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Le niébé : ces solutions d’adaptation aux effets du changement climatique

Des ouvriers agricoles récoltent des gousses de niébé mûres dans un champ. Image de Institut International d'Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0).

Des ouvriers agricoles récoltent des gousses de niébé mûres dans un champ. Image de Institut International d'Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0).

  • Le niébé contient, 20 à 25 % de protéines. Ce qui justifie son appellation de « la viande du pauvre ». A cause de sa qualité organoleptique, il est consommé, dans presque tous les pays, au sud du Sahara, ce qui lui assure la place de la légumineuse alimentaire du 21ème siècle.
  • Le climat, la sècheresse, le temps, la chaleur, malheureusement, ne lui font aucun cadeau. Sa production est souvent confrontée aux aléas climatiques et aux extrêmes météorologiques. Faute de stratège, la sécurité alimentaire et nutritionnelle peut être affectée.
  • L’adoption et la mise en pratique de plusieurs solutions permettent aux agriculteurs de limiter les effets des crises du climat sur la production du niébé.

Lors des travaux de la 7ème Conférence mondiale de recherche sur le niébé, tenue en septembre 2024 à Cotonou, au Bénin, les chercheurs n’ont cessé de tarir d’éloges à l’endroit du niébé. De l’avis de plusieurs d’entre eux, ce haricot, en plus d’être une des légumineuses les plus cultivées et consommées de l’Afrique de l’Ouest, fournit aussi des services environnementaux essentiels et contribue à la diversification des systèmes de production.

A ce qu’ils en disent, le niébé joue également un rôle primordial dans l’alimentation et la sécurité alimentaire des populations, parce que caractérisé, à la fois par une forte densité énergétique et une forte densité nutritionnelle, du fait de sa richesse en protéines, fibres et micronutriments. La filière niébé génère également de nombreux emplois, que ce soit dans les secteurs de production, de distribution ou de la transformation et dans la restauration. Sa production, malheureusement, fait souvent face aux caprices du temps. Comment les producteurs de niébé s’adaptent-ils alors au changement climatique ?

En réponse à cette question de Mongabay, Dr Symphorien Agbahoungba, Chargé du programme de sélection des légumineuses au Laboratoire d’Ecologie Appliquée à la Faculté des Sciences agronomiques de l’université d’Abomey-Calavi (Bénin) évoque le recours des agriculteurs à la diversification agricole comme alternative pour s’adapter au changement climatique.

Selon ses explications, les agriculteurs savent qu’il y a des variétés, qui sont précoces, des variétés tardives et des variétés médiums. A l’en croire, les paysans combinent les trois variétés sur la même parcelle, sachant qu’en cas de poche de sècheresse, une des variétés va résister. « C’est une stratégie. C’est aussi une forme d’agroécologie », dit le chercheur.

Plantes de niébé aux stades de floraison dans une parcelle expérimentale. Image de Institut International d'Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0).
Plantes de niébé aux stades de floraison dans une parcelle expérimentale. Image de Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0).

Dans le même ordre d’idées, Dr Joseph Batiemo, sélectionneur niébé au Burkina Faso, explique que les agriculteurs mettent en pratique plusieurs techniques et des technologies, déjà éprouvées pour affronter les effets des changements climatiques telles que, la technique de zaï, le goutte-à goutte, la technique du cordon pierreux, la technique de demi-lune et l’agroforesterie, c’est-à-dire l’association dans un même système de production agricole des arbres, des cultures et l’élevage.

D’après ses explications, ces différentes techniques et/ou pratiques endogènes contribuent à réhabiliter les sols, à restaurer la fertilité et à conserver l’eau dans le sol.

Batiemo mentionne aussi le calendrier agricole pour échapper aux risques d’inondations, qui constitue un bréviaire pour l’agriculteur du niébé. Ce dernier, explique-t-il, doit le consulter régulièrement, pour savoir quand il faut semer ou non, pour s’éviter des désagréments.

« Si les alertes précoces sont efficaces et les semences améliorées, et à cycle court, la production du niébé peut échapper très facilement aux caprices du temps », dit-il.

« Avec la fluctuation des saisons, personnellement, et d’ailleurs je ne suis pas seul à le faire. Nous avons deux options: cultiver très tôt, c’est-à-dire dire à la tombée des premières pluies, courant fin mai et début juin. La deuxième option, c’est la culture tardive, vers la fin de la saison, avec le choix du cycle court. Cela nous permet d’éviter à nos récoltes les grandes pluies », a dit Baki Amza, 56 ans, producteur à Fiafounfoun, un village de l’arrondissement de Guéné, au nord du Bénin.

« A mon niveau, j’attends souvent le mois d’août pour commencer la culture du niébé. La maturation de mes cultures se fait grâce à la rosée qui intervient en octobre. Cela veut dire que je défriche le terrain des mois avant. Généralement, c’est après la récolte du maïs que je cultive dès le début de la saison, que je sème le niébé », ajoute-t-il.

