John Lukas donnera une allocution au Wildlife Conservation Network Expo à San Francisco, le 12 octobre 2013.
Le 24 juin de l’année dernière, les rebelles de Maï-Maï Simba, menés par un braconnier d’éléphants connu sous le nom de Morgan, ont lancé une attaque dévastatrice sur les bâtiments du siège de la Réserve Naturelle des Okapis à Epulu, en République Démocratique du Congo (RDC). L’attaque, constituant apparemment une riposte contre les mesures de répression du braconnage et de l’exploitation minière illégale, s’est soldée par des bâtiments incendiées, la destruction de matériel, et la mort de six personnes, dont deux gardes forestiers. La milice a également pris 28 femmes en otage, dont plusieurs mineures. Pour couronner le tout, la milice n’est partie qu’après avoir exécuté les 14 okapis en captivité se trouvant dans les bâtiments du siège et qui faisaient office d’ambassadeurs pour la protection de la faune au sein de la communauté locale.
Plus d’une année plus tard, la paix et la sécurité commençaient enfin à s’installer à Epulu avec l’expulsion des milices armées de la Réserve Naturelle des Okapis, rapporte le conservateur de renom, John Lukas. Ayant œuvré pour la protection des okapis durant 25 ans, Lukas est le chef du Projet de Conservation de l’Okapi, lequel contribua grandement à la fondation du parc et aide à la gestion des zones protégées, en collaboration avec l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN). Cependant, la milice à l’origine du raid tragique, ainsi que son dirigeant Morgan, demeurent en liberté.
Site du patrimoine mondial, la Réserve Naturelle des Okapis a été fondée en 1992 afin de protéger l’une des populations d’okapis à la timidité légendaire (Okapia Johnston) les plus importantes au monde. La réserve de 13 700 km2 est également l’habitat naturel de vastes populations d’éléphants de forêt, de buffles et de plus de 300 espèces d’oiseaux.
Ce n’est qu’en 1901 que l’Okapi, le plus proche parent de la girafe, a été découvert par les scientifiques. Il demeure un animal mystérieux mais beau. Il figure actuellement sur la Liste Rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) des espèces proches de l’extinction. L’Okapi se trouve uniquement en République Démocratique du Congo.
Lukas fera une présentation lors de la Wildlife Conservation Network Expo iqui se tiendra le 12 octobre 2013 à San Francisco, une manifestation dirigée par Jane Goodall.
ENTRETIEN AVEC JOHN LUKAS
John Lukas (au centre), accompagné de gardes forestiers au siège d’Epulu. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi.
Mongabay: Pouvez-vous nous faire un bilan de la situation dans la Réserve Naturelle des Okapis et au siège de vos locaux?
John Lukas: La situation s’est stabilisée et la sécurité est sous contrôle grâce au réarmement des gardes forestiers de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) et aux soldats de l’armée congolaise. Nous avons pu réparer tous les locaux endommagés et rétablir la communication internet. Le générateur et le système d’alimentation solaire fonctionnent à nouveau et fournissent de l’électricité aux mécaniciens et menuisiers. La piste d’atterrissage
est ouverte et entretenue par les ouvriers du Projet de Conservation de l’Okapi (PCO). Le siège de la Réserve de l’ICCN qui a été endommagé lors de l’attaque a été démoli et les décombres enlevées. Les ouvriers du PCO ont stabilisé les fondations et fabriqué des centaines de blocs de béton afin d’entamer la construction des nouveaux bâtiments du siège. Les gardes forestiers patrouillent en compagnie de soldats des postes de surveillance et des opérations spéciales ont été entreprises, ciblées contre le braconnage d’éléphants et l’exploitation minière illégale. Nous avons fait des progrès mais il reste encore beaucoup à faire pour regagner pleinement le contrôle de la réserve contre tout ce qu’implique le commerce lucratif de l’ivoire et de l’or. Les gardes forestiers se concentrent sur la collecte des collets et l’arrestation de ceux qui les confectionnent car c’est la principale façon dont les okapis sont tués. La limitation des collets réduit les chances de voir un okapi s’y prendre accidentellement en tentant de se nourrir dans les forêts. Depuis début septembre, aucune milice armée n’opère à l’intérieur de la Réserve Naturelle des Okapis
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Mongabay: Comment la communauté d’Epulu s’est-elle remise de ces attaques ?
