Nouvelles de l'environnement

Mieux gérer les ressources en eau en danger en Afrique

  • En 2024, l’Afrique a subi de graves sécheresses et inondations, affectant des millions de personnes et pesant lourdement sur l’économie, d’après le dernier rapport de l'Organisation météorologique mondiale sur l’état de la ressource en eau.
  • Les producteurs ont subi des pertes massives de récoltes liées soit aux poches de sécheresse ou soit aux pluviométries excessives, contraignant certains à des approches de maitrise de l’eau et d’assurance agricole indexée aux risques climatiques.
  • Les experts plaident pour une gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), un meilleur partage des données, le renforcement des systèmes d’alerte précoce et la reconnaissance de l’eau comme thème transversal des négociations climatiques, notamment à la COP30.

En 2024, l’Afrique a été frappée par des phénomènes climatiques extrêmes contrastés, allant de sécheresses sévères en Afrique australe à des inondations dévastatrices en Afrique de l’Ouest, centrale et de l’Est, affectant des millions de personnes, détruisant des infrastructures, et mettant en péril la sécurité alimentaire et l’éducation.

C’est ce qu’indique un nouveau rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sur l’état des ressources en eau dans le monde, publié mi-septembre.

Pour cette évaluation de la disponibilité mondiale en eau douce incluant cours d’eau, réservoirs, lacs, eaux souterraines, humidité des sols, neige et glace, les auteurs se sont appuyés sur les données fournies par les pays membres de l’OMM, ainsi que sur les informations provenant des systèmes de modélisation hydrologique mondiaux et des observations satellitaires d’un large éventail de partenaires.

Le rapport préparé par une équipe de chercheurs coordonnée par Dr Sulagna Mishra, indique qu’une pression persistante s’exerce sur les ressources en eau avec des répercussions sur l’économie de plusieurs pays au monde. « L’eau soutient nos sociétés alimente nos économies et nos écosystèmes. Et pourtant, les ressources en eau de la planète sont soumises à une pression croissante et, dans le même temps, des risques liés à l’eau de plus en plus extrêmes ont un impact croissant sur les vies et les moyens de subsistance », a déclaré la secrétaire générale de l’OMM, Celeste Saulo.

De fait, le rapport indique que l’année 2024, a été la plus chaude jamais enregistrée et a débuté par un épisode El Niño, qui a eu des répercussions sur les principaux bassins fluviaux. Elle a contribué à des sécheresses dans le nord de l’Amérique du Sud, le bassin amazonien et l’Afrique australe.

Par contre, les précipitations ont été supérieures à la moyenne en Afrique centrale et occidentale, dans le bassin du lac Victoria en Afrique, au Kazakhstan et dans le sud de la Russie, en Europe centrale, au Pakistan et dans le nord de l’Inde, dans le sud de l’Iran et dans le nord-est de la Chine.

Pousser des voitures dans l'érosion à Ikeja, dans l'État de Lagos, au Nigéria. Image de Tunesh247 via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).
Pousser des voitures dans l’érosion à Ikeja, dans l’État de Lagos, au Nigéria. Image de Tunesh247 via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).

L’Afrique paie un lourd tribut

Le rapport indique que l’Afrique a été l’un des continents les plus affectés par les anomalies observées dans la disponibilité et la distribution de la ressource en eau. « Une saison de mousson exceptionnellement humide a entraîné des inondations prolongées et étendues dans une grande partie de la région du Sahel, en Afrique occidentale et centrale. Les précipitations ont dépassé de plus de 50 % la normale dans une grande partie de la région, et des inondations ont été signalées au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigeria, au Cameroun, au Tchad, en République centrafricaine et au Soudan ».

Au total, précise ce rapport, 7,5 millions de personnes ont été touchées par les inondations en Afrique occidentale et centrale, au moins 1 526 personnes sont mortes et 4 499 autres ont été blessées, et 639 000 maisons ont été endommagées ou détruites.

Sur la base des chiffres reçus des pays et d’autres sources, les auteurs du rapport signalent aussi que plus de 960 000 hectares de terres agricoles étaient devenus impropres à l’agriculture et à l’élevage, et 128 000 têtes de bétail ont également été emportées par les inondations.

En termes d’impact, Dr Mishra précise qu’il est estimé qu’environ 2 à 5 % du PIB perdus à cause de ces événements extrêmes, notamment les inondations et sécheresse.

Ces inondations et sécheresses survenus au cours de l’année 2024 ont entrainé au Togo, tout comme dans d’autres pays, la perte des récoltes. « L’année dernière plusieurs agriculteurs que nous avons eu l’occasion de visiter ou rencontrer ont enregistré d’énormes pertes de récoltes, notamment dans le nord du pays avec une poche de sécheresse qui a été enregistrée pendant la floraison de nombreuses cultures. De grandes pertes ont été aussi enregistrées par les producteurs de soja, qui se sont retrouvés dans l’incapacité de payer les prêts contractés », confie Tchaa Agniga, chef division agrométéorologie à l’Agence nationale de la météorologie (ANAMET) du Togo.

