- Depuis des décennies, l’Arc cuprifère Katangais fait face à un problème de pollution des sols par des métaux lourds, en raison de l'exploitation minière. Cette pollution rend les sols improductifs et transforme d’autres zones quasiment en déserts, comme à Kipushi.
- Dans ce contexte, les chercheurs recommandent la technique de la phytostabilisation, qui consiste à planter sur les sols contaminés des végétaux capables d’immobiliser les métaux dans le sol et empêcher la dispersion des polluants.
- Les experts considèrent cette méthode comme une alternative écologique prometteuse pour lutter contre la pollution et la dégradation des terres.
- En parallèle, sur des terres moyennement contaminées, les agriculteurs locaux pratiquent la remédiation, afin de réduire la toxicité des métaux lourds et d’améliorer la fertilité du sol.
Au sud-est de la République Démocratique du Congo, la ville de Lubumbashi se situe au cœur de l’Arc cuprifère katangais (ACK), une région riche en cuivre et en cobalt. Si cette richesse minière contribue au développement économique, elle a également engendré une importante pollution des sols, de l’eau et de l’air par des métaux lourds. De nombreuses études ont documenté les impacts de cette pollution, comme l’a notamment montré cette enquête de Mongabay.
Dans ce contexte préoccupant, des chercheurs expérimentent la phytostabilisation; une technique de la phytoremediation qui consiste à couvrir les sols pollués en utilisant les plantes et les amendements organo-calcaires, afin de réduire ou de limiter la dispersion des polluants vers d’autres compartiments de l’environnement, notamment l’eau, l’air et les sols agricoles. « Les plantes installées sur les sols contaminés en métaux lourds réduisent en premier lieu les érosions hydrique et éolienne, ensuite elles stabilisent les sols par leur système racinaire et enfin elles immobilisent les polluants », explique à Mongbay, le professeur ordinaire, Michel Mpundu Mubemba, de la Faculté des sciences agronomiques de l’université de Lubumbashi en RDC, spécialiste en aménagement des paysages et gestion des écosystèmes.
La phytostabilisation : une solution locale face à la pollution des sols au Katanga
Plusieurs études scientifiques, menées dans la région du Katanga démontrent l’efficacité de la technique de la phytostabilisation. La plus récente date d’avril 2025 est une recherche doctorale avec comme champ d’expérimentation, le site situé au quartier Gécamines dans la commune de Lubumbashi, précisément dans l’enceinte de l’hôpital Gécamines Sud.

Selon Dr Serge Langunu, auteur de l’étude, l’objectif principale était d’évaluer, sur le moyen et le long terme, l’impact de diverses techniques de phytoremédiation dans l’Arc cuprifère Katangais, en mettant l’accent sur la capacité des plantes à stabiliser les métaux et à limiter leur dispersion dans l’environnement.
Les analyses révèlent l’ampleur de la pollution : des concentrations très élevées en arsenic, cadmium, cobalt, cuivre, manganèse, plomb et zinc, avec des degrés de contamination atteignant des niveaux alarmants.
« Des essais de revégétalisation ont montré que la plantation d’arbres fruitiers tels que le manguier Mangifera indica) et le prunier de Guinée (Syzygium guineense) permet de réduire partiellement les risques écologiques dans la rhizosphère, cette zone du sol influencée par les racines. Les résultats ont prouvé l’efficacité de cette technique, parce que les plantes ont poussé, et ont contenu les métaux. Et, nous avons réussi à mettre en place ces arbres qui, aujourd’hui, poussent sur ce sol pollué », confie-t-il à Mongabay .
Cette couverture végétale est visible. Lors de notre descente sur le terrain, nous avons constaté qu’il s’agit d’une zone boisée en pleine croissance avec une végétation plus développée sur un sol qui a premier vu parait semi-aride. La hauteur des arbres semble atteindre environ 4 à 6 mètres. La couverture végétale est composée des différentes espèces aux feuillages verts. Son expérience totalise cinq ans.
Sur ce site, il a été également observé la litière. Selon Dr Lungunu, ces débris organiques (feuilles mortes, écorces) jouent un rôle essentiel dans le cycle des nutriments, la protection du sol contre l’érosion, la rétention d’humidité et le développement de la microfaune.
En effet, ce chercheur a mis en évidence la réussite du Microchloa cupricola, une graminée locale capable de couvrir totalement les sols pollués et de limiter la mobilité des métaux toxiques.
D’autres essais ont révélé que plusieurs espèces ligneuses, telles que l’acacia (Acacia auriculiformis), l’arbre à soie (Albizia lebbeck), ou encore le flamboyant (Delonix regia), s’adaptent remarquablement aux conditions difficiles des sols pollués, renforçant ainsi la biodiversité et apportant une couverture végétale durable.

