Nouvelles de l'environnement

La pollution minière menace la production du maïs en RDC

Obed Mukay, paysan et président de l’association des cultivateurs de Kamimbi Umoja (ASBL), dans son champ de maïs après récolte. Image de Gloria Mpanga via Flickr.

  • En République démocratique du Congo, la dégradation des sols arables est une réelle menace pour l’agriculture, notamment la production du maïs.
  • Le paysage des provinces touchées par l’exploitation minière se forme désormais de creux et crevasses, des sources d’eau polluées et les paysans en paient le prix, car les rendements deviennent de plus en plus faibles.
  • Des voix se lèvent, notamment de la société civile dénoncent les conséquences des pratiques minières irresponsables sur la production agricole.
  • Pour l’heure, les autorités tardent encore à réagir ou n’agissent pas du tout face à l’ampleur inquiétante de la pollution que vivent les agriculteurs et les populations.

Ida Banza, cultivatrice à Kamimbi, a trouvé refuge à plus de 7 kilomètres de ses anciens 25 hectares de champ de maïs, pour tenter d’échapper à la pollution. Une distance qu’elle parcourt à pieds tous les jours.

Ce jour-là, croisée sur son chemin après des heures au champ, Ida, les yeux vides, affiche le visage du désespoir. Elle n’y croit plus, mais essaie encore. « Nos champs sèchent. Nous ne pouvons plus rien cultiver ici à cause de l’acide », explique-t-elle. Elle est témoin oculaire de la terrible transformation qu’ont subi les champs de ce milieu. Un milieu déjà assez pauvre où, toute pollution, est un coup de massue sur la population. Où devrait-on alors exercer les activités agricoles sans s’exposer aux dangers miniers, se demande-t-elle ?

La situation est alarmante au village Kamimbi, dans la province minière du Lualaba, capitale mondiale du cobalt (un minerai essentiel dans la transition énergétique) en République démocratique du Congo (RDC) : odeur d’acide brûlant les narines, un sol blanchâtre visiblement délavé par des eaux souillées, et des champs secs couvrent des étendues, où les plantes n’ont plus de vie. L’entreprise minière Chengtun Congo Ressources (CCR) est accusée de déverser ses eaux usées dans les champs, que les agriculteurs ont fini par abandonner. Les activités minières détruisent les sols influant ainsi sur la culture et la production du maïs, notamment.

Selon Lambert Menda, coordonnateur de la « Nouvelle société civile congolaise » au Lualaba et Point focal de « La voix des sans voix », une organisation pour la promotion et la défense des droits de l’homme en RDC, « l’agriculture devrait s’exercer dans les zones agricoles et non dans les zones minières ».

Et pourtant, tel n’est pas le cas à Kamimbi. Ce village d’environ 9 000 personnes, qui au départ est agricole, est envahi par des entreprises minières comme Tengyan Cobalt and Copper Ressources (TCC), Hanrui Metal Congo (HMC), Métalkol, Mineral Metal Technology. (MMT) et Chengtun Congo Ressources (CCR). Toutes exploitent du cobalt et/ou du cuivre.

Obed Mukay, paysan et président de l’association des cultivateurs de Kamimbi Umoja (ASBL), dans son champ de maïs après récolte. Image de Gloria Mpanga via Flickr.

 Des sols improductifs dans les provinces minières

Les paysans de Kamimbi ne souffrent pas seuls de la pollution. A Kipushi, une région minière du sud-est de la province du Haut-Katanga, la récolte du maïs a été teintée de regrets chez James Saya. Sur les 3 hectares exploités, il n’a récolté que quelques 17 sacs de 50 kg, soit 850 kg en tout et pour tout. Un échec, comparativement aux années antérieures. Ici, les plants de maïs sont restés rabougris et ont séché, malgré un développement initial. « Nous avons récolté 17 sacs de 30 seaux, et c’est une grande perte. Avant, je récoltais jusqu’à 500 sacs », dit-il.

Il faut parfois recourir à l’engrais chimiques, dernière chance pour espérer produire un peu plus. Mais la technique dans cette région semble ne plus répondre. « Nous avons consommé beaucoup d’engrais sans aucun bon résultat », déplore Saya. Son témoignage auprès de Mongabay, qui en rappelle beaucoup d’autres, augure un avenir agricole en péril.

Dans plusieurs milieux touchés par la pollution minière, les communautés ne rêvent plus d’un avenir radieux. Pendant ce temps, les miniers s’en mettent plein les poches sans se soucier des communautés. Le constat est le même chez Ida Banza rencontrée à son retour du champ. Même son nouveau lieu de travail ne lui est toujours pas rentable. Une récolte décevante. Elle raconte : « Le sol ne répond plus, mais nous faisons avec ». Sur son visage peut se lire à la fois colère, faiblesse et désespoir. Car, malgré les efforts qu’elle dit consentir, ils n’aboutissent à rien de satisfaisant.

L’inaction des autorités

En RDC, la culture du maïs est une ressource alimentaire essentielle pour la population locale. Elle est, en effet, vitale pour la région du grand Katanga, où cette graminée constitue l’aliment de base. Mais la pollution minière ravage les champs dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba au sud-est et met en péril le secteur agricole de la région.

« Nous avons lancé plusieurs fois des cris de détresse, les autorités sont au courant de tout ceci, mais elles ne trouvent pas de solution », déplore Obed Mukay, président de l’association des agriculteurs de Kamimbi Umoja (ASBL).