Okapi en RDC. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi. |
John Lukas: La communauté s’est extrêmement bien remise, la plupart des résidents sont revenus dans leurs maisons et les enfants sont de retour pour les vacances scolaires d’été. Le PCO a fourni les uniformes et le matériel pour constituer des équipes de football garçons et filles qui ont affronté d’autres équipes de villes et villages voisins. Cela a remonté le moral des troupes et rétabli un semblant de normalité à la communauté. Les magasins sont à nouveau ouverts et la circulation régulière des camions génère un revenu stable aux propriétaires des boutiques. Les gens travaillent dans leurs jardins et aucune intrusion armée n’a eu lieu depuis l’attaque de juin 2012. La présence de l’armée et d’un large contingent de gardes forestiers apporte un sentiment de sécurité et constitue un élément dissuasif à l’encontre de toute tentative d’infraction à la loi pour des bénéfices personnels.
Mongabay: Est-ce que la situation en matière de sécurité s’est améliorée depuis l’attaque?
John Lukas: La sécurité s’est généralement améliorée car les milices armées opèrent bien en dehors de la réserve, les mines d’or étant la principale cible de leur cupidité. Les nouvelles forces des Nations Unies ont un mandat pour partir à l’offensive et ont déclaré qu’elles se lanceraient très prochainement à la poursuite du gang de Morgan. Le braconnage des éléphants représente toujours un souci majeur mais les braconniers se déplacent constamment, traqués par les gardes forestiers et les soldats alertés par des informateurs. Le gouverneur de la Province de l’Oriental a encouragé les responsables communautaires à assister l’ICCN et fournit les ressources militaires permettant d’aider au maintien de la sécurité.
Mongabay: Plusieurs femmes ont été kidnappées par les braconniers qui ont perpétré l’attaque. Pouvez-vous nous dire ce qu’il est advenu d’elles?
John Lukas: Tous les otages pris par la bande de Morgan, y compris les femmes, ont été libérés, les derniers furent relâchés près de Mambasa en janvier 2013. Le PCO administre les fonds fournis par la Fondation Nancy Abraham afin de porter secours aux otages et victimes de viol lors de l’attaque d’Epulu. Trouver les ressources nécessaires pour aider les femmes s’avère difficile car cela signifie voyager dans des conditions difficiles, loin de leurs maisons et de leurs familles. Nous tentons de gérer la meilleure manière de les aider sans perturber leur vie de famille.
Mongabay: Les autorités savent qui a perpétré les attaques. Est-ce qu’elles tentent actuellement d’appréhender la bande?
Habitants locaux jouant du tambour à Epulu. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi. |
John Lukas: Oui, plusieurs tentatives ont été faites afin de capturer les rebelles Maï-Maï responsables de l’attaque de la station d’Epulu. Plusieurs Maï-Maï ainsi que quelques soldats ont été tués lors de ces affrontements. Morgan a été affaibli et a récemment fait l’objet d’une attaque par l’armée dans le Nord-Kivu, loin d’Epulu. Les Nations Unies et l’armée souhaitent déployer des efforts intenses afin de l’appréhender mais la situation des rebelles M23 près de Goma sont leur priorité pour le moment.
Mongabay: Est-ce que l’on prévoit de remplacer les okapis perdus lors de l’attaque?
John Lukas: Pas pour l’instant. Avec les responsables de la mort de 14 okapis toujours en liberté, ce serait irresponsable d’exposer d’autres okapis à un danger possible. Nous concentrons nos efforts sur la protection des 3000 okapis vivant dans la réserve et sur le maintien de la paix et de la sécurité dans la région pour le bien être de la faune et des habitants locaux.
Mongabay: De quelle manière les gens peuvent-ils apporter leur aide à la réserve et à la population d’Epulu?
John Lukas: Les gens peuvent aider le OCP à maintenir son soutien aux gardes forestiers de l’ICCN dans leurs efforts de lutte contre le trafic illégal, que ce soit de l’ivoire ou de la viande de brousse, et d’expulsion des mineurs illégaux qui dépendent de la viande de brousse pour survivre en forêt. De plus, nos programmes communautaires améliorent la qualité de vie des habitants qui partagent leur terre d’origine avec des okapis, des primates et des éléphants. Le meilleur moyen de préserver la vie sauvage dans la forêt de l’Ituri est de protéger la forêt de la destruction et ceux qui se soucient de l’avenir de leurs enfants sont des gardiens plus responsables de leur environnement. Nous dépendons des dons pour faire fonctionner le Projet Okapi et 100% de tous les dons sont utilisés en RDC pour le fonctionnement de nos programmes communautaires et le soutien à l’ICCN.
Personnes se saluant à un poste de contrôle à Epulu. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi.
Pangolin dans la Réserve Naturelle des Okapis. Photo de Reto Kuster.
Distribution de fournitures scolaires. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi.
Nouveau puits à Epulu. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi.
Travaux de réparation des bureaux de l’ICCN. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi.
Gardes en train de brûler des collets. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi.
Route vers Epulu, à l’intérieur de la Réserve Naturelle des Okapis. Photo gracieusement autorisée par le Projet de Conservation de l’Okapi.