- Alors que l’Ouganda annonce une interdiction des exportations de bois, les défenseurs de l’environnement avertissent que la déforestation est principalement causée par l’industrie agroalimentaire, entre autres activités.
- Dans le cadre d’un effort plus large mené dans le bassin du Congo sur les exportations de bois brut, le Cameroun a renforcé les contraintes imposées aux exportations de grumes et souhaite, à terme, leur interdiction totale.
- Dans la municipalité angolaise de Nambuangongo, les autorités se trouvent en sous-effectifs et peinent à freiner la déforestation. En effet, défricher pour étendre les terres agricoles y est vu comme une tradition culturellement acceptée.
- Forêts et finance est le bulletin bihebdomadaire de Mongabay sur l’actualité des forêts africaines.
L’Ouganda annonce une interdiction des exports de bois
KAMPALA — Le gouvernement ougandais a interdit l’export de bois depuis le pays d’Afrique de l’Est. Dans une directive publiée à la fin du mois de juin, le président Yoweri Museveni a dénoncé l’exploitation indiscriminée des forêts publiques et privées dans tout le pays sous prétexte d’exporter du bois. Il a également révoqué toutes les licences et tous les permis délivrés à cette fin.
L’écologiste Eddie Mukiibi a affirmé à Mongabay être en accord avec cette décision. Selon lui, l’agence de gestion des forêts du pays peine à réguler une industrie du bois grandissante.
« La triste réalité est que l’Autorité nationale des forêts est impliquée dans l’attribution de terres dans d’anciennes forêts naturelles pour la culture de pins et d’eucalyptus destinés à l’exportation, et le Sawlog Production Grant financé par l’UE a favorisé cet impact », a-t-il déclaré.
Mukiibi, agriculteur agroécologique et président de Slow Food International, affirme que si l’interdiction est un bon début, les exportations de bois ne sont pas la cause principale de la déforestation dans le pays. « Le président Museveni devrait également savoir que l’expansion de la monoculture de canne à sucre est la cause principale de la déforestation des forêts naturelles en Ouganda. Les forêts de Mabira et Bugoma, par exemple, ne sont pas défrichées pour l’exportation de bois, mais pour la culture de canne à sucre et l’export de sucre. Le bois est un produit dérivé de la déforestation liée à l’agro-industrie. »
D’après le groupe de surveillance des forêts Global Forest Watch, l’Ouganda a perdu 75 000 hectares de forêt primaire humide entre 2002 et 2022.
Le Cameroun renforce ses limitations sur l’exportation de grume
YAOUNDÉ — Le ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) a rallongé sa liste des essences qui ne peuvent désormais plus être exportées sous forme de grumes depuis le pays d’Afrique centrale. Le Cameroun, avec d’autres pays du bassin du Congo, se dirige vers une interdiction complète des exportations de bois brut, dont la mise en place est désormais attendue pour janvier 2026.
En 2018, le ministère avait interdit les exportations de grumes pour 31 essences. Une directive du MINFOF publiée en juin listait 45 espèces supplémentaires, dont certaines sont commercialement prisées telles que la moabi (Bailonella toxisperma), et l’okoumé (Aucoumea klaineana), qui devront désormais être transformées au Cameroun avant de pouvoir être exportée vers les marchés européens ou asiatiques. La liste sera de nouveau étoffée en 2025, déclare le ministère, fermant la porte à toutes les exportations de grumes, à l’exception de sept espèces.
Supposée stimuler le développement de la transformation de bois domestique et retenir une part plus importante de la valeur sur les exportations de bois, l’interdiction complète des exportations de grumes avait été originellement prévue pour janvier 2022. Le Cameroun et ses voisins ont toutefois reporté son adoption à plusieurs reprises, affirmant que leurs filières bois nationales n’étaient pas encore prêtes à transformer le bois à l’échelle nécessaire.