Il est aussi victime de la dégradation des sols du fait des activités minières. Son champ que nous avons visité est inondé de rafles de maïs, après une récolte  précoce et chaotique.

En août 2024, Lambert Menda est intervenu pour régler un problème de pollution d’eau causée par une société minière au village Kisanfu, dans la province du Lualaba. Il déplore les multiples cas de pollution des champs et mène des plaidoyers pour les victimes. « Nous avons documenté des cas des eaux polluées que les communautés utilisent pour irriguer leurs champs. Nous avons dénoncé cela et plaidé pour des sanctions à l’endroit des pollueurs », indique-t-il à Mongabay.

Champs abandonnés à Kamimbi suite à la dégradation des sols causée par la pollution minière. Image de Gloria Mpanga via Flickr.

Les associations des agriculteurs de Kamimbi n’y peuvent rien. Elles dépendent soit des autorités locales, soit des entreprises minières. Mukay ne réunit plus ses membres faute de  moyens. « Nous en tant qu’association, nous nous appuyons sur les entreprises minières. Ce sont elles qui polluent. L’association à elle-même n’a pas de moyens. C’est la quatrième année, que nous ne recevons plus rien des entreprises minières, qui nous entourent. Comment appuyer les cultivateurs », s’interroge-t-il.

Et pourtant, les textes légaux sont clairs à ce sujet. Ils prévoient des mesures de protection des victimes de la pollution minière, y compris les agriculteurs. Mais sur le terrain, le respect des textes n’est pas observé.

Selon la Loi n°18/001 du 09 mars 2018 modifiant et complétant la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, « tout titulaire d’un droit minier et/ou des carrières est responsable des dommages causés aux personnes, aux biens et à l’environnement du fait de ses activités minières, même en l’absence de toute faute ou négligence. Il est tenu à les réparer ».

Pour sa part, Banza dit n’avoir jamais bénéficié de l’indemnisation des entreprises minières. « Personne ne m’a jamais appelée pour me remettre même un rond alors que j’avais un champ à cet endroit. Je ne sais même pas comment cela se passe », se plaint-elle.

Le Coordonnateur de la « Nouvelle société civile congolaise » au Lualaba, Lambert Menda, appelle les autorités du pays à agir : « En matière de pollution, c’est à l’Etat d’être intraitable ! », martèle-t-il.

Ida Banza, cultivatrice de Kamimbi revenant du champ. Image de Gloria Mpanga via Flickr.

Des alternatives pour réparer le sol

Pour tenter de contenir et de ralentir cette pollution minière des terres, les paysans combinent plusieurs techniques à la fois. C’est entre autres l’engrais chimique et l’engrais biologique. Le premier est constitué des matières purement chimiques, une combinaison des éléments chimiques de l’Azote (N), du Phosphore (P) et du Potassium (K), utilisés dans le but d’augmenter les rendements des cultures. Le second, qui est le plus recommandé, est composé de  matières végétales ou animales.

Macky Mankesi, agronome et propriétaire d’une ferme agropastorale, a estimé qu’il y a lieu d’agir autrement. Il propose deux techniques : l’agriculture biologique et la rotation des cultures. Depuis des années, il n’applique pas d’engrais chimique, y compris sur de grandes surfaces comme le font d’autres agriculteurs.

« Nous sommes une ferme agropastorale. Nous avons choisi de combiner l’agriculture et l’élevage, parce que les déchets des animaux, qu’on enfouit dans les terres, nous permettent de lutter contre la dégradation des sols due aux minerais. Nous avons des animaux comme des vaches, des moutons, des porcs, ainsi que de la volaille », a expliqué Mankesi à Mongabay.

Un cochon dans une ferme pilote agropastorale en RDC. Les déchets des animaux enfouit dans le sol permettent de lutter contre la dégradation des sols due aux minerais. Image d’Axel Fassio/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Sur les grandes superficies, Mankesi recommande la rotation des cultures. Dans le cas d’espèce, la culture du maïs peut être combinée avec celle des légumineuses comme les arachides, le haricot ou le soja. Les restes de ces légumineuses enfouis dans le sol après la récolte sont appelés « engrais vert ».

« Là où on ne peut pas mettre du fumier, nous utilisons la rotation des cultures, et c’est la meilleure pour de grandes surfaces », dit Mankesi.

En tant que scientifique, il décourage le recours à l’engrais chimique considéré comme matière dégradante pour le sol. Il invite les agriculteurs à ne pas sous-estimer l’efficacité de l’engrais vert dans la réparation des sols.

Le rapport du Bureau de recherches géologiques et minières français (BRGM), en date de 2006, considère la terre comme une ressource au même titre que l’eau. Il met l’accent sur son utilisation responsable surtout face à la pollution, qui peut facilement transformer cette ressource en déchet.

« La dégradation de la qualité d’un sol par une pollution le dénature en transformant une  « ressource» en un «déchet» pouvant porter atteinte à la santé humaine ou/et à l’environnement. », peut-on lire dans le document.

Pendant ce temps, les activités minières demeurent intenses en RDC, notamment dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba. Comme bien d’autres secteurs, l’agriculture continue d’en payer le prix. Une situation qui expose les populations locales à l’insécurité alimentaire.

Image de bannière : Obed Mukay, paysan et président de l’association des cultivateurs de Kamimbi Umoja (ASBL), dans son champ de maïs après récolte. Image de Gloria Mpanga via Flickr.

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