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Le changement climatique en cause dans les inondations au Niger

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  • Les inondations au Niger ont fait 273 morts et 94 783 ménages sinistrés et causé la perte de zones de cultures et pastorales.
  • Les inondations de cette année ont un caractère exceptionnel et sont une des conséquences du changement climatique.
  • Le Gouvernement a mis à la disposition des régions 9 742,1 tonnes de céréales mais les experts préconisent la promotion de l’agriculture irriguée, l’agroécologie et les cultures adaptées au climat comme réponse pour assurer la sécurité alimentaire.

Kabirou Chaibou, un habitant de Kanya Malam Gaja, une localité située à quelques kilomètres de la ville de Zinder, fait partie des victimes. Il a perdu une grande partie de ses récoltes. « Dans ma vie, je n’ai jamais vu une année comme celle-là. On ne peut rien dire que d’implorer le bon Dieu, qui a voulu ainsi. Nos champs sont inondés et difficiles de récolter les cultures (mil, sorgho et niébé) ».

Raha Maman, une habitante de Kanya mallam Gaya, la cinquantaine dépassée, assiste impuissant à la destruction de ses cultures par les inondations. « Nous avons tout perdu, nos récoltes sont abreuvées par la pluie. Cette année est exceptionnelle, car toute la récolte est abîmée. Que Dieu nous assiste !».

Si à Kanya Mallam Gaja, ce sont des inondations qui ont ravagé les champs, dans la commune de Tirmini, c’est plutôt les grêles qui ont dévasté les récoltes sur plusieurs hectares. Maman Issa déplore avoir perdu ses cultures : « C’est difficile de constater la perte de ses cultures à un stade avancé. Nous ne pouvons rien espérer, parce que la pluie continue ». « Une chose est sûre, cette situation va accroître les souffrances et les vulnérabilités de nos familles. Un paysan n’espère que ses cultures et à ce stade, nous avons presque tout abîmé », regrette Issa Abdou, un autre agriculteur.

Beaucoup de paysans ont perdus déjà leurs cultures à cause des pluies diluviennes, enregistrées entre juillet et septembre 2024, au Niger. Les inondations ont causé d’énormes dégâts, surtout les effondrements des maisons, les noyades de personnes, la perte des zones de cultures et pastorales, ainsi que des dommages matériels.

Par exemple, dans la vallée de Tarka, l’eau a charrié tout sur son passage. Des puits se sont effondrés, des maisons sont tombées, des animaux sont morts. Aussi, à Kanya Malam Gaja tout comme à Tirmini, situés dans la région de Zinder, les pluies suivies de grêle ont endommagé plusieurs hectares de champs.

Selon les données de la direction générale de la protection civile, à la date du 4 septembre 2024, les inondations ont affecté 2 121 villages dans 201 communes réparties sur 57 départements. Au total, 94 783 ménages sont sinistrés, soit 710 767 personnes. Le nombre total de décès s’élève à 273, répartis entre noyades (121) et effondrements (152), avec 278 blessés. Les régions de Maradi et Tahoua sont les plus concernées. En effet, la région de Maradi enregistre 25 660 ménages sinistrés, avec 86 morts, tandis que Tahoua déplore 87 décès, principalement dus aux noyades (69).

Le bilan provisoire fait actuellement état de 34 décès, 1800 ménages touchés ,12309 sinistrés et l’effondrement de 1834 maisons et 48.000 murs d’habitation.

Joint au téléphone, le Directeur de la météorologie nationale, Katiellou Gaptia Lawan, explique que la pluviométrie de cette année est très excédentaire. « Ça fait des décennies, que nous n’avons pas vu une mousson renforcée que celle de cette année. Depuis le 29 avril 2024, nous avons effectué cette prévision, et le 8 mai 2024, lors d’un point de presse, nous avons restitué les résultats qui faisaient état d’une année en prévision excédentaire ».

Les inondations enregistrées en lien avec le changement climatique

Les inondations de cette année ont un caractère exceptionnel. Cette situation fait partie des effets du changement climatique. « Beaucoup d’études, y compris celle menée par le Groupe intergouvernemental sur les évolutions du climat, a prévu la récurrence de phénomène pluviométrique extrême, qui vont aller en augmentant en ampleur et en fréquence », affirme Katiellou Gaptia .

Pour Dr Seydou Bodo Bachirou, Conseiller technique de la ministre de l’Action humanitaire et de la Gestion des catastrophes, « le changement climatique entraîne une modification des régimes pluviométriques, rendant les saisons pluvieuses plus imprévisibles et souvent plus intenses. Nous observons une augmentation des événements météorologiques extrêmes, comme des précipitations soudaines et massives sur des périodes courtes, ce qui dépasse la capacité d’absorption des sols et des infrastructures existantes ». Il ajoute que « le réchauffement climatique influence également les cycles hydrologiques, entraînant des périodes de sécheresse plus fréquentes suivies de pluies torrentielles. Ces conditions créent un terrain favorable à des inondations destructrices, car les sols, desséchés par la sécheresse, sont incapables d’absorber efficacement les eaux lorsqu’elles tombent en grande quantité. Par ailleurs, la montée des températures mondiales contribue à l’évaporation accrue des surfaces d’eau, ce qui charge davantage l’atmosphère en humidité, amplifiant ainsi les précipitations lors des épisodes pluvieux. Le phénomène des inondations est donc exacerbé par ces changements climatiques, et il est crucial d’en tenir compte dans nos stratégies de gestion des risques ».

