Nouvelles de l'environnement

La pollution par les particules fines pourrait diminuer malgré les menaces du changement climatique sur la santé et l’agriculture

  • Le changement climatique seul pourrait modifier la pollution de l'air, l'améliorant ou l'aggravant selon les régions.
  • L'augmentation de la température mondiale conduira à des niveaux accrus d'ozone dans la troposphère, ce qui aura des conséquences néfastes sur la santé humaine et les rendements agricoles.
  • La mortalité due à la pollution de l'air est estimée à plusieurs millions de décès évitables par an, l'ozone et les particules fines étant des contributeurs majeurs. Cependant, dans certaines régions, la pollution par les particules fines   devrait diminuer, ce qui pourrait sauver des vies.
  • Le changement climatique va entraîner une détérioration de la qualité de l'air dans le bassin du Congo, ce qui augmentera les niveaux d'ozone et de pollution par les particules fines.

Selon une étude, le changement climatique a des impacts variés sur la pollution atmosphérique, notamment la diminution des particules fines dans certaines régions, mais aussi, l’augmentation de l’ozone, affectant la santé humaine et l’agriculture à l’échelle mondiale.

« La conclusion la plus importante à mon avis est que la qualité de l’air, en surface, va se dégrader, du seul fait du changement climatique dans les tropiques et l’hémisphère sud, en raison de l’augmentation des émissions de précurseurs de polluants provenant de la biosphère dans un climat plus chaud », indique Lee Murray, chercheur à l’université de Rochester aux Etats-Unis co-auteur de l’étude.

L’étude, publiée en septembre 2024, par un groupe de chercheurs de l’université de Rochester aux Etats-Unis, souligne que la pollution de l’air est responsable des pertes humaines et des dommages aux cultures.

Pour ce qui est des pertes humaines, les chercheurs ont utilisé deux modèles d’estimation différents qui combinent des analyses statistiques avancées avec des données épidémiologiques pour quantifier l’impact de la pollution de l’air sur la mortalité. Ils ont conclu que de 2005 à 2014, le nombre de décès attribuables à la pollution de l’air par les particules fines était d’environ 3,3 millions de décès évitables par an pour la première méthode et 5 millions pour la deuxième méthode.

A en croire les chercheurs, aussi bien l’ozone que les particules fines sont responsables de ces décès, avec des pourcentages spécifiques de mortalité associés à différentes maladies, soit 33 % pour l’ischémie cardiaque, c’est-à-dire la réduction de la quantité de sang oxygéné dans le cœur en raison d’une obstruction des artères coronaires, 32 % pour l’accident vasculaire cérébral (AVC), 16 % pour les maladies pulmonaires obstructives chroniques, 7 % pour les infections respiratoires inférieures, 8 % pour les cancers du poumon et enfin 4 % pour le diabète de type II. Ces impacts varient considérablement selon les régions.

Pollution due à la production d’huile de palme près de Yangambi, en République Démocratique du Congo (RDC). Image de Axel Fassio/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

La qualité de l’air va se détériorer dans le bassin du Congo

Dans les zones extratropicales de l’hémisphère nord, la pollution par les particules fines devrait diminuer, ce qui pourrait entraîner une réduction de la mortalité. En revanche, dans des zones à forte croissance démographique, comme les tropiques et l’hémisphère sud, les niveaux de particules fines devraient augmenter, ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur la santé.

Les différents résultats de l’étude découlent des simulations des impacts du changement climatique sur la pollution de l’air, y compris l’ozone et les particules fines. Ces simulations ont été réalisées grâce à des modèles qui permettent d’analyser comment les émissions anthropiques et les changements météorologiques influencent les niveaux de pollution et, par conséquent, la santé humaine et la production agricole.

Dans le bassin du Congo, Murray explique à Mongabay que les simulations montrent la qualité de l’air se détériore en raison du changement climatique. Ce phénomène, dit-il, est principalement dû à l’augmentation des émissions de précurseurs naturels provenant de la forêt tropicale congolaise, la biosphère devenant plus active dans un climat plus chaud.

Il ajoute que « cela entraîne une augmentation de l’ozone troposphérique et de la pollution par les particules fines. Toutefois, ces simulations n’ont pas pris en compte l’impact de la poussière, et l’on pourrait s’attendre à une augmentation de la poussière en raison de l’expansion du Sahara ».

