Nouvelles de l'environnement

Quatre solutions clés pour réduire la pollution plastique à l’échelle mondiale d’ici à 2050

Une riviere à Douala au Cameroun. Image d'Anne Nzouankeu pour Mongabay

  • Une nouvelle étude révèle que sans intervention, les déchets plastiques mal gérés pourraient atteindre 121 millions de tonnes d'ici à 2050, avec une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 37 %.
  • Les chercheurs affirment que les pays du Sud global, malgré une faible production de plastique, supportent une charge disproportionnée des déchets plastiques, exacerbée par des pratiques inéquitables d'exportation de ces déchets depuis les pays riches.
  • Quatre solutions sont proposées pour réduire plus de 90 % des déchets plastiques et 30 % des émissions de carbone, parmi lesquelles un plafonnement de la production de plastiques neufs et l'imposition d'un contenu recyclé de 40 %.
  • Les experts pensent que l'élimination de tout ce qui est plastique à usage unique est une solution durable.

Sans intervention, la quantité de déchets plastiques mal gérés dans le monde, c’est-à-dire le plastique qui n’est pas recyclé ou éliminé correctement et qui finit par polluer, pourrait presque doubler d’ici à 2050, atteignant environ 121 millions de tonnes. En même temps, les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production et de la gestion des plastiques pourraient augmenter de 37 %, atteignant 3,35 gigatonnes d’équivalent CO2. C’est ce que révèle une étude publiée, en novembre 2024, par des chercheurs de l’université de Californie aux États-Unis.

L’étude indique que la production de plastique a augmenté de manière incessante depuis 1950, entraînant une génération et une mauvaise gestion des déchets plastiques. « Dans l’environnement, ces déchets se décomposent en morceaux de plus en plus petits, y compris des micro et nano-plastiques, ce qui nuit à divers écosystèmes, allant de l’Arctique aux profondeurs océaniques. De plus, la pollution plastique est associée à divers impacts sur la santé humaine, tels qu’un risque accru de cancers et de maladies cardiovasculaires », dit l’étude.

Le système plastique contribue également au changement climatique en générant des émissions lors de l’extraction et du traitement du pétrole et du gaz nécessaires à sa production.

L’étude met en lumière que le Sud global supporte une charge disproportionnée de déchets plastiques. Elle souligne que ces pays, malgré leur faible production de plastique, sont souvent les plus touchés par la gestion des déchets plastiques, car ils doivent traiter une grande quantité de déchets envoyés depuis les pays riches.

Cela est accentué par des pratiques inéquitables d’exportation des déchets plastiques, où des pays plus développés envoient leurs déchets plastiques vers des régions moins développées, souvent en Asie ou en Afrique.

Fossés et canaux pollués au Cercle du 16 juin à Malanga, Maputo. Mozambique. Image de John Hogg / Banque mondiale via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Cette situation crée des problèmes environnementaux et sociaux considérables dans ces pays du Sud, selon l’étude. Les installations de gestion des déchets y sont souvent insuffisantes ou inadaptées, ce qui aggrave la pollution plastique et nuit à la santé des communautés locales.

De plus, la localisation de nombreuses usines de production de polymères plastiques, près des communautés vulnérables, exacerbe les inégalités sociales et environnementales. « Ces pratiques ont entraîné des questions croissantes de justice environnementale, mettant en évidence les inégalités mondiales en matière de pollution plastique et de gestion des déchets », disent les chercheurs.

L’étude indique qu’il y a eu une prise de conscience croissante de l’importance à conserver les avantages constructifs des plastiques, tout en éliminant leurs effets négatifs sur l’environnement, notamment la volonté de trouver un équilibre entre l’utilisation bénéfique du plastique (comme dans les industries, la santé, etc.) et la réduction de ses impacts environnementaux nuisibles.

En 2022, une résolution avait été adoptée pour commencer à développer un traité international juridiquement contraignant des Nations unies visant à réduire la pollution plastique à l’échelle mondiale. Ce traité devait être finalisé avant la fin de l’année 2024. Malheureusement, la cinquième session décisive de négociations sur un traité mondial relatif à la pollution par les matières plastiques, organisée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), du 25 novembre au 01 décembre 2024, à Busan, en Corée du Sud, s’est terminée sans accord consensuel. Un nouveau texte a été adopté pour servir de base de nouvelles négociations en 2025.

Collecte d’emballages plastiques qui polluent une rivière à Douala au Cameroun. Image d’Anne Nzouankeu pour Mongabay.