André Bekolo Nka, qui dirige les travaux du MINFOF dans la division de Boumba-et-Ngoko dans la région Est du Cameroun, a confié à Mongabay que les espèces principales actuellement exploitées dans la forêt incluent le padouk d’Afrique (Pterocarpus soyauxii), très utilisé pour la construction, et le sapélé (Entandrophragma cylindricum), prisé pour son bois de qualité et pour les chenilles comestibles qui s’en nourrissent.
Nka a expliqué à Mongabay que depuis le début des années 2000, chaque entreprise détenant un permis de récolter du bois dans sa division a aussi une usine de transformation, et 70 % des arbres abattus légalement à Boumba-et-Ngoko sont transformés localement. Selon lui, 30 % des essences de la division sont destinées à l’exportation, y compris des quantités substantielles d’arbres très récemment ciblés ici, tels que le tali (Erythrophleum suaveolens) ou l’ayous (Triplochiton scleroxylon), qui sont des bois durs durables. « Avec la fin imminente des exportations de grumes, la sensibilisation est renforcée et le bois scié, en l’occurrence l’ayous, est empilé sur site », dit-il.
Nka affirme que les exportations de grumes doivent être accompagnées d’une révision des politiques afin d’encourager les bûcherons à maximiser la transformation des arbres qu’ils abattent, en récupérant le bois qui serait autrement jeté pour la consommation locale.
« L’interdiction totale des exportations de grumes devrait appeler à un changement de paradigme dans la gestion de nos forêts. Nous ne devrions plus nous limiter à la seule récolte des grumes, mais aussi récupérer les grandes branches qui peuvent être transformées », dit-il à Mongabay.
Les autorités angolaises en sous-effectif peinent à freiner la déforestation
NAMBUANGONGO, Angola — Les agriculteurs et les bûcherons de la municipalité de Nambuangongo, dans la province de Bengo au Nord-Ouest, abattent 800 hectares de forêt chaque année. D’après Global Forest Watch, entre 2000 et 2020, 12 % du couvert forestier a été perdu, dont un quart était de la forêt primaire tropicale.
Nambuangongo se trouve à 240 kilomètres de Luanda, la capitale angolaise, et s’étend sur 560 000 hectares en grande partie boisés. La majorité des habitants dépendent de la forêt pour vivre.
Le directeur municipal de l’agriculture, Sebastião Andrade, affirme qu’il est difficile de convaincre les communautés locales des conséquences néfastes du défrichage des forêts pour faire place à des terres agricoles. En effet, les fermiers répondent qu’ils utilisent la terre comme le faisaient leurs ancêtres avant eux.
« C’est une pratique déconseillée, compte tenu de la dévastation de la faune et de la flore, mais, malgré tout, ce sont les méthodes rudimentaires que les familles trouvent pour pouvoir augmenter la production agricole », dit-il à Mongabay.
Mais les forêts de Nambuangongo sont également soumises à la pression de l’exploitation commerciale par des sociétés de bois enregistrées ou non.
En sous-effectifs et mal équipés, les inspecteurs forestiers de la municipalité ne surveillent plus l’abattage des arbres ni les dégâts causés par les incendies.
Lopes António João, qui dirige ces inspecteurs, explique que les résidents coupent les arbres et utilisent le feu pour défricher de nouvelles terres agricoles dans la forêt afin de subvenir à leurs besoins. Il a affirmé à Mongabay que son bureau travaille à expliquer quelles espèces d’arbres devraient être préservées.
Les autorités locales demandent plus de soutien de la part du département provincial de l’Institut pour le développement des forêts, une branche du ministère de l’Agriculture qui coordonne l’industrie du bois.
Lopes affirme que l’abattage est également vu comme une pratique culturellement acceptée. Il recommande qu’elle soit autorisée à continuer, mais avec des lignes directrices qui protègent la santé de la forêt.
Image de bannière : Bûcheron ougandais marquant un arbre abattu dans le district de Hoima. Image de Pius Talemwa via Wikimedia Commons(CC BY-SA 4.0).
Antónia Gonçalo, Leocadia Bongben et Lucky Agaba ont contribué à la rédaction de ce bulletin.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2023/07/forests-finance-wood-export-bans-and-short-staffed-regulators/