La phyto-stabilisation, parmi les techniques sur un site à Kipushi
En parallèle, une autre initiative lancée en décembre 2023, à Kipushi, territoire situé à 30 km de Lubumbashi, sous la conduite de Joëlle Kilela Mwamba, chercheuse à la Faculté des sciences agronomiques de l’université de Lubumbashi, s’inscrit également dans une démarche de la phytostabilisation.
Sur le site, visiblement très pollué et presque désert, les premières observations révèlent une croissance de quelques espèces végétales. Le sol est sablonneux, poussiéreux, sec, quasi-aride. Il s’agit d’un ancien parc à rejet miniers, où le sol est pollué par les métaux lourds.
Avant d’y mener l’étude, des analyses faites en Belgique sur ce site, ont confirmé des concentrations élevées en cuivre, cobalt et zinc. « Les résultats ont montré des teneurs extrêmement élevées en cuivre, cobalt et zinc. Au lieu de 200 mg/kg, nous étions dans les 20000, 50000 mg/kg. Il s’agit d’une pollution à haut niveau », dit Kilela.
« Pour référence, un sol normal contient en moyenne 200 mg/kg de cuivre, 40 mg/kg de cobalt, 300 mg/kg de zinc, 100 mg/kg de plomb, 3 mg/kg de cadmium et 90 mg/kg de nickel », explique, à Mongabay, le professeur Jacques Kilela Mwanasomwe, expert en restauration écologique des sites miniers et enseignant à la Faculté des sciences agronomiques de l’université de Lubumbashi.
Pour sa recherche, Kilela a sélectionné huit espèces ligneuses : Albizia lebbeck ou le bois noir des Bas, Acacia auriculiformis, Acacia polyacantha, flamboyant (Delonix regia), Dichrostachys cinerea, le faux mimosa (Leucaena leucocephala), goyavier (Psidium guajava) et avocatier (Persea americana).
Elle affirme que leur capacité d’adaptation est une preuve qu’il est possible de restaurer des sols contaminés tout en créant des espaces verts.
Pour Jean-Louis Morel, professeur à l’École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires (ENSAIA), la phytostabilisation est le premier effet observé dès lors qu’une surface est cultivée. Elle est ainsi protégée contre des phénomènes de dégradation comme l’érosion, ce qui limite le transport de particules chargées en polluants par l’eau et le vent.
Le professeur Michel Mpundu soutient cette approche, contrairement aux techniques d’excavation (décaper l’épaisseur des couches polluées pour les enfouir ailleurs), de dépollution chimique (recourir à l’extraction des polluants à l’aide des produits chimiques), de phytoextration (dépolluer avec les plantes accumulatrices), parce que la phytostabilisation est indiquée dans le contexte de l’Arc cuprifère Katangais, en raison du niveau très élevé de contamination des sols pollués par les métaux lourds, mais aussi à cause des superficies très importantes contaminées.
La phytostabilisation a l’avantage d’être peu coûteuse, facile d’entretien, mais elle demande l’utilisation d’espèces tolérantes aux métaux présents dans le sol, affirme une autre étude de 2015, publiée par l’université de Liège.
Si « cette technique ne pourra jamais enlever les contaminants ou les métaux lourds dans le sol », selon le professeur Jacques Kilela, il signale les risques d’intoxication animale et humaine liées à la consommation de plantes ou de fruits venant de sols contaminés.
Des techniques locales pour soigner les sols pollués
À Lubumbashi, malgré la pollution liée aux activités minières, certains habitants parviennent à cultiver, sur des terres moyennement contaminées, grâce à certaines pratiques de remédiation. C’est le cas au quartier Kabetsha, dans la commune de Kampemba, où les maraîchères adaptent des techniques pour rendre les sols cultivables.
Rencontrée dans la matinée, en plein arrosage de son champ constitué des différents légumes, Pamela Ngoie, agricultrice vêtue d’un t-shirt bleu, pantalon noir et un chapeau beige sur la tête pour se protéger du soleil, munie de gants bleus, tenant dans ses mains un seau noir nous explique sa méthode : « Nous brûlons des feuilles sèches sur les billons. La chaleur et la cendre enrichissent le sol. Ensuite, on ajoute du fumier de poule et d’autres déchets organiques avant de semer. On utilise aussi des engrais minéraux », dit-elle à Mongabay.

Dans son champ bien entretenu, verdoyant, cultivé en ligne, certaines plantes jaunissent. Pour elle, c’est le signe que certaines zones du sol n’ont pas reçu assez de matières organiques.
Une observation que confirme le professeur Jacques Kilela : « Un sol contaminé ne peut produire sans amendement. Il faut des apports réguliers en matières organiques. Ce que ces femmes font, c’est de l’amendement avec la matière organique, qui a pour rôle de diminuer la toxicité des métaux lourds (contaminants) et augmenter la fertilité du sol. C’est ce qui est appelé phytostabilisation aidée par des amendements ».
En juillet 2017, cette technique a permis à des chercheurs de l’université de Lubumbashi d’évaluer le comportement de deux variétés d’aubergines et de carottes plantées sur différents sols contaminés en métaux lourds à Penga Penga et à Kipushi dans la région de Lubumbashi.
Les résultats ont révélé que les sols des jardins potagers de la ville de Lubumbashi, ainsi que les biomasses de carotte installées sur ces sols, ont présenté des concentrations très élevées par rapport à la norme établie, contrairement aux biomasses d’aubergines n’ayant pas présenté de risques de contamination.
Mais, cultiver sur des sols fortement pollués reste un défi. Pour Dr Serge D. Zon, spécialiste en écologie du sol à l’université Nangui Abrogoua, en Côte d’Ivoire, il faut d’abord restaurer la structure du sol par le reboisement, enrichir progressivement sa qualité, puis envisager une agriculture de consommation une fois les métaux neutralisés.
Le professeur Kilela Mwanasomwe semble être sceptique pour éviter la contamination de la chaine alimentaire pour les consommateurs : « Sur les zones les plus contaminées, l’agriculture alimentaire n’est plus une option. Ces espaces doivent être dédiés à la restauration écologique ».
La réhabilitation des sols pollués exige donc une approche globale. Le professeur Mpundu appelle à une coordination entre les acteurs : chercheurs, communautés locales, autorités. Une vision partagée par Dr Zon : « Face à l’ampleur du problème, il faut une réponse collective, ancrée dans les réalités locales. Sensibiliser et impliquer toutes les parties prenantes est essentiel ».
Image de bannière : Quelques espèces en pleine croissance, choisies pour leur capacité à phytostabiliser les sols pollués par des métaux lourds, sur un site situé dans le territoire de Kipushi en RDC. Image de Ruth Kutemba pour Mongabay.
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