Dans de telles situations, des personnes perdent la vie, en particulier des femmes. Les sauver, c'est les porter, et cela a parfois un prix. Image de Jameswasswa via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).
Dans de telles situations, des personnes perdent la vie, en particulier des femmes. Les sauver, c’est les porter, et cela a parfois un prix. Image de Jameswasswa via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).

Dans d’autres localités, notamment sur le plateau de Danyi, au sud-ouest du pays, les producteurs agricoles ont été contraints de développer de nouvelles approches pour répondre au tarissement des nappes d’eau et à la variabilité de la distribution des pluies vécues.

« Les précipitations de ces dernières années varient considérablement, et l’année passée nous l’avons encore vécu. En réponse, nous avons réalisé des barrages et construit des mini-forages pour irriguer nos champs. Mais un défi de gestion rationnelle se pose, car j’ai remarqué un tarissement des cours d’eau et, à certaines périodes, une diminution de la quantité d’eau pompée par les mini-forages. Cela invite à une réflexion pour l’avenir », souligne Togbui Michel Kossi Tsévi, Liguidi 1er, chef du village de Danyi Atigba-Tonota et président de l’association Apiculture environnement et humanité (AEH).

D’autres producteurs du pays ont opté pour l’assurance agricole indicielle. « Face à la variabilité climatique, nous offrons un service d’assurance dénommé Farmcover. Nous couvrons les deux principaux risques climatiques, à savoir la sécheresse et l’excès de pluie. L’année 2024 a été exceptionnelle, marquée par des sécheresses sur l’ensemble du territoire. Au cours de cette année, nous avons versé plus de 40 millions francs CFA d’indemnités aux producteurs souscripteurs, soit plus de trois fois le montant total des montants des souscriptions de l’année. Cela illustre bien le rôle essentiel de l’assurance, qui peut réellement aider à compenser ou atténuer les pertes considérables que subissent les agriculteurs à l’échelle régionale », a dit David Akwei, Directeur de Lorica Assurances basé à Lomé au Togo.

Au-delà, le Togo œuvre aussi à garantir l’accès de la population à l’eau potable à travers, entre autres, le Programme national de développement de l’Eau (PND-Eau), le Projet d’amélioration de la sécurité hydrique en milieu urbain, ainsi que le Projet de renforcement de l’hydraulique villageoise (PRHYVI), visant à doter les communautés rurales d’infrastructures hydrauliques modernes, durables et adaptées aux défis énergétiques et climatiques.

Élever la voix à Belém en faveur de l’eau au-delà des actions

Publié à quelques semaines de la COP 30, ce rapport pourrait, selon Dr Mishra, constituer un document de référence pour permettre aux pays africains de porter l’eau comme thème transversal des négociations.

« L’Afrique pourrait donc porter haut l’eau comme thème transversal des négociations. Cela veut dire : discuter ouvertement de la coopération transfrontalière, promouvoir le partage de données et utiliser l’eau comme un outil de paix plutôt que de conflit », a dit Dr Mishra.

Elle indique également qu’il faut mettre un ensemble d’actions conjuguées avec des systèmes d’alerte précoce efficaces, dont un volet clé doit être la modélisation hydrologique, le suivi et de meilleures prévisions.

Sécheresse au Parc national de Mapungubwe, Limpopo, Afrique du Sud. Image de Bernard DUPONT via Wikimédia Commons (CC BY-SA 2.0).
Sécheresse au Parc national de Mapungubwe, Limpopo, Afrique du Sud. Image de Bernard DUPONT via Wikimédia Commons (CC BY-SA 2.0).

Ces éléments devraient être au cœur de l’action climatique, vu le nombre d’inondations et de sécheresses survenues rien que l’année dernière.

Dans leurs recommandations, les auteurs soulignent la nécessité cruciale d’améliorer la surveillance et le partage des données.

« Il est essentiel de continuer à investir et de renforcer la collaboration en matière de partage des données, afin de combler les lacunes en matière de surveillance. Sans données, nous risquons d’avancer à l’aveuglette », a déclaré Celeste Saulo.

D’après Dr Mishra, « mettre en place des dispositifs de partage de données est crucial et devrait faire partie des engagements de la COP30. Cela aiderait non seulement l’Afrique mais aussi d’autres régions à mieux prédire et se préparer ».

Tsèvi, il est nécessaire de faire un état des lieux des ressources en eau et de promouvoir une gestion intégrée globale, afin de garantir la disponibilité, notamment pour les petits producteurs.

Dr Nazif Zimari, spécialiste en gestion intégrée des ressources en eau à l’ONG GRET, contacté par Mongabay, appelle aussi à une gestion intégrée des ressources en eau. « La multiplication des événements climatiques extrêmes démontre les limites des réponses ponctuelles. Il est urgent que les pays africains, y compris le Togo, s’orientent vers une gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), qui combine la planification locale et la coopération transfrontalière, l’usage de données fiables et le financement durable. Sans une approche concertée qui relie les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de l’eau potable et de l’environnement, les efforts resteront fragmentés et l’eau continuera d’être un facteur de vulnérabilité au lieu d’être un levier de résilience », explique Dr Zimari.

Image de barrière : Pousser des voitures dans l’érosion à Ikeja, dans l’État de Lagos, au Nigéria. Image de Tunesh247 via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).

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