- La gestion de l'eau est un enjeu crucial pour les habitants de Mbata en République centrafricaine, où pygmées et bantous cohabitent.
- La déforestation et la surexploitation des ressources en eau, aggravées par des activités humaines comme l'agriculture et l'exploitation forestière, ont un impact direct sur le cycle de l'eau et la préservation des sources, rivières et lacs.
- Les pygmées et les bantous ont des pratiques respectueuses de l'eau, mais des différences existent dans leurs approches.
À Mbata, une localité de la préfecture de la Lobaye en République centrafricaine, la gestion durable de l’eau devient un enjeu majeur et est au centre des préoccupations des habitants. S’étendant sur 1 472 km² et composée de 47 villages pour une population de 40 000 habitants composée de pygmées et de bantous, cette région fait face à des défis environnementaux croissants, cherchant à allier traditions ancestrales et innovations contemporaines.
Les pygmées, souvent considérés comme des chasseurs-cueilleurs, ont une relation très étroite avec la forêt et ses ressources. Leur mode de vie nomade implique un respect profond pour leur environnement, y compris les sources d’eau. Ils pratiquent des rituels pour rendre hommage aux esprits de la nature et exprimer leur gratitude pour l’eau et la nourriture qu’elle fournit.
Il y a 50 ans, les pygmées vivaient en harmonie avec leur environnement aquatique. Aujourd’hui, Jacqueline Mazèkè, plus de 77 ans, le regard empreint de nostalgie, raconte : « Nous avions une relation sacrée avec l’eau. Avant, il fallait avoir la foi pour préserver l’eau. Nous savions comment respecter le cycle naturel ».
Elle expose l’incompréhension des jeunes face à cette connexion ancestrale : « Nos ancêtres savaient que l’eau est la vie et qu’elle est sacrée. Nous devons enseigner aux jeunes comment la préserver avec sagesse ».
Selon Jacqueline, les Pygmées utilisent des chants et des danses lors de cérémonies qui célèbrent le cycle de la vie et l’eau dans leur existence. Ils ont également une connaissance approfondie des plantes médicinales et des écosystèmes aquatiques, ce qui leur permet de vivre en harmonie avec leur environnement.
Pour les bantous : une vision d’unité
Les bantous, un groupe ethnique très diversifié, ont souvent des rituels liés à l’eau qui reflètent leur connexion profonde avec la nature. Ils organisent des cérémonies pour honorer les rivières, les lacs ou les sources. Ces rituels incluent souvent des offrandes de nourriture ou d’autres objets symboliques pour apaiser les esprits de l’eau.
Ils pratiquent également la pêche comme source de subsistance. Étant souvent sédentaires et vivant près des rivières, des lacs ou d’autres plans d’eau, la pêche est leur mode de vie alimentaire, en plus de l’agriculture et de l’élevage.
Blaise Bokoto, un bantou âgé de 76 ans, raconte avec fierté son passé. « Nous avons appris à combiner nos traditions agricoles avec des techniques modernes. L’eau est essentielle pour nos cultures. Avant, la pêche était organisée en campagne, généralement dans la période de février à août et d’octobre à novembre, avec des techniques et des outils simples pour capturer des carpes, des silures, des capitaines, des mangoustes et des tilapias sans les produits nocifs comme on le voit actuellement ».
L’existence de la rivière « la Lobaye», les cours d’eaux (Mbata, Ngouroungueré, Ngoukana), les marigots et les lacs du terroir villageois et ceux des villages voisins favorisent les activités de pêche pratiquées dans les villages. Elle est considérée comme une activité complémentaire et constitue toutefois une source de revenus pour les populations.
À Motomato1, un des 47 villages de Mbata, un cours d’eau continue d’être la source de vie pour les habitants. Chaque jour, des familles s’y rassemblent pour répondre à leurs besoins essentiels : cuisson, hygiène et bien-être. Cependant, cette ressource est menacée. La lutte pour sa préservation est désormais une question de sensibilisation et de considération par la population.
Tandis qu’à Molangue, un des villages paisibles de Mbata, un cours d’eau qui était autrefois le poumon de la biodiversité se retrouve aujourd’hui desséché, victime des coupes d’arbres incontrôlées. Ce cas rappelle l’importance cruciale de la préservation de l’environnement.
Eustache Malokon, responsable de l’organisation non gouvernementale « Priorité verte », donne une interview accordé à Mongabay explique ce qui provoque le tarissement d’un fleuve ou d’une rivière.
