- Plusieurs années s’étaient écoulées sans recenser un seul cas de braconnage d’éléphants dans la Parc National de Lobéké avant cette découverte macabre de fin 2021.
- Les autorités et activistes convergent sur le fait que la cause derrière ce braconnage est la crise armée en République Centrafricaine voisine.
- Le trafic d’ivoire est une importante menace pour la conservation des éléphants au Cameroun et dans toute la région de l’Afrique Centrale.
Le braconnage des éléphants et le trafic de l’ivoire sont liés, estiment des sources des activistes de l’environnement. Ils constituent une importante menace pour la conservation des éléphants au Cameroun et dans toute la sous-région de l’Afrique centrale.
« Les braconniers recherchent la viande et l’ivoire en abattant illégalement les éléphants », indique à Mongabay le colonel retraité de la Forêt et de la Faune du Littoral.
Plusieurs années se sont écoulées sans recenser de cas de braconnage d’éléphants dans le parc national de Lobéké.
« Depuis près d’un an, on n’a pas entendu parler de braconnage dans le parc, surtout de grands animaux », ajoute celui qui se préoccupe aussi d’environnement.
Les huit carcasses d’éléphants froidement abattus par des braconniers seraient liées à la crise armée en République centrafricaine. En effet, le parc national de Lobéké est limitrophe à ce grand pays en crise depuis près d’une décennie.
Elvis Nguimezong est l’un des premiers à avoir été témoin du carnage. Le journaliste camerounais raconte comment procèdent les braconniers :
« (…) ces gens-là tirent avec des armes (automatiques, Ndlr), c’est-à-dire des kalachnikovs et des pistolets automatiques ».
Le 17 novembre 2021, lors d’une mission de surveillance et de reconnaissance du terrain, des gardes forestiers ont découvert trois carcasses d’éléphants fraîches. Ils ont fait appel aux forces de la défense et de la sécurité. Les gardes forestiers du parc national et les militaires se sont lancés à la recherche des auteurs de l’abattage des trois éléphants.
Un braconnier et deux porteurs ont été arrêtés dans le parc la même nuit. Après être passés aux aveux et conduits dans les locaux de la gendarmerie nationale, le braconnier et les deux porteurs ont conduit les gardes forestiers et les militaires dans plusieurs de leurs caches où s’entassaient cinq autres carcasses d’éléphants.
Historique et localisation du Parc National de Lobéké
Le parc national de Lobéké a été créé le 19 mars 2001 dans le département de la Boumba et Ngoko, région de l’Est du Cameroun. Sa superficie est estimée à environ 217 854 hectares (538 328 acres). Sa biodiversité est très riche car il comporte au moins 45 espèces de mammifères, 305 espèces d’oiseaux, 215 espèces de papillons, et bien d’autres. Il s’agit de l’un des parcs nationaux avec des guides formés pour faire promener des touristes.
Wikipedia ajoute que le Parc National de Lobéké abrite des autochtones Baka. Ceux-si sont des autochtones que l’on trouve dans les forêts de la DR Congo, Gabon et Cameroun ; du moins « tout au long du bassin du Congo » selon l’expression de Clarke Cathérine et Hoyte Simon .
Le parc est contigu au parc Nouabalé-Ndoki, en République du Congo, et aux aires protégées du parc Dzanga-Sangha en République centrafricaine, selon Wikipedia. Il est couvert par une forêt équatoriale et fait partie du bassin du Congo.
Un phénomène cyclique
Dans le nord du Cameroun, des massacres d’éléphants ont été répertoriés en 2012 dans le parc national de Bouba N’djida. À cette époque, entre 128 et 300 éléphants avaient été victimes des braconniers.
Ce phénomène cyclique se répète chaque fois que les circonstances le permettent. En 2006, au Cameroun, on a découvert 3,9 tonnes d’ivoire dans le faux compartiment d’un conteneur déposé à un domicile de Yaoundé. À l’époque, les enquêteurs de l’ONG The Last Great Ape Organization Cameroon avaient fait cette découverte en accomplissant leur travail de routine.
Un autre rapport de cette ONG rendu public en 2021 fait état de la condamnation par la Cour d’appel de première instance d’Ambam, dans le sud du Cameroun, d’une personne arrêtée alors qu’elle était en possession de 626 kg de défenses d’éléphants. Une amende d’un million de FCFA lui a été infligée.
Le braconnage est ce qui menace le plus la conservation au parc national de Lobéké. Les braconniers sont en général des bandes armées venant du Congo et de République centrafricaine. Le Cameroun partage une frontière avec une zone de conflits. Ces conflits durent depuis des années et dérangent tant à l’intérieur des parcs que dans leur périphérie, bien que ces aires soient protégées.
La plupart du temps, l’identité des braconniers est gardée secrète par les autorités de la commune camerounaise de Yokadouma, située non loin du parc.
La situation des éléphants au Cameroun
La population des éléphants au Cameroun se chiffrait à 21 427 en 2010 selon un rapport du ministère de l’Environnement de l’époque. Au Cameroun, on trouve essentiellement l’éléphant de forêt d’Afrique (Loxodonta africana cyclotis), qui vit au sud-est, et l’éléphant de savane d’Afrique (Loxodonta africana), présent au centre et au nord.
L’Union internationale pour la conservation de la nature, notamment dans sa Stratégie régionale pour la conservation des éléphants en Afrique centrale, (UICN-GSEAfc, juillet 2005) révèle que la décennie 1970-1980 marque le début d’un braconnage intensif des éléphants au Cameroun. Cette période correspond aussi au début de l’exploitation forestière et minière qui se poursuit encore aujourd’hui.
Entre 4 000 et 12 000 éléphants seraient tués chaque année par des braconniers pour combler les besoins des ménages pour la viande et pour vendre l’ivoire sur le continent asiatique.
Une autre étude menée par le Fonds mondial pour la nature qui couvre la période 2008 à 2016 montre que la population des éléphants de forêt a reculé de 66 % en Afrique (Thouless et coll., 2016; WWF, 2017). L’Union internationale pour la conservation de la nature a pour sa part estimé que, pensant la même période, le nombre d’éléphants de forêt a chuté de 89 % en trois décennies et celui des éléphants de savane de 60 % en cinq décennies.
L’organisme a d’ailleurs inscrit ces deux espèces d’éléphants sur sa liste rouge. Le directeur général de l’UICN, Bruno Oberle, souligne que pour mieux protéger les pachydermes d’Afrique, il faut à tout prix mettre un terme au braconnage et assurer un habitat suffisamment grand et convenable pour les éléphants.
image : Groupe d’éléphants en mouvement par David Giffin