Quatre solutions contre la pollution plastique

Pour contribuer à cet effort de diminution de la pollution plastique, les chercheurs de l’université de Californie proposent quatre solutions qui, disent-ils, « se distinguent particulièrement par leur efficacité combinée pour réduire les déchets plastiques mal gérés et les émissions de gaz à effet de serre associées ».

La première solution est un plafonnement de la production de plastiques neufs. Les chercheurs proposent de limiter la production de plastiques neufs fabriqués chaque année au  niveau  de 2020. Cette mesure aiderait à diminuer les déchets plastiques mal gérés en deux principaux aspects : d’abord, en produisant moins de plastiques neufs, il y aurait moins de plastiques à jeter ou à ne pas recycler correctement ; ensuite, cela encouragerait une augmentation du recyclage, car davantage de plastiques déjà existants seraient réutilisés au lieu de fabriquer du plastique neuf.

Outre la réduction des déchets plastiques, cette politique aurait également un impact significatif sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, car la production de plastique neuf génère des gaz qui contribuent au réchauffement climatique. En limitant cette production, on réduirait donc ces émissions, ce qui aiderait à lutter contre le changement climatique.

Anas Seko, activiste béninois engagé contre la pollution plastique, milite pour réduire l’impact environnemental des déchets plastiques et pense que cette proposition pourrait être efficace. « La proposition permet de réduire la quantité de plastique en circulation, donc de réduire la quantité de plastique qui pourrait se retrouver dans l’environnement. Plus on produit de plastique, plus on pollue et plus ces plastiques sont susceptibles de se retrouver dans l’environnement et d’être mal gérés », dit-il à Mongabay. « Par contre, la faisabilité peut être difficile à cause du lobby de l’industrie pétrochimique. C’est avec le pétrole qu’on fabrique le plastique et le plastique est un grand business pour les industries pétrochimiques qui ne souhaitent pas que sa production soit réduite au minimum. Donc, la faisabilité et la mise en application de cette mesure ont vraiment besoin d’engagement de la part des autorités et des entreprises. Il faut que des mesures fermes soient prises », ajoute Seko.

Wilfried Bebey Mbou, activiste camerounais pour l’élimination du plastique à usage unique et président de l’association Bureau d’encadrement et d’accompagnement des déplacés et réfugiés climatiques (BUCRADE), pense que c’est une proposition pertinente, mais sa faisabilité se trouve au niveau de la volonté politique des Etats. « Si les Etats s’engagent à réduire le quota de production de plastique et à ne plus produire les plastiques à usage unique, ça va considérablement réduire la pollution plastique », dit-il à Mongabay.

Les chercheurs proposent aussi d’imposer que 40 % du plastique utilisé provienne de matériaux recyclés. Cette politique favoriserait, selon eux, une économie circulaire et réduirait les émissions de gaz à effet de serre liées à la production de plastique.

Professeur Christophe Bring, directeur au Cameroun de la gestion et de la conservation des ressources au ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED), pense que certains Etats appliquent déjà en partie cette solution. «Comme l’environnement est envahi par les déchets plastiques, il serait judicieux de les retirer au maximum pour les transformer. Le Cameroun est inscrit dans la logique de l’utilisation de plastique durable. On interdit le plastique à usage unique et encourage le recyclage. Un texte a été créé en 2012 et il y a la répression pour obliger le secteur de la plasturgie à se conformer et à recycler. Le secteur de la plasturgie au Cameroun ne produit que des plastiques à partir de 61 microns de grammage », explique-t-il dans un échange téléphonique avec Mongabay.

Seko pense que cette solution est efficace. Elle va favoriser l’économie circulaire, diminuer la pollution liée à l’extraction de la matière première et la fabrication du plastique neuf et vierge. Cependant, il faut faire attention à ce qu’on recycle. « Ce n’est pas parce que c’est recyclé que c’est bon pour l’environnement. Ce qui doit être recyclé doit avoir zéro substance nocive. Or, le plastique est un polymère plus un additif. Et on dit que dans le plastique, il y a près de 4 000 à 6 000 substances qui sont avérées toxiques pour la santé humaine et pour l’environnement. Donc, si on recycle mal un produit toxique, on peut se retrouver avec un autre produit toxique. La mise en œuvre de cette proposition doit se faire avec un réel contrôle. On doit aussi avoir les infrastructures de recyclage à la pointe. Ça ne sert à rien de recycler et de polluer encore », dit-il.

