Nouvelles de l'environnement

Changement climatique : Ces solutions d’adaptation que des communautés du Bénin appliquent

  • Vivant dans les régions côtières, la communauté des Xwla à Sèmè-Kpodji, dont la région d’origine est Grand-Popo, tout comme d’autres communautés du Bénin, subit les effets du changement climatique.
  • Loin de croiser les bras face aux aléas climatiques, les populations de Dangbo, comme les Xwla de Sèmè-Kpodji, emploient des stratégies d’adaptation individuelles et collectives, notamment le transfert des biens vers des endroits sûrs en cas de crues, le renforcement des murs par des digues de sable et des troncs d’arbres, ainsi que la diversification des moyens de subsistance, à travers la culture de produits agricoles résistant au climat comme le niébé.
  • Comme les chercheurs l’ont relevé lors du 38ème colloque de l’Association internationale de climatologie, organisé à Cotonou au Bénin, en juillet 2025, les populations font aussi attention à des signes annonciateurs locaux, ainsi qu’aux facteurs endogènes de gestion des inondations, notamment le vol en colonie des oiseaux de façon répétée sur le fleuve, le cri des crapauds, la sortie des fourmis magnans...

En plus d’être une ville de transition, entre Cotonou et Porto-Novo avec un réseau hydrographique dense (océan Atlantique, lagune de Porto-Novo, fleuve Ouémé et lac Nokoué), la commune de Sèmè-Kpodji, au sud-est du Bénin, donne des envies de séjour pour tout visiteur. Le climat est du type soudano-guinéen et les précipitations annuelles sont importantes, avec une moyenne d’environ 1100 mm. Ce qui fait de cette localité l’une des zones les plus arrosées du pays.

L’agriculture y est propice et la pêche florissante, un choix qui a certainement compté dans l’installation des Xwla dans cette région. D’ailleurs, Séidou Wahidi, agro-climatologue à l’université d’Abomey-Calavi au Bénin, explique que ses éléments sont déterminants pour l’installation d’un peuple à un endroit aussi spécifique.

Un choix, aujourd’hui contrecarré par les effets des changements climatiques. Les ressentis des Xwla, partagés à une équipe de chercheurs de l’université d’Abomey-Calavi, sont indiscutables et montrent clairement l’ampleur des effets du phénomène. Ce qui a changé dans leur environnement est considérable : rareté des pluies sur fond de glissement des saisons, modification du calendrier agricole, hausse de la température, vents violents, inondations et  poches de sècheresse.

Tels sont aujourd’hui les phénomènes dus au changement climatique qui influent sur les activités agricoles des populations Xwla dans la région de Sèmè-Kpodji. Selon Akibou Akindélé, enseignant-chercheur à l’université d’Abomey-Calavi, ces ressentis des Xwla sont avérés. « Ce sont des faits réels, explique Akibou Akindélé, qui sont « du vécu, du quotidien et des expériences capitalisées par les populations, sensibles à toute situation qui les contrarie ».

D’ailleurs, il est de plus en plus avéré que les changements climatiques ne laissent personne indifférent, parce qu’ils touchent, non seulement les populations, mais ils ont également des répercussions sur leur milieu de vie.

Récolte de tomates affectées par l’inondation. Image de Didier Hubert Madafimè pour Mongabay.

Dangbo et les effets des crues

Les populations de Dangbo connaissent les inondations et les risques y afférents. «  Nous nous remettons,  à chaque crue, entre les mains de Dieu », confie Jacques Oussa, un natif de Dangbo. La cinquantaine, ce dernier a traversé presque toutes les crues. La première chose à laquelle pensent certains, explique Oussa, c’est de quitter le milieu inondé pour se réfugier sur la terre ferme en hauteur ; d’autres, par contre, prennent l’option de rester, de ne pas bouger.

Le 38ème colloque de l’Association internationale de climatologie, tenu à Cotonou au Bénin, du 8 au 10 juillet 2025, a eu donc le mérite de mettre en évidence la particularité de la commune de Dangbo, en matière de vulnérabilité aux changements climatiques.

L’étude présentée au cours de cette rencontre montre que, chaque année, la communauté de Dangbo, située au sud-est du pays, est la plus touchée dans la vallée de l’Ouémé (la deuxième plus grande vallée en Afrique après celle du Nil en Egypte), contrairement aux autres communes. La raison, selon Maurille Dansou Sègla, doctorant en gestion de l’environnement à l’université d’Abomey-calavi, a trait à sa géologie et à sa géographie.

Le chercheur démontre la gravité de la situation de la commune de Dangbo par cette formule : « Chaque année, les populations transforment leur table en lit, malgré tous les efforts en termes de stratégies pour réduire les impacts des inondations dans ce milieu. Pour réduire ensuite leur dépendance vis-à-vis de la production agricole et faire face aux pertes potentielles, elles font le choix de changer d’activité ».

La pêche, l’élevage et le ramassage des escargots, selon Gabriel Dègbo, un autre natif de Dangbo, remplacent les activités agricoles durant les trois mois de crues.