Réduction de la croissance des forêts et d’absorption de CO2

Comme possibles conséquences pour cette région, Dr Rodine Tchiofo, chef du département de Foresterie à l’université d’Ebolowa (Cameroun), explique  que « l’augmentation des niveaux d’ozone a pour principale conséquence la réduction de la croissance des forêts et de leur capacité à absorber le dioxyde de carbone (CO2), du fait de la baisse de l’activité photosynthétique. S’il y a donc sècheresse, dans le bassin du Congo, due à l’élévation des températures et la baisse des précipitations, elle va, non seulement ralentir la croissance des arbres, mais aussi modifier la composition spécifique des forêts, parce que ce sont les espèces les plus adaptées à la sécheresse qui vont le plus prospérer par rapport à d’autres ».

« Il y aura une sélection naturelle avec une tendance vers la promotion des espèces xérophiles, c’est-à-dire capable de résister à de grands déficits d’eau. La sécheresse peut également entrainer des incendies de forêts, la prolifération des pestes et ravageurs, et affecter la disponibilité des produits forestiers non-ligneux », a-t-elle précisé à Mongabay.

Vue aérienne d’une usine dans la forêt d’Afrique. Image de Projets BAD via Flickr.

Emmanuel Bongkiyung, spécialiste du climat et prévisionniste, à la direction de la Météorologie nationale au Cameroun,  dit s’agissant de la biodiversité, qu’on peut avoir la disparition de certaines espèces végétales comme les mangroves, « qui ne supportent plus l’augmentation des températures due au changement climatique ». « La sécheresse, qui signifie qu’il y a moins de précipitations, va progressivement faire disparaître la mangrove. Les zones marécageuses vont aussi progressivement s’assécher», a-t-il indiqué.

L’étude indique également que « l’ozone est un irritant biologique » qui  endommage la végétation et les cultures, occasionnant beaucoup de pertes de production agricole et économiques. Ainsi, l’augmentation des températures de surface globale devrait accentuer les concentrations d’ozone à la surface de la terre, aggravant ainsi les pertes agricoles, notamment dans les régions vulnérables à la pollution.

En effet, des évaluations ont estimé que le changement climatique pourrait causer des pénalités économiques de 6,7 milliards de dollars par an, pour chaque degré Celsius d’augmentation de température, illustrant ainsi l’urgence de prendre en compte ces impacts dans les analyses coûts-bénéfices des actions contre le changement climatique.

En parallèle, bien que certaines zones puissent connaître des bénéfices en termes de réduction de la pollution par les particules fines, la tendance générale reste préoccupante, particulièrement dans les tropiques et l’hémisphère sud, où la croissance de la population et les niveaux de pollution pourraient continuer à s’aggraver, menaçant la sécurité alimentaire mondiale.

« La pollution de l’air résulte d’émissions et de conditions météorologiques défavorables, qui seront toutes deux affectées par le changement climatique. Lorsque cela entraîne une dégradation de la qualité de l’air, on parle de pénalité climatique. Lorsqu’elle entraîne une amélioration, on parle de bénéfice climatique », explique Murray.

Murray et ses collègues reconnaissent des incertitudes importantes dans leurs résultats et appellent à des recherches supplémentaires. « J’encourage les gouvernements à mettre en œuvre des réglementations sur la qualité de l’air dans l’intérêt de la santé publique. Et, à mesure que les nations continuent à s’urbaniser et à développer leurs économies, les gouvernements doivent promouvoir des politiques, qui soutiennent le développement de l’énergie solaire et éolienne, au détriment des combustibles fossiles », dit Murray.

Paysage au niveau du fleuve Congo entre Kinshasa et Lukolela, en République Démocratique du Congo (RDC). Image de Ollivier Girard/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Selon lui, « l’établissement de mesures régulières de la pollution atmosphérique, peut-être en partenariat avec des scientifiques internationaux, sera très utile pour aider à comprendre les changements uniques qui se produiront en Afrique équatoriale. Nous sommes très limités par la disponibilité des données d’observation dans la région, mais la majeure partie de la croissance démographique supplémentaire devrait se produire en Afrique subsaharienne au cours de ce siècle ».

Murray conclu qu’ « il est absolument essentiel qu’il y ait une collaboration au niveau international, d’autant plus que les habitants du bassin du Congo ont très peu contribué au problème du changement climatique ».

Pour sa part, Bongkiyung préconise « la plantation d’un plus grand nombre d’arbres, ce qui réduira la teneur en carbone dans l’atmosphère et augmentera l’oxygène dans l’atmosphère ». « C’est la raison pour laquelle il existe une campagne en faveur de l’émission nette zéro de carbone », dit-il.

Image de bannière : Pollution due à la production d’huile de palme près de Yangambi, en République Démocratique du Congo (RDC). Image de Axel Fassio/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Citation :

Murray, T. L., Leibensperger, M. E., Loretta, J. M. & Tai, P. K. A. (2024). Estimating future climate change impacts on human mortality and crop yields via air pollution.  The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), 121(39).  https://doi.org/10.1073/pnas.2400117121.

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