasian Resources Group soutenu par l’État kazakh et basé au Luxembourg. En octobre 2023, Mongabay a publié un article rapportant les conditions de déplacement et de relocalisation des communautés en lien avec la mine de COMMUS à Kolwezi.
Mongabay a sollicité les commentaires des sociétés minières en réponse aux conclusions du rapport. Glencore a refusé de répondre, alors qu’ERG a accusé la réception de notre demande par courriel, mais n’a pas envoyé de communiqué au moment de la publication de cet article.
Les exploitants des mines reconnaissent eux-mêmes les risques de dommages sociaux et environnementaux résultant de leurs activités dans des documents publics analysés par RAID et AFREWATCH.
Dans des correspondances avec les chercheurs, communiquées à Mongabay, les sociétés attribuaient la pollution à l’exploitation minière historique, les activités artisanales et à d’autres activités. Ils ont souligné les mesures prises pour réduire la contamination, mais n’ont pas fourni de preuves que ces mesures sont efficaces.
De plus, le rapport de RAID et AFREWATCH montre que la pollution continue. Il définit au moins 14 « incidents toxiques importants » dans les cinq mines ces dernières années, notamment des ruptures de digues de confinement de résidus et des déversements d’acide, les habitants citant des efforts de nettoyage insuffisants.
Même si elles reconnaissent les préoccupations des communautés concernant l’eau potable, et si elles font des forages et construisent des stations de pompage d’eau, les entreprises ne respectent tout de même pas les normes minimales pour l’approvisionnement en eau propre établies par les réglementations de la RDC et les directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMC), selon les chercheurs.
Ils mettent en lumière l’incapacité du gouvernement à lutter contre la pollution de l’eau et à obliger les responsables à rendre des comptes, malgré des lois environnementales strictes, en raison du manque de ressources et d’expertise des régulateurs.
Les chercheurs exhortent les grands fabricants de VE et de batteries qui utilisent le cobalt de la RDC à faire pression sur les sociétés minières pour qu’elles réparent les dégâts.
« Le monde a besoin du cobalt du Congo pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, mais la transition énergétique ne bénéficie pas aux centaines de milliers de Congolais qui vivent dans l’ombre des grosses mines industrielles de cobalt », a dit Emmanuel Umpula, le directeur général d’AFREWATCH.
« Ils ne roulent pas en VE et ne jouissent pas d’un environnement sain. Au lieu de cela, ils sont frappés par la pollution de l’eau qui les rend malades et les appauvrit.
« Nous avons tous besoin d’un avenir durable, mais cela vaut autant pour les personnes de l’hémisphère nord que pour les habitants de la RDC ».
Image de bannière : Un centre médical à Salabwe en République démocratique du Congo, à proximité de la mine de cobalt la plus productive du monde, le projet Tenke Fungurume Mining (TFM). Image fournie par RAID.
Cet article a été publié pour la première fois en Anglais ici : Global cobalt rush drives toxic toll near DRC mines