Nouvelles de l'environnement

Au Cameroun, des restaurateurs éliminent la viande de pangolin de leur menu

  • La campagne « Pas de Pangolin dans Mon Assiette », initiée par WildAid Africa, vise à protéger les pangolins au Cameroun, en éliminant leur viande des menus.
  • Elle a pour objectifs de réduire la demande urbaine en viande de pangolin, et de sensibiliser les restaurateurs et les consommateurs sur l’importance de préserver les pangolins.
  • D’après les statistiques de l’organisation, parmi les 591 restaurants visités dans cinq villes (Yaoundé, Douala, Bertoua, Ebolowa et Mbalmayo), 237 restaurants servaient de la viande de pangolin. Sur ce nombre, 97 restaurants se sont tous engagés à ne plus en servir.

Ce vendredi 4 juillet à 13 heures, ce n’est pas encore la grande affluence au restaurant « Chez Minette », situé au quartier Kpokolota à Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est du Cameroun.

L’enseigne est l’une des plus courues de la ville, pour les amateurs de viande de brousse. Au menu du jour, de la viande de porc-épic et du poisson d’eau douce.

Ici, la viande de pangolin comme celle d’autres animaux protégés n’est pas disponible. « Je suis restauratrice depuis une trentaine d’années. Ma spécialité, c’est le poisson d’eau douce et la viande de brousse. Mais, il y a les espèces qui sont protégées, que je ne mets jamais dans la restauration : le pangolin, le serpent boa, le gorille, l’éléphant, le chimpanzé…Ce que je prépare ici, c’est le hérisson, le porc-épic. Les autres espèces, on m’a dit de ne pas m’y risquer. Lorsque les clients en demandent, je leur réponds que je n’en vends pas, parce que c’est interdit. Les amendes sont trop élevées. Je ne veux pas avoir de problèmes pour une viande. Je leur fais comprendre que même eux, si on les arrête avec, ils risquent la prison », déclare sur les lieux, à Mongabay, Minette Sategue, Directrice du restaurant.

Au Cameroun, la loi interdit la commercialisation du pangolin. « Notre établissement promeut la gastronomie et la convivialité africaines. Nous vendons l’image du pays à l’extérieur. Ce qui fait qu’il y a une éthique et une volonté de préserver l’image de l’Afrique. Nous avons des couverts en bois et des espaces verts dans le restaurant. À côté de ça, le fait de ne pas mettre de viande de brousse dans nos menus fait partie de cette volonté de préserver la biodiversité, qui fait la richesse de la région. Mettre ça à nos menus, c’est participer à un écoulement massif de ces denrées (…) » dit, à Mongabay, Hermine Banda, Directrice d’un autre restaurant très fréquenté toujours à Bertoua.

Elle ajoute: « Nous avons eu l’occasion de voir le pangolin lorsque des vendeurs venaient nous en proposer. C’est un animal inoffensif. Il se replie pour se protéger lorsqu’il est face à l’adversité. C’est intéressant de voir qu’il y a une mobilisation pour la protection de ce genre d’espèce ».

Les pangolins, à l’image de ce pangolin chinois dans le Guangdong, sont considérés comme les mammifères sauvages les plus victimes du trafic au monde, avec pas moins d'un million de pangolins braconnés dans la nature au cours de la dernière décennie. Image de Song Sun.
Les pangolins, à l’image de ce pangolin chinois dans le Guangdong, sont considérés comme les mammifères sauvages les plus victimes du trafic au monde, avec pas moins d’un million de pangolins braconnés dans la nature au cours de la dernière décennie. Image de Song Sun.

Pour protéger le pangolin et la biodiversité en général, le restaurant de Banda a adhéré à la campagne « Pas de pangolin dans mon assiette ». Celle-ci est mise en œuvre par WildAid Africa, qui lutte contre le commerce illégal d’espèces sauvages.

Grâce à ladite campagne, de nombreux restaurateurs ont décidé de retirer la viande de pangolin de leur carte. La campagne vise à réduire la demande urbaine, éduquer et sensibiliser les restaurateurs et leurs clients sur l’importance de préserver les pangolins.

Elle se focalise sur les villes de Yaoundé, Douala, Bertoua, Ebolowa et Mbalmayo. L’initiative engage les restaurateurs à exclure la viande de pangolin de leurs menus, tout en arborant un label qui symbolise leur engagement pour la biodiversité.

Ce label créé par WildAid Africa, pourrait, selon cette organisation, permettre aux restaurateurs de montrer leur engagement envers la conservation, attirant ainsi une clientèle soucieuse de l’environnement.

« Pour les consommateurs, les habitudes de consommation traditionnelles et culturelles autour de la viande de pangolin restent profondément ancrées dans certaines communautés, ce qui ralentit l’adhésion totale à cette campagne. Quant aux restaurateurs, certains restent hésitants, souvent parce qu’ils craignent de perdre des clients qui préfèrent cette viande ou parce qu’ils n’ont pas d’alternatives culinaires attrayantes. Cependant, depuis le début, 341 restaurants ont rejoint la campagne sur les 591 restaurants visités. Parmi les restaurants visités, 237 restaurants servaient de la viande de pangolin. Sur ce nombre, 97 ont déjà adhéré à la campagne, soit 41 % sur le total. Ces 97 restaurants se sont tous engagés à ne plus servir de viande de pangolin », dit à Mongabay au téléphone, Jennifer Biffot, Représentante de WildAid Africa pour l’Afrique francophone.

