- Un récent rapport a révélé l’existence de 32 sites miniers au sein du Parc national de la Benoué et dans la Zone clé de conservation de Tchabal Mbabo, deux aires protégées situées dans la partie nord du pays.
- L’exploitation minière illégale dans ces aires protégées menace sérieusement l’existence de certains mammifères emblématiques menacés d'extinction tels que le léopard, le buffle, le chat doré africain, l'hippopotame pygmée, ou l'élan de derby.
- L’orpaillage a également contribué à la dégradation de 340 hectares de terre dans ces espaces en 2024, soit l’équivalent de 486 terrains de football.
L’orpaillage artisanal prend de l’ampleur au sein des aires protégées au Cameroun. Un récent rapport, publié le 9 mai 2025, par l’ONG camerounaise Forêts et Développement Rural (FODER), révèle l’existence de 32 sites miniers dans deux aires protégées au nord du pays, soit 21 au sein du Parc national de la Benoué et 11 dans la Zone clé de conservation de Tchabal Mbabo.
Selon Justin Chekoua, Responsable des programmes à l’ONG FODER, et co-auteur du rapport, « aucune autorisation d’exploitation minière n’est autorisée dans une aire protégée ». « L’activité qui s’y passe se fait de manière illégale et c’est de l’exploitation artisanale au sens strict », a dit l’expert en gestion des ressources naturelles à Mongabay, joint au téléphone.
Ces données résultent d’une étude menée par cette ONG, entre février 2024 et mars 2025, dans le cadre du projet « Renforcement de l’engagement des acteurs locaux dans la gouvernance des ressources naturelles dans le septentrion Cameroun (REAL-GRNS) » et du projet « Ecosystème nord Cameroun (EcoNorCam) », financés par l’Union européenne.
L’étude s’est focalisée sur la cartographie de l’exploitation minière et ses impacts sur la faune sauvage dans les aires protégées susmentionnées. Il s’est agi, de faire un état des lieux de la situation des sites d’exploitation minière artisanale à petite échelle sur le terrain ; d’évaluer ensuite la dynamique de l’évolution de ces sites dans le temps et dans l’espace, aussi bien à l’intérieur des aires protégées qu’à la périphérie. L’étude a surtout identifié les menaces auxquelles sont confrontées les espèces sauvages peuplant ces aires protégées.
Pour cela, les auteurs de l’enquête ont eu recours aux données GPS, examinées à l’aide de logiciels Microsoft Excel, Qgis et ArcGIS. Les données collectées, au moyen d’un guide d’entretien, de questionnaires et des observations, ont été dépouillées et organisées autour des centres d’intérêt de l’étude, grâce au logiciel Kobo Collect et autres logiciels de d’analyse statistique.
Il ressort que l’exploitation minière dans et autour de ces zones protégées, a contribué à la dégradation de 340 hectares de terre en 2024, soit l’équivalent de 486 terrains de football. FODER redoute par ailleurs une perte des milliers d’hectares de terre à l’horizon 2040 si rien n’est fait, ce d’autant plus que 90 % de ces sites ne sont jamais réhabilités.

Menaces inquiétantes sur la faune sauvage
L’orpaillage artisanal au Parc national de la Benoué et dans la Zone clé de conservation de Tchabal Mbabo, a des impacts indéniables sur la biodiversité, et entraine précisément la destruction des habitats naturels de certaines espèces que l’on retrouve dans ces aires protégées. C’est le cas de l’hippopotame pygmée (Hexaprotodon liberiensis) du Parc national de la Benoué, une espèce classée en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la Conservation de la nature (IUCN).
« L’eau utilisée pour le traitement de l’or est reversée dans les cours d’eau et a un impact sur la faune. Il y a les habitats des animaux qui sont dégradés et quand l’habitat d’un animal est dégradé, ça influe sur son cycle de reproduction et sur son alimentation », dit Chekoua.
On retrouve également dans ce parc des espèces emblématiques telles que le lion (Panthera leo), le léopard (Panthera pardus), l’élan de derby (Taurotragus derbianus), le lycaon (Lycaon pictus) ou l’éléphant de savane (Loxodonta africana), qui sont également sujettes au braconnage résultant de l’activité minière.
En effet, le déboisement par les orpailleurs pour l’extension des sites miniers, met en péril la survie de l’éléphant et l’élan de derby, qui sont des herbivores vivant au sein des savanes et des forêts galeries du parc, où elles peuvent s’alimenter de jeunes feuilles, de bourgeons, d’herbes, de bulbes et de racines. Leur alimentation s’en trouve ainsi compromise.
Dans la Zone clé de conservation de Tchabal Mbabo, les espèces les plus exposées à l’activité minière illégale sont : le chat doré africain (Caracal aurata), une espèce vulnérable menacée d’extinction sur la liste rouge de l’IUCN, ainsi que cinq espèces d’oiseaux, en l’occurrence le Psalidoprocne fuliginosa, l’Andropadus montanus, le Phyllastrephus poliocephalus, le Bradypterus bangwaensis et le Ploceus bannermani; des amphibiens, notamment l’Hyperolius riggenbachi, qui figure aussi sur la liste rouge des espèces vulnérables de l’IUCN, etc.
Les autorités locales semblent montrer très peu d’intérêt dans la lutte contre l’orpaillage dans les aires protégées. Quelques opérations sporadiques sont souvent menées contre l’activité minière au parc de la Benoué, mais il demeure difficile d’en évaluer les résultats.
Mongabay a voulu en savoir plus en contactant le Conservateur dudit parc, Aminou, mais ce dernier a laissé entendre qu’il « n’accorde pas d’interview au média sans l’autorisation du ministre des forêts et de la faune ».
Même son de cloche pour le Délégué régional des forêts et de la Faune au Nord, Dr Saleh Adam, également contacté par Mongabay.

Le Parc national de la Benoué est pourtant une réserve de biosphère, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981. L’exploitation minière se fait dans l’aire centrale, censée être une zone intacte de biodiversité, à l’abri des agressions humaines. Si ces crimes environnementaux perdurent, cette situation pourrait contraindre l’Unesco à retirer son label de « réserve de biosphère » sur cette aire protégée.
Le Professeur Mama Plea, Environnementaliste malien et ancien conseiller scientifique à l’Unesco, évoque les conséquences du retrait du label « réserve de biosphère » à une aire protégée dans un État.
« Il y a presque 700 réserves de biosphère à travers le monde. C’est un réseau d’échanges, de mutualisation, et même de mobilisation des fonds. En se retirant du réseau, on perd en termes de collaboration, de coopération, de connaissances de gestion et d’opportunités », a-t-il dit à Mongabay au téléphone. « L’exploitation minière est une exploitation finie, qui au bout de 10 ans est terminée. Si on calcule la valeur que l’on a sur les ressources minières qui peuvent s’amenuiser, et le fait de conserver l’écosystème et qu’on fait la comparaison, très souvent, on s’aperçoit qu’il est mieux de garder l’écosystème ».
Il convient de rappeler qu’au Congo-Brazzaville, l’Unesco menace de déclasser la réserve de biosphère de Dimonika, situé à l’ouest du pays, et en proie à une exploitation minière semi-mécanisée, qui dégrade fortement l’intégrité de cette aire protégée, et met en danger la faune diversifiée qui s’y trouve.
Image de bannière: Des artisans miniers retournent le sous-sol du Parc national de la Benoué à la recherche de l’or. Image de FODER, publiée avec l’aimable autorisation de Christelle Kouetcha, chargée de la Communication de FODER.
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