- Cet outil apparaît comme une solution pour renforcer la transparence et se conformer aux textes régissant la filière forêt-bois en RDC.
- La RDC abrite environ 60 % des forêts tropicales du bassin du Congo, considérée comme la deuxième plus grande forêt tropicale au monde.
- Cet outil permet de filtrer la liste des concessions forestières existantes en fonction de leur type d’activité et sur la base de leur statut juridique.
- Les concessions forestières en RDC sont exclusivement destinées à la production du bois d’œuvre.
Un outil numérique, le premier du genre, lancé le 10 juillet 2025, en République démocratique du Congo (RDC), contribue désormais à l’élimination de la corruption et des pratiques illégales dans le secteur des forêts à travers une bonne gestion du couvert végétal.
Dénommée « Portail de conformité des concessions forestières », cette application en ligne est le fruit de la collaboration avec l’organisation non-gouvernementale « Actions pour la Promotion et la Protection des Peuples et Espèces Menacés (APEM) » et Rainforest Foundation UK (RFUK) et le Réseau Engagement Environnement et Droits Humains (R-EDH), basé en République démocratique du Congo (RDC).
Les initiateurs de cette plateforme électronique affirment que cette base de données sur les concessions forestières en exploitation comme en conservation, représente une solution pour renforcer la transparence et la conformité aux textes régissant le secteur de la foresterie dans ce pays d’Afrique centrale.
Le portail a été conçu à partie d’une analyse approfondie des documents officiels, des études de terrain et des témoignages sur les concessions forestières.
L’examen juridique, désormais disponible sur le nouveau portail, a porté sur 82 concessions gérées par 29 entreprises et a révélé de nombreuses violations du Code forestier de la RDC et d’autres exigences légales. Des données recueillies montrent qu’il s’agit notamment du non-respect d’obligations fiscales, juridiques et sociales fondamentales, telles que le paiement des taxes et l’octroi d’avantages aux communautés locales.
Les concepteurs cet outil affirment que l’objectif visé est de garantir une transparence et une plus grande accessibilité des informations relatives à l’exploitation forestière industrielle en RDC. La RDC abrite environ 60 % des forêts tropicales du bassin du Congo, considérée comme la deuxième plus grande forêt tropicale au monde.
« En centralisant les données, les entreprises et les particuliers peuvent mieux contrôler l’accès et surveiller l’utilisation des informations sensibles », affirme Vittoria Moretti, responsable de la campagne forestière de RFUK pour le bassin du Congo, basée à Kinshasa.
À travers cet outil développé en collaboration le ministère de l’Environnement et du développement durable de la RDC, les données permettent également d’évaluer la légalité de toutes les concessions d’exploitation forestière et de conservation couvrant plus de 14 millions d’hectares.
« Son interface intuitive et sa gamme complète de techniques statistiques sur les données agrégées et désagrégées en font l’un des logiciels préférés des acteurs de la filière forestière », confie Moretti à Mongabay.

Innovation dans la gouvernance forestière
À l’heure où la pression sur les forêts tropicales s’accroît, la RDC, deuxième plus grande forêt du monde, ne peut se permettre des exploitations illégales. « Cet outil va aider les acteurs de filière à faire des suivis dans la gouvernance forestière, car il intègre des données vitales provenant des dispositifs et systèmes d’information sur les concessions forestières dans le pays », dit Julien Iwewe, responsable de l’ONG APEM (Actions pour la promotion et la protection des peuples et espèces menacées).
Selon lui, il existe un cadre législatif fournissant les directives et les règles nécessaires régissant le secteur forestier en RDC à respecter impérativement par tous les concessionnaires. « Nous voulons démocratiser l’accès aux données dans un secteur souvent fragmenté », dit-il à Mongabay.
Les données du ministère en charge de l’Environnement montrent que les énormes massifs forestiers de ce pays étaient jusqu’ici gérés sur la base du décret du 19 avril 1949, dont le contenu était devenu totalement inadapté aux évolutions des concepts et des techniques modernes de conservation et de gestion durable des forêts.
Par ailleurs, les concessions forestières du pays sont pour le moment exclusivement destinées à la production du bois d’œuvre.
Le gouvernement congolais préconise que ces massifs forestiers peuvent être voués à des usages renvoyant à la valorisation des forêts, à travers l’exploitation non extractive des ressources, telle que la rémunération des services environnementaux fournis par les forêts, la conservation, les activités cynégétiques, le tourisme ou la bio-prospection.
« Contrairement au système archaïque, cet outil innovant permet de filtrer la liste des concessions forestières existantes en fonction de leur type d’activité, et sur base de leur statut juridique ; permettant ainsi une analyse personnalisée des données », explique Moretti, responsable de Rainforest Foundation UK.
Toutefois, elle reconnait que l’accessibilité de l’outil constitue le principal défi compte tenu qu’il exige une connexion internet, ce qui pourrait rendre son utilisation difficile dans les zones à connectivité limitée. « Nous prévoyons d’améliorer certaines de ses fonctionnalités lors des prochaines mises à jour, notamment pour permettre l’accès hors ligne », dit-elle.
En vue de pérenniser ces efforts, les acteurs de la filière forestière ont initié des campagnes de sensibilisation, pour mieux s’assurer que les organisations paysannes et les membres de la communauté locale puissent bénéficier de cet outil.
D’après les initiateurs de cette plateforme, la responsabilisation des exploitants forestiers et des autorités administratives locales, pour leur participation au processus de gouvernance forestière, reste un élément clé pour pérenniser ces efforts.