Affichage du label créé par WildAid Africa dans un restaurant de vente de viande de brousse à Bertoua au Cameroun. Image fournie par Steve Libam.
Affichage du label créé par WildAid Africa dans un restaurant de vente de viande de brousse à Bertoua au Cameroun. Image fournie par Steve Libam.

D’après Biffot, les retours des équipes de terrain indiquent que les restaurateurs, qui vendent du pangolin, l’exploitent soit par ignorance de la loi, soit par cupidité tout en connaissant la loi, soit parce qu’ils se croient au-dessus de la loi. Les deux premiers adhèrent par peur des représailles et des conséquences sur leur activité après les visites des volontaires de l’organisation et sont souvent rassurés par le suivi et le soutien apportés par la suite.

Mais, ceux qui se croient intouchables n’adhèrent pas. Pour certains néanmoins, c’est par manque d’information sur la campagne en cours. « Nous ne sommes pas au courant de la campagne (…). Nous ne vendons pas de la viande de brousse en général. Nous proposons aux clients d’autres aliments comme le poulet, les légumes, etc. », dit, à Mongabay, Viviane Ngouambe, gérante d’un autre restaurant prisé à Bertoua.

Par ailleurs, l’accès à certaines zones est difficile et certains établissements ne sont pas couverts. « Certains restaurateurs dépendent financièrement des ventes de viande de pangolin, ce qui rend la transition difficile, sans le soutien économique ou la promotion de produits de substitution. Mais avec le soutien de nos ambassadeurs, nous essayons de promouvoir les restaurants ayant adhéré au label et d’inviter le public à manger dans ces restaurants », précise Biffot.

Néanmoins, malgré les difficultés, le message passe auprès de certains consommateurs. « Le pangolin est une essence rare. Ce n’est pas donné à n’importe qui. Je n’en mange pas. Nous avons entendu récemment les sensibilisations dans les médias, où on demande de les protéger, car ils sont en voie de disparition. Nous devons suivre ces consignes », dit Eric Tsomo, un habitant de Bertoua. « Le pangolin est un animal que nous consommons depuis le temps de nos parents. Cependant, aujourd’hui, les messages autour de sa protection trouvent de plus en plus un écho auprès de nous », déclare de son côté, Claver Atangana, un autre habitant et consommateur.

Écailles de pangolin saisies brûlées au Cameroun. Image de Linh Nguyen Ngoc Bao via Wikimédia Commons (CC BY 2.0).
Écailles de pangolin saisies brûlées au Cameroun. Image de Linh Nguyen Ngoc Bao via Wikimédia Commons (CC BY 2.0).

En plus de sa chaire, le pangolin est une espèce braconnée pour ses écailles. Une étude publiée en 2024, dans The Journal of Wildlife and Biodiversity, indique que l’Afrique (42 %) et l’Asie (57 %) représentent des parts importantes des saisies d’écailles de pangolin effectuées dans le monde.

Aussi, les actions à mener pour protéger cet animal, au rôle écologique important pour la biodiversité, sont-elles à renforcer. « Les pangolins protègent la nature en mangeant les fourmis et les termites qui peuvent endommager les cultures et les arbres. Leurs fouilles ameublissent le sol, favorisant ainsi la croissance des plantes. Ces petits animaux préservent discrètement la santé et l’équilibre de l’écosystème », précise Phillip Muruthi, Vice-Président de la section conservation des espèces et science à l’ONG African Wildlife Foundation, une organisation dédiée à la conservation et à la protection de la nature en Afrique.

« Dans la suite de la stratégie de la campagne, nous allons impliquer d’autres personnalités comme les leaders d’opinion locaux, les chefs traditionnels et les personnes influentes au sein de la communauté. Nous travaillons également avec le ministère des Forêts et de la Faune, de même qu’avec les agents des forêts pour sensibiliser les restaurateurs et améliorer le contrôle et la lutte contre le braconnage. Il est prévu une descente de terrain avec eux pour rencontrer les restaurants n’ayant pas adhéré au label pour les informer de la campagne, et surtout leur faire un rappel de la loi », dit Biffot.

Si beaucoup reste à faire pour sortir la viande de pangolin des habitudes de consommation, elle se satisfait, malgré tout, des résultats encourageants engrangés. « De manière générale, nous avons été étonnés et ravis de la réaction positive, que nous avons reçue de la part de nombreux restaurateurs. Nombreux sont ceux qui réalisent que les pangolins représentent une part importante du patrimoine naturel et de la culture du Cameroun, et qui découvrent, pour la première fois, qu’ils sont en danger (…). Nos enquêtes montrent que la plupart des Camerounais pensent déjà qu’il est préférable de protéger les pangolins plutôt que de les manger, et nous pensons que ce nombre augmentera au fil du temps », conclut Biffot.

Image de bannière : Les pangolins, à l’image de ce pangolin chinois dans le Guangdong, sont considérés comme les mammifères sauvages les plus victimes du trafic au monde, avec pas moins d’un million de pangolins braconnés dans la nature au cours de la dernière décennie. Image de Song Sun.

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