Les autres années, relève Dègbo, ce sont les réserves issues des différentes cultures qui permettent aux populations de subvenir à leurs besoins. « Ça risque d’être difficile cette année, surtout que, cette fois-ci, la récolte n’est pas intéressante », dit-il.

A l’origine, Sègla pointe du doigt le débordement du fleuve Ouémé, les fortes pluies et l’occupation du sol, toute chose qui affecte, non seulement les populations, mais aussi leurs moyens de subsistance. Et, comme les populations de Dangbo, les conséquences des effets des changements climatiques sur les communautés Xwla de Sèmè-Kpodji sont presque identiques. Il s’agit des pertes de récoltes et des biens lorsque survient l’inondation, de la diminution du rendement agricole en cas de poche de sècheresse et, parfois, des pertes en vies humaines.

L’adaptation : une stratégie de survie

Pour faire face aux effets des changements climatiques, les populations de Dangbo, comme les Xwla de Sèmè-Kpodji, utilisent des stratégies d’adaptation individuelles et collectives. Par exemple, le déplacement des biens vers des endroits sûrs en cas de crues, le renforcement des murs par des digues de sable et des troncs d’arbres.

Diverses dispositions d’adaptation sont aussi mises en œuvre, telles que la diversification des moyens de subsistance. En plus du maïs et du manioc, les Xwla, principalement, cultivent le niébé. De l’avis de Nicolas Oussou, membre de la communauté Xwla de Sèmè-Kpodji, ces variétés sont moins sensibles aux aléas climatiques.

Elles expérimentent également l’agroforesterie et l’utilisation du fumier, réduisant ainsi leur dépendance aux intrants chimiques. Un semi continu de semences est pratiqué dès le début des premières pluies jusqu’à la fin de la saison.

La commune de Dangbo au sud-est du Bénin est déjà sous l’eau. Comme chaque année, les équipes de la Croix Rouge béninoise se mobilisent pour aider les populations pendant les crues. Image de Didier Hubert Madafimè pour Mongabay.

Cette mesure vise à maximiser les chances de récolter des cultures tolérantes aux inondations. Il s’agit des variétés végétales capables de survivre et de prospérer dans des conditions, où le sol est submergé par l’eau pendant des périodes prolongées, notamment le riz, le sorgho, des variétés de légumes et de légumineuses bénéficiant des pluies. Ce qui constitue une exception au calendrier agricole standard. Un riz amélioré (NERICA-L19 et NERICA-L56) a été développé par l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (INRAB), nécessitant moins d’eau que les variétés traditionnelles.

D’une région à une autre, les populations font aussi attention à des signes annonciateurs locaux, ainsi qu’aux facteurs endogènes de gestion des inondations. Ils ont trait notamment à des observations, comme par exemple, le vol en colonie des oiseaux de façon répétée sur le fleuve, le cri des crapauds, la sortie des fourmis magnans, la montée des escargots sur les arbres, la montée des rats sur des supports en hauteur, l’apparition de l’arc-en-ciel, l’éclosion des œufs des crapauds, les piqûres récurrentes des moucherons et le tarissement considérable du fleuve.

Dès que l’un de ces phénomènes est observé et renouvelé, il faut lever le camp, explique Sègla, parce qu’ils annoncent une saison d’inondations intenses, confient les populations.

Selon les informations recueillies à Sèmè-Kpodji, les autorités de la commune s’activent dès l’apparition de chaque sinistre. La commune, avec l’appui du Programme d’adaptation des villes aux changements climatiques (PAVICC), met en œuvre des actions pour renforcer la résilience de ses populations et de son environnement.

Dans le cadre de la détermination des niveaux d’alerte, un système de prévision et d’alerte est mis en place ; ce qui permet d’informer à temps les populations, à travers les différents canaux d’informations en place dans la région.

Des activités de pompage d’eau dans les maisons inondées sont organisées, le déplacement des populations vers des lieux aménagés à cet effet, l’évacuation des eaux de pluies en vue de réduire les inondations et la matérialisation des murs, des arbres et d’autres infrastructures sociales et communautaires de référence construites en fonction du niveau atteint par les inondations des années antérieures. Elle permet de suivre l’évolution des inondations, année après année.

Des appels sont lancés aux organisations locales, nationales et internationales, pour solliciter leur aide, dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie des populations.

Dans un contexte où tout repose sur les réformes relatives à la gestion communale, il est difficile pour les autorités de faire face efficacement à la gestion des inondations dans les unités administratives. « Aucun sou n’est dépensé s’il n’était pas prévu auparavant », dit un membre du Conseil communal de Dangbo, qui a préféré garder l’anonymat.

Image de bannière : La commune de Dangbo au sud-est du Bénin est déjà sous l’eau. Comme chaque année, les équipes de la Croix Rouge béninoise se mobilisent pour aider les populations pendant les crues. Image de Didier Hubert Madafimè pour Mongabay.

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