Nouvelles de l'environnement

RDC : ex-chef de protection de la nature cité dans une affaire de trafic d’espèces sauvages

Un chimpanzé dans la forêt.

Un chimpanzé dans la forêt. Image de Bernard DUPONT via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).

  • Le gouvernement américain a sanctionné trois anciens fonctionnaires de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) en connexion avec le trafic d’espèces sauvages en voie d’extinction.
  • Cosma Wilungula, directeur général de l’Institut congolais pour la conservation de la nature de 2005 à 2021, et ses associés sont accusés d’avoir facilité un commerce international de chimpanzés, de gorilles, d’okapis et d’autres espèces protégées de la RDC.
  • Des membres de la société civile disent que la nouvelle a sapé la crédibilité du gouvernement congolais, qui se positionne comme « pays-solutions » aux enjeux environnementaux de l’heure.
  • Ils en appellent à la justice congolaise de vérifier les preuves que disposent les États-Unis et d’appliquer correctement la loi.

Selon un communiqué de presse signé par le bureau du porte-parole Matthew Miller, du département d’État américain, trois anciens fonctionnaires de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) ont abusé de leurs postes officiels en s’impliquant dans le trafic de chimpanzés, de gorilles, d’okapis et d’autres espèces protégées de la RDC.

Le communiqué du 16 août a nommé Cosma Wilungula, directeur général de l’ICCN de 2005 à 2021, Léonard Mwamba, ancien chef de département de l’Autorité de gestion de la RDC pour la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages en voie d’extinction (CITES), et Augustin Ngumbi Amuri, conseiller juridique de l’ICCN.

Ngumbi Amuri nie ces accusations alors que ses coaccusés ont fait le choix du silence.

Les autorités américaines accusent ces trois hommes de trafic d’espèces sauvages et de corruption.

Le même communiqué renseigne que « ces actions criminelles transnationales » ont sapé l’état de droit et la transparence du gouvernement en RDC ainsi que les efforts de longue date de conservation des espèces sauvages. Cependant, le communiqué n’a pas précisé l’ampleur du trafic, encore moins celui du commerce illégal des espèces sauvages de la RDC.

Sur une chaîne de télévision, l’analyste sociopolitique Jonathan Kwale préconise que le département d’État américain devait présenter des preuves sur comment, quand et par quels moyens ces trois fonctionnaires ont pu effectuer ces opérations.

Crise de confiance

Mais Adams Cassinga, coordonnateur de Conserv Congo, une organisation qui lutte contre le braconnage et le trafic des espèces sauvages protégées en RDC, dit que les actes reprochés aux responsables de l’ICCN seraient un « secret de polichinelle », en ce que cela se racontait depuis un moment dans les rues, et les sanctions américaines sont venues tout simplement les confirmer et mettre le gouvernement congolais devant un fait accompli.

Pour lui, le communiqué fut un coup dur. « Parce que ce sont des gens à qui on a confié la mission de préserver et de protéger notre faune et flore. Quand il y a des accusations comme ça, cela choque… C’est comme penser que le gardien devient l’agresseur », nous dit-il.

Il dit que ces sanctions démontrent une crise de confiance « non seulement entre les partenaires et l’Institut congolais pour la conservation de la nature, mais aussi entre les partenaires et l’État congolais en général, car l’ICCN étant le garant de la faune et de la flore [en RDC], et nous qui sommes de la société civile, nous tombons aussi par la suite ».

Il ajoute que ces accusations viennent lever les doutes par rapport au peu de soutien à la conservation que bénéficie la RDC.

« Nous en tant que leaders dans la conservation de la nature devons nous regarder d’un œil différent. S’il y a encore des éléments nuisibles dans le secteur, qu’on les fasse sortir le plus rapidement possible. Ce sont des tomates pourries qui pourraient contaminer tout un panier ».

La République démocratique du Congo a entamé ces trois dernières années quelques actions de grande envergure pour s’affirmer en tant que « pays-solution » aux défis environnementaux de l’heure. Mais Joseph Tsongo, un activiste du climat basé à Goma, estime que la RDC est en train de perdre sa crédibilité au niveau local et international, du moins dans le domaine de la conservation de la nature, comme dans tous les autres, malheureusement.

« Encore que ce soit le département d’État américain qui vient dénicher quelqu’un que nous semblions cacher…au moins si M. Cosma Wilungula était en premier accusé par la justice congolaise, on saurait au moins nous prendre au sérieux ».

Il pointe du doigt la politisation du secteur de la conservation en RDC. « La faute est à la politique, car nous avons des gens à la tête des institutions étatiques ou paraétatiques qui n’ont pas la vocation ; mais ils viennent juste piller et s’enrichir avant de partir, tenant compte du fait que la politique est dynamique et que tout pourrait changer à tout moment. Notre gouvernement est en train de se discréditer dans le secteur de la conservation et dans ce cas ses démarches pour obtenir des partenaires dans le développement grâce à l’économie verte pourraient s’avérer sans succès ».

Cosma Wilungula (à gauche), photographiée ici lors d’un événement en 2020, Directeur général de l’Institut congolais pour la conservation de la nature de 2005 à 2021, il n’a pas répondu publiquement aux sanctions imposées à son encontre par le Département d’État américain en relation avec le trafic illégal d’espèces sauvages. Image de Actualite.CD via Flickr (Utilisation équitable.)

La justice pour des poursuites et non pour des enquêtes

Cassinga souhaite que les autorités congolaises portent plainte contre les trois anciens responsables de l’ICCN. « Les États-Unis n’ont pas indirectement inculpé ces personnes, mais ils ont confirmé. Ce qui sous-entend que si ces trois personnes étaient sur le sol américain, elles seraient déjà aux arrêts. Il est à ce stade question [pour la justice congolaise] de vérifier les preuves tangibles que disposent les États-Unis et d’appliquer correctement la loi ».

Selon la loi relative à la conservation de la nature en RDC, est punie d’une servitude pénale de cinq ans à dix ans et d’une amende de vingt-cinq millions à cent millions de francs congolais toute personne qui exerce les activités de commerce international de spécimens d’espèces de faune et de flore sauvages intégralement protégés et leurs produits en violation de dispositions de la présente loi et du décret portant réglementation du commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

Contacté, aucun responsable de la justice congolaise n’a voulu commenter l’affaire. Pour le chargé de communication de l’ICCN, Rigaud Gomba, « aucune réponse officielle n’a été prévue dans ce sens, jusqu’ici ».

Réagissant à travers son blog sur les sanctions dont il fait l’objet, le professeur Augustin Ngumbi Amuri, qui était conseiller juridique et directeur-coordonnateur (en fonction) de l’Autorité de gestion de la RDC pour la CITES, avance qu’il s’agit « des accusations erronées, sans preuves matérielles tangibles, appuyées sur les faits imaginaires et chimériques ».

Par ailleurs, tous nos efforts pour entrer en contact avec le département d’État américain se sont avérés vains.

Pour Adams Cassinga, lutter contre le trafic d’animaux sauvages en RDC est la mission d’une vie

Image de bannière: Un chimpanzé dans la forêt. Image de Bernard Dupont via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).

Feedback : Veuillez utiliser ce formulaire pour contacter l’auteur de cet article. Pour publier un commentaire public, veuillez vous reporter au bas de cette page.

Quitter la version mobile