Une commerçante vendant du niébé au marché de Bodija à Ibadan, au Nigéria. Image de Institut International d'Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0 ).
Une commerçante vendant du niébé au marché de Bodija à Ibadan, au Nigéria. Image de Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0 ).

Amza explique à Mongabay que s’il choisit l’espace en fonction de la période de culture, c’est pour l’adapter selon que la pluviométrie est abondante ou non. « Pour cultiver pendant les grandes pluies, vous comprenez que choisir les sols humides, serait un mauvais choix. Donc, déjà dans le mois d’août, je fais la culture du niébé sur un sol dur, caillouteux », dit-il à Mongabay.

« Mais lorsque je sens la nécessité de le faire en début de saison, c’est-à-dire en mai, les zones humides proches des marécages sont des atouts. Le problème à ce niveau, c’est qu’on n’a pas assez de chance pour de bonnes récoltes. En plus, la présence des insectes ravageurs devient grande. La moisson ne comble pas nos attentes. C’est aux bétails que ça profite », précise l’agriculteur.

« Pour atténuer les effets de la forte quantité d’eau qui intervient en un temps record, j’associe le niébé au sorgho. Je sème le niébé environ deux semaines après la semence du sorgho ».

Amza procède ainsi parce que les plants du sorgho résistent à la sécheresse comparativement aux autres et aussi en raison du fait que le niébé est une plante fertilisante qui profite à ce céréale.

Rafiou Bakotasso, 70 ans, producteur à Goungoun, une localité au nord du pays, procède presque de la même façon qu’Amza. Avec la fluctuation des saisons, il cultive soit très tôt, c’est-à-dire dire à la tombée des premières pluies, courant fin mai et début juin, ce qui lui permet d’éviter les pluies destructrices ; soit il cultive tardivement, vers la fin de la saison, avec le choix du cycle court pour éviter les récoltes pendant les grandes pluies. Bien que cela ne comblent pas ses attentes, il se réjouit tout de même que le feuillage sert à alimenter les bétails.

« Parfois aussi, je fais le niébé pour juste la production du feuillage au profit de l’élevage. Les bétails en consomment. Dans ce cas, je n’ai pas besoin d’investir dans le traitement », a confié Midou Bonkanon, producteur du niébé blanc (très favorable à la sécheresse), à Goungoun.

Des ouvriers agricoles récoltent des gousses de niébé mûres dans un champ. Image de Institut International d'Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0).
Des ouvriers agricoles récoltent des gousses de niébé mûres dans un champ. Image de Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0).

En réalité, les changements climatiques combinent les irrégularités des pluies avec des températures élevées, et ont pour conséquences directes des poches de sècheresse. Ce qui constitue, un problème pour la production du niébé.

« Ben que, le niébé soit une culture qui tolère la sècheresse, quand la plante arrive à un certain niveau, il y a la fermeture des stomates, dès qu’il y a une poche de sècheresse. A cette étape, la plante réduit sa surface foliaire et son évapotranspiration. Résultats, les fleurs tombent ainsi que les bourgeons floraux. Ce qui a pour impact direct la perte de rendement à plus de 75 % de sa capacité. La sècheresse est souvent combinée avec la température. Ceci conduit à la chute des fleurs avec comme conséquence un rendement faible. Il y a également des inondations qui arrivent à des moments donnés. Or, le niébé ne supporte pas les inondations. Si les racines sont restées immergées, le même phénomène se produit et la plante meurt », explique Agbahoungba.

« Les problèmes de pluies, ce n’est pas seulement la quantité, c’est aussi la distribution. Un pays comme le Burkina-Faso fait face à des pluviométries mal réparties. Parfois, le Burkina connait des pluies excessives ou des périodes sans pluie. Quand les sécheresses sont excessives, une semaine, la plante peut y faire face. Mais dès que ça passe à deux semaines et plus, l’impact sur la production du niébé peut attendre 20 à 40 % de perte de rendement. Les pertes ne touchent pas seulement les grains, mais également les feuilles du niébé. Le niébé pour le Burkina a un double objectif : les grains de niébé pour la consommation des humains et ses feuilles pour les animaux », dit Batiemo.

C’est pourquoi, en dehors des solutions concrètes d’adaptation pratiquées par les paysans, les chercheurs proposent des variétés tolérantes à la sècheresse. « Nous travaillons sur des variétés qui peuvent ralentir, par exemple, leur croissance dans la période où il y a sècheresse et qui reprend dès qu’une pluie tombe. C’est ce que nous faisons en termes d’amélioration végétale», dit Batiemo.

«L’autre aspect, nous produisons des variétés à courte durée. Des variétés de 55 à 60 jours, de sorte qu’en cas de sècheresse, les producteurs puissent semer à plusieurs reprises pour rattraper la saison des pluies. Nous faisons également appel à l’agronomie, afin que des pratiques endogènes comme le zaï ou la demi-lune soient améliorés pour accompagner la production », conclut-il.

Image de bannière : Des ouvriers agricoles récoltent des gousses de niébé mûres dans un champ. Image de Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) via Flickr (CC BY-NC 2.0).

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