Une activité de nettoyage des déchets plastiques sur la plage de Nyali à Mombasa, au Kenya. Image de Alfred Abuka Aluma via Greenpeace.

Comme troisième solution, les chercheurs proposent un investissement de 50 milliards de dollars dans les infrastructures de gestion des déchets. Cet investissement viserait à améliorer la collecte des déchets, le recyclage et l’incinération formelle, en particulier dans les pays du Sud. Bien que cette politique n’affecte pas directement la production de plastique, elle réduirait les déchets plastiques mal gérés, notamment en évitant la combustion à ciel ouvert, ce qui a un impact positif sur les émissions de gaz à effet de serre.

« Cette solution va sans doute dans la logique de la deuxième proposition. Cependant, en investissant dans les infrastructures, cela signifie que le besoin en transformation doit augmenter pour faire fonctionner ces infrastructures, donc il faut de la matière pour transformer. Cette logique peut encourager la production de davantage de plastique, alors qu’on devrait plutôt procéder au recyclage de ce qui existe pour, à la fin, bannir définitivement le plastique », dit Bring.

« Il y a ce type de solution qui est déjà en train d’être adopté dans certains pays comme le Burkina Faso. Ça s’appelle des stations de tri, des endroits où on vient déverser les déchets et il y a un espace dédié à côté pour le tri. La station de tri favorise l’économie circulaire. Je suis favorable au financement des entreprises de gestion. Au Cameroun, on est en train de tester les stations de tri dans les universités. Elles sont composées de poubelles écologiques pour trier les déchets électroniques et de cages écologiques pour les plastiques », dit Bebey Mbou.

La dernière solution est l’imposition d’une taxe sur la consommation de plastique d’emballage, ce qui réduirait la consommation de plastique et entraînerait une baisse des déchets plastiques mal gérés et des émissions de gaz à effet de serre.

Pour les chercheurs, cette politique fait partie d’une transition vers une économie circulaire où les plastiques sont utilisés de manière continue, réduisant ainsi le besoin de nouvelles ressources et minimisant les déchets.

« Je ne trouve pas cette proposition réaliste. Le consommateur paye déjà la TVA en dernier, il ne doit plus payer une autre taxe pour pouvoir utiliser le plastique. On doit plutôt imposer une taxe aux entreprises, afin de réduire la production de plastique », dit Bebey Mbou.

Une rivière à Douala au Cameroun polluée par des emballages plastiques. Image d’Anne Nzouankeu pour Mongabay.

« Cette proposition, je ne la vois pas d’un bon œil. Le but aujourd’hui, c’est de limiter ou bien même d’enrayer du circuit les emballages plastiques. Si on envisage la taxation, ça veut dire qu’on autorise la production et que ces emballages-là seront en circulation. Il n’y a pas de taxation à faire sur la consommation de plastique d’emballage, il faut interdire et faire en sorte que les gens retournent à des emballages hors plastique », propose Seko. « La taxe peut être intéressante pour limiter l’usage du plastique et forcer à trouver d’autres solutions », dit Bring.

Les chercheurs pensent que si ces quatre politiques sont combinées à l’échelle mondiale, elles permettraient de réduire les déchets plastiques mal gérés de 91 % d’ici à 2050, passant de 121 millions de tonnes (Mt) à seulement 11 millions de tonnes (Mt). De plus, les émissions de gaz à effet de serre liées aux plastiques pourraient être réduites d’un tiers.

« Pour moi, la solution est l’élimination de tout ce qui est plastique à usage unique. Je ne tolère pas des articles qu’on va utiliser une seule fois dans notre quotidien, comme les sacs en plastique, les gobelets, les cuillères, les plats en plastique qu’on utilise une fois et qu’on jette. C’est non seulement de la pollution, mais aussi du gaspillage. Il faut remodeler nos habitudes et nos sociétés pour pouvoir vivre sans plastique. Même si c’est vrai que dans certains domaines comme le médical, on est obligé d’utiliser certains plastiques une seule fois », dit Seko.

Image de bannière : Une rivière polluée à Douala, au Cameroun. Image d’Anne Nzouankeu pour Mongabay.

Citation :

Pottinger, A. S., Geyer, R., Biyani, N., Martinez, C. C., Nathan, N., Morse, R. M., Liu, C., Hu, S., de Bruyn, M. […] and McCauley J. D. (2024). Pathways to reduce global plastic waste mismanagement and greenhouse gas emissions by 2050. Science, Vol 386, N° 6726, 1168-1173. DOI: 10.1126/science.adr3837

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