« Le tarissement d’un fleuve ou d’une rivière peut être causé par plusieurs facteurs. La surexploitation des ressources en eau pour l’agriculture, l’industrie ou la consommation domestique est l’un des principaux facteurs. La déforestation, l’urbanisation et la pollution jouent également un rôle crucial. Je conseillerais de promouvoir une gestion durable de l’eau et des pratiques agricoles qui respectent les écosystèmes aquatiques ».
Les jeunes de Mbata sont entre espoir et inquiétude
Les jeunes de Mbata se retrouvent au cœur de ce problème. Passionné, Alban Kossi, 29 ans, déclare : « Nous devrions apprendre comment faire pour garantir notre avenir, les histoires de nos grands-parents sont précieuses, nous devons arrêter la déforestation ».
Cependant, une inquiétude palpable se fait ressentir dans la voix de Yannick Pelato, 31 ans, un autre jeune de la localité. « Si nous ne faisons rien, qu’adviendra-t-il de nos ressources et comment nos enfants et petits-enfants feront-ils ? », s’interroge-t-il.
La déforestation a un impact significatif sur le cycle de l’eau et la conservation des sources d’eau, des rivières et des fleuves, comme le souligne Eustache Malokon. « Les arbres jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau en libérant de la vapeur d’eau dans l’atmosphère par un processus appelé évapotranspiration. Lorsque les forêts sont abattues, ce processus diminue, ce qui peut réduire les précipitations locales ».
Il poursuit en répondant à l’inquiétude des jeunes : « La déforestation augmente l’érosion du sol, ce qui peut entraîner une accumulation de sédiments dans les rivières et les réservoirs. Cela peut affecter la qualité de l’eau et rendre difficile la conservation des sources d’eau». Blaise Bokoto, fait savoir à Mongabay que la déforestation a débuté avec l’implantation de la première société forestière en 1979, qui a fait faillite en 1981. Les employés restés dans la localité, par manque d’activité, ont commencé à couper les arbres pour les vendre. L’implantation d’autres sociétés et l’exploitation artisanale ont aggravé cette situation.
Face à ces défis, les ONG jouent un rôle crucial. Blaise Peskidou, rapporteur général du Comité villageoise pour la protection et la gestion des ressources naturelles, qui existe depuis 25 ans, déclare avec ardeur : « Notre mission est d’aider à créer un pont entre ces savoirs ancestraux et les nouvelles technologies. Ensemble, nous pouvons développer des solutions durables. Les pratiques ancestrales combinées aux approches modernes peuvent être très bénéfiques. Les connaissances traditionnelles sur la gestion de l’eau peuvent enrichir les méthodes contemporaines. Par exemple, intégrer des techniques ancestrales qui préservent l’humidité du sol avec des technologies modernes de gestion de l’eau peut offrir des solutions innovantes et durables ».
Une source gouvernementale ajoute : « La collaboration est essentielle. Il est important d’intégrer ces connaissances traditionnelles dans les politiques de développement public pour protéger l’environnement ». Il ajoute : « Je conseillerais plusieurs actions : établir des zones de protection autour de la source pour limiter la pollution, sensibiliser la communauté sur l’importance de cette ressource, et promouvoir des pratiques durables telles que la pêche et l’agriculture biologique. Impliquer les populations locales dans la gestion et la protection de ces sources est également essentiel pour assurer leur pérennité ».
Malokon de l’ONG « Priorité verte », poursuit en expliquant que « la modification des régimes de précipitations due à la déforestation peut entraîner des changements dans les schémas de précipitations. Moins d’arbres signifient moins d’humidité libérée dans l’air, ce qui peut conduire à des sécheresses dans certaines régions ».
La République centrafricaine couvre une superficie de plus de 62 millions d’hectares et compte environ 23 millions d’hectares de forêts, soit presque 37 % de sa superficie totale. Le secteur forêt-bois est opérationnel dans le massif forestier du sud-ouest, où l’exploitation forestière industrielle est effectuée en grande partie.
La gestion de l’eau à Mbata est un enjeu crucial qui nécessite une approche intégrée, combinant savoirs ancestraux et solutions innovantes. La pression exercée par la déforestation et les pratiques non durables souligne l’urgence d’une action collective. En adoptant des pratiques durables et en impliquant activement les populations locales, Mbata se positionne en tant que modèle exemplaire de résilience face aux défis environnementaux.
Image de bannière : Cours d’eau du village Motomato1 un des 47 villages de Mbata, qui continue d’être la source de vie pour les habitants. Chaque jour, des familles s’y rassemblent pour répondre à leurs besoins essentiels : cuisson, hygiène et bien-être. Image de Annela Niamolo pour Mongabay.
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