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TotalEnergies construit son pipeline à travers des récifs coralliens au Mozambique

  • Des images satellites et des données de trafic maritime confirment qu’une entreprise néerlandaise a procédé au dragage d’une zone corallienne particulièrement sensible dans le cadre du projet de gaz naturel liquéfié de TotalEnergies au Mozambique.
  • Après l’attaque de l’installation par des insurgés en 2021, la multinationale française de pétrole et de gaz avait suspendu son projet et invoqué la force majeure, tout en poursuivant certains travaux.
  • Des organisations environnementales dénoncent l’insuffisance des études d’impact environnemental réalisées pour le projet de TotalEnergies et trois autres projets dans les mêmes eaux.

L’an dernier, au Mozambique, une opération de dragage menée par l’entreprise néerlandaise Van Oord a traversé un récif corallien au large du nord du pays, dans le cadre du projet de gaz naturel liquéfié (GNL) de TotalEnergies à Cabo Delgado, un chantier déjà au cœur de vives controverses. L’analyse d’images satellites et de données de trafic maritime par des scientifiques, révèle la destruction d’une vaste portion de récif corallien dans une zone écologiquement sensible.

Les 32 îles de l’archipel des Quirimbas s’étendent de l’embouchure du fleuve Rovuma, à la frontière entre le Mozambique et la Tanzanie, jusqu’à la baie de Pemba, plus au sud. L’archipel abrite un grand nombre d’espèces endémiques et menacées, notamment des cœlacanthes (Latimeria chalumnae), des dugongs (Dugong dugon), ainsi que des tortues imbriquées (Eretmochelys imbricata) et des tortues vertes (Chelonia mydas). Sa zone côtière et littorale comprend des estuaires, ainsi que des forêts de mangroves.

« Parmi tous les océans tropicaux, l’océan Indien, au niveau du canal du Mozambique, est celui qui enregistre la plus forte hausse de température de surface, ce qui met les coraux à rude épreuve », alerte Daniel Ribeiro, de l’organisation de justice environnementale Justiça Ambiental (JA!). « La faculté des coraux à se régénérer est fortement compromise en raison de ces menaces ».

Le bassin du Rovuma compte quatre grands projets gaziers, mais seul le projet flottant de GNL Coral North d’ENI est aujourd’hui en activité. Le projet Mozambique LNG de TotalEnergies a été suspendu en 2021, à la suite d’une attaque des installations par des insurgés. TotalEnergies et Exxon ont alors interrompu leurs activités sur leurs projets, au même moment où les troupes régionales se sont alliées à l’armée mozambicaine pour combattre les insurgés.

En octobre 2025, la multinationale française a annoncé la levée de la force majeure – clause qui lui avait permis de suspendre indéfiniment ses opérations face à la montée de l’insécurité, un facteur indépendant de sa volonté. Le projet Rovuma d’Exxon reste, quant à lui, en attente d’une décision finale d’investissement. De son côté, ENI travaille au développement d’un autre projet de GNL, Coral South, calqué sur le modèle existant.

Construction site of the TotalEnergies-operated Afungi LNG plant. Image courtesy of Justiça Ambiental.
Chantier de l’usine de GNL d’Afungi, exploitée par TotalEnergies. Image fournie par l’organisation non gouvernementale Justiça Ambiental.

Daniel Ribeiro indique que même durant la suspension du projet de TotalEnergies, des habitants ont pu observer la poursuite des travaux le long du tracé prévu pour le gazoduc Golfinho, destiné à acheminer le gaz des champs offshore vers un terminal d’exportation sur la péninsule d’Afungi.

« Total et ExxonMobil prévoient d’installer des gazoducs depuis les sites d’extraction jusqu’à l’usine de traitement d’Afungi, et ces pipelines traverseront un écosystème extrêmement fragile », souligne-t-il.

Des récifs coralliens s’étendent sur l’ensemble des zones d’exploitation des quatre projets gaziers dans le nord du canal du Mozambique. Les images satellites et les données de trafic maritime révèlent que les zones ayant été draguées abritent une grande diversité d’espèces et sont vitales au bon fonctionnement des écosystèmes.

« Même si l’on constate qu’ils tentent d’éviter les zones les plus sensibles, on voit bien que le tracé du pipeline les traverse inévitablement », déclare Louis Goddard, analyste chez Data Desk, un groupe britannique spécialisé dans la recherche sur l’industrie des combustibles fossiles. Il souligne que les panaches de sédiments issus des travaux de dragage paraissent plus importants et plus persistants que ce qui avait été prévu dans l’étude d’impact environnemental du projet.

Dans cette étude d’impact environnemental, TotalEnergies a reconnu que la construction du gazoduc impliquerait de couper à travers des récifs coralliens et des habitats naturels. Même si les mesures d’atténuation proposées par l’entreprise étaient mises en œuvre, les récifs endommagés ou détruits mettraient des décennies à se régénérer. Faute de données suffisantes (aucune étude benthique ni aucun inventaire complet des espèces coralliennes n’ayant été réalisé), l’étude d’impact environnemental indique que l’ampleur de la régénération reste incertaine et qu’une perte partielle des coraux apparaît inévitable.

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Un rapport publié plus tôt dans l’année par Justiça Ambiental (JA!) et d’autres organisations environnementales conclut que les études d’impact environnemental menées pour les projets gaziers du Rovuma n’ont pas pris en compte les menaces sur la vie marine. « Aucune étude approfondie et scientifiquement solide n’a été menée sur les écosystèmes et la biodiversité des zones terrestres, côtières ou océaniques profondes concernées », indique le rapport.

Les ONG alertent que « les opérations de dragage dans la baie de Palma provoqueront des dégâts sur les herbiers marins et les récifs coralliens, qui constituent une source de nourriture essentielle et un abri précieux pour une multitude d’espèces marines, petites et grandes ».

Daniel Ribeiro ajoute que les entreprises ont chacune évalué les perturbations potentielles liées à leur propre projet, mais qu’aucune n’a tenu compte de l’impact cumulatif du développement simultané de quatre grands projets gaziers dans un périmètre aussi restreint.

« D’après les documents du projet, j’ai l’impression que les promoteurs n’avaient pas anticipé l’étendue des coraux et la richesse des milieux marins autour du site, et ils font maintenant face à une tâche délicate pour construire quoi que ce soit sans causer de dommages majeurs », explique Louis Goddard.

À la date de publication de cet article, ni le gouvernement mozambicain, ni TotalEnergies, ni Van Oord n’avaient répondu à la demande de commentaires de Mongabay.

 
Image de bannière : Un mérou corallien au cœur des récifs du Mozambique. Image de FloT974 via Flickr (CC BY 2.0).

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