Combattre l’exploitation illégale des forêts tropicales
Les activistes de la conservation forestière en RDC restent convaincues que cet outil facilitera le partage d’informations pertinentes entre les différents acteurs dans ce secteur, tant au niveau national que provincial et local.
« Le secteur forestier reste extrêmement vulnérable face aux problèmes de mauvaise gouvernance, car les autorités peinent souvent à faire appliquer les lois », affirme Moretti, pour qui les pratiques illégales dans la filière du bois, sont monnaies courantes et la corruption reste endémique.
Rainforest Foundation UK appelle, par conséquent, le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux, à prolonger indéfiniment le moratoire national sur l’exploitation forestière, à la suite d’un rapport officiel accablant, mettant à nu l’anarchie et l’impunité qui règnent dans l’industrie du bois.
En mai 2002, pour répondre à ce qui risquait de devenir un pillage généralisé, un moratoire sur les concessions d’exploitations forestières a été promulgué pour la première fois en RDC.
Vingt ans plus tard, en 2021, le gouvernement annonçait son intention de lever ce moratoire, déclenchant d’intenses débats publics autour de l’avenir de la seconde plus grande forêt tropicale du monde.
Pour le maintien du moratoire sur l’exploitation forestière
Dans la prochaine phase d’exécution, les initiateurs de l’outil envisagent de mettre en place une vaste liaison avec d’autres outils existants et d’intégrer des systèmes d’alerte en temps réel au niveau communautaire, pour soutenir des actions de plaidoyer ciblées.
Les acteurs de la conservation affirment que cette innovation peut favoriser une participation plus éclairée à la bonne gestion forestière et une plus grande responsabilisation du secteur privé et des institutions publiques en RDC.
« À travers la centralisation des données et en les rendant plus accessibles, cet outil va garantir à terme le maintien du moratoire sur l’exploitation forestière jusqu’à ce que toutes les conditions du décret présidentiel de 2005 soient réunies », affirme Moretti.
Toutefois, Gabriel Mola Motya, Président de la Fédération des industriels du bois (FIB), en RDC, affirme que l’abondance de ressources forestières permet actuellement à ce pays de produire davantage de bois sans endommager les écosystèmes.
Selon lui, la RDC est à la traîne par rapport aux autres pays du bassin du Congo et est injustement pénalisée, notamment à cause du moratoire en question.

Le pays, selon les statistiques, compte environ 150 millions d’hectares, dont environ 10 % sont sur des concessions d’industries extractives.
« Cette innovation pourrait être plus utile dans la mesure où elle offre des avantages pour assurer la traçabilité des bois et la légalité de leur exploitation », dit-il à Mongabay.
Certes, Moretti affirme que l’outil est destiné pour une utilisation par les acteurs de la société civile et les responsables administratifs locaux.
Dans la province de Kwilu, situé à l’ouest de la RDC, Faja Lobi, une ONG travaille actuellement en étroite collaboration avec les autorités administratives locales, dans le reboisement en vue de booster la filière bois, restaurer les forêts dégradées et protéger l’environnement.
« Cet outil peut appuyer ces efforts de reforestation qui peuvent être combinés avec l’utilisation de la récolte de bois pour des produits durables », dit-il.
Une étude menée en janvier 2024, par une équipe de chercheurs du Centre de recherche forestière internationale et du Centre International de Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF), a montré que le fait qu’un nombre significatif de concessions en RDC ne seraient pas en activité, et que la production de celles en activité demeure en général faible, l’octroi de titres aux exploitants forestiers industriels n’a aucun effet sur la déforestation.
D’après l’étude, « l’octroi de titres sans contreparties environnementales strictes n’a que peu d’effets sur la déforestation et la dégradation forestière ».
Toutefois, Iwewe, responsable de l’ONG APEM, affirme que cette plateforme numérique reste indispensable pour évaluer la conformité légale des activités forestières dans le pays.
Image de bannière : Coupe d’arbre près d’Imbolo, en RDC. Image d’Axel Fassio / Cifor via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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