Les inondations ont causé d’énormes dégâts, notamment la destruction des champs des agriculteurs. Image de Maman Moutari Magagi avec son aimable autorisation.
Les inondations ont causé d’énormes dégâts, notamment la destruction des champs des agriculteurs. Image de Maman Moutari Magagi avec son aimable autorisation.

Contacté par téléphone, Dr Gado Abdou Fanna, Enseignant-chercheur à la faculté d’Agronomie de l’université Abdou Moumouni de Niamey, « parmi les facteurs mis en cause dans la survenue des inondations, figurent les changements d’usage des sols ayant entraîné la modification des états de surface et l’augmentation du ruissellement. Or, ces causes anthropiques sont celles du changement climatique. Ces inondations sont des conséquences du changement climatique ».

Des répercussions sur la sécurité alimentaire et la biodiversité

Ce phénomène des inondations a des conséquences sur la sécurité alimentaire et la biodiversité. Selon Bachirou, l’agriculture, qui constitue la principale source de subsistance pour une grande partie de la population nigérienne, est directement touchée. « Les inondations ont détruit des milliers d’hectares de cultures, des fermes, y compris des cultures vivrières essentielles comme le mil, le sorgho et le riz. Cela peut engendrer dans les zones touchées par ces catastrophes, une baisse des rendements agricoles, qui, combinée aux pertes en bétail, compromet l’approvisionnement alimentaire des ménages, en particulier dans les zones rurales les plus affectées des régions de Zinder, Tahoua, Maradi, et de Tillabéri. De plus, les sols inondés sont souvent sujets à la perte de nutriments et à l’érosion, ce qui réduit leur fertilité et d’avantage les communautés vulnérables », dit-il à Mongabay au téléphone.

Les inondations affectent gravement la biodiversité locale. Sur les 266 communes du pays, au moins 251 sont touchées par les inondations. Pour Bachirou, « d’une part, la destruction des habitats naturels, tels que les zones humides, perturbe les écosystèmes et met en danger de nombreuses espèces animales et végétales. Les inondations peuvent également entraîner une mortalité massive parmi les espèces aquatiques et terrestres, en favorisant la propagation d’espèces envahissantes, qui peuvent déséquilibrer les écosystèmes. Les espèces endémiques, qui sont déjà fragilisées par la pression anthropique et les changements climatiques, risquent de voir leur population diminuer ». « Par ailleurs, la déforestation accrue, dans certaines régions, combinée aux effets des inondations, accentue la dégradation des écosystèmes forestiers, ce qui affecte, non seulement la biodiversité, mais aussi les services écosystémiques qu’ils fournissent, tels que la régulation des flux d’eau et la protection contre l’érosion », ajoute-t-il.

Le phénomène des inondations est exacerbé par ces changements climatiques occasionnant des inondations destructrices. Image de Maman Moutari Magagi avec son aimable autorisation.
Le phénomène des inondations est exacerbé par ces changements climatiques occasionnant des inondations destructrices. Image de Maman Moutari Magagi avec son aimable autorisation.

Selon Dr Gado Abdou Fanna, les inondations sont des évènements ponctuels, qui surviennent à un moment du développement des cultures. « Donc, s’il y a impacts des inondations, ces impacts seraient sur le rendement des cultures en cours. Cependant, ce n’est pas dans toutes les zones, que les inondations ont des impacts. En effet, les zones dunaires ne sont pas impactées, comme les zones présentant des réceptacles, notamment dans les vallées, où les excès en eau impactent les cultures. Ces dernières peuvent ne pas ou ne plus poursuivre leur cycle de croissance. Ceci pour dire que les inondations survenant à des moments n’ont pas d’impact sur la sécurité alimentaire, mais plutôt sur les rendements de culture. Le monde vivant, quant à lui, est impacté par les inondations. Les espèces végétales et animales sont menacées. Les phénomènes d’eutrophisation tuent la biodiversité», a-t-il dit au téléphone.

Le Niger : un pays en constant déficit alimentaire

Depuis des années, le Niger est confronté à des crises multiples dont l’insécurité alimentaire. Dans une communication faite le 4 janvier 2024 en conseil des Ministres, le ministre de l’Agriculture et de l’Élevage a indiqué que la campagne agro-sylvo-pastorale et hydraulique 2023, a été déficitaire sur les plans agricole et pastoral.

Au plan agricole, le déficit a concerné 5343 villages sur les 13 468 villages agricoles. Au plan pastoral, il a été enregistré un déficit fourrager de 18 471 309 tonnes de matières sèches représentant 53,68 % des besoins du cheptel national.

Ces déficits céréaliers et fourragers ont été induits principalement par des sécheresses, des attaques des ennemis des cultures, des inondations, la baisse de la fertilité des sols et les effets de l’insécurité, qui sévit dans certaines zones de grande production. En vue de faire face à ces déficits, il est envisagé d’accélérer la mise en œuvre du programme « Initiative Souveraineté alimentaire par l’intensification des productions animales et des cultures irriguées » 2023-2024.

Explorer des alternatives pour réduire la dépendance exclusive à l’agriculture pluviale au Niger

Les inondations de cette année 2024 ont un impact sur la sécurité alimentaire de milliers de ménages. Le Niger est constamment confronté aux défis de la sécurité alimentaire. Pour Bachirou, plusieurs solutions peuvent être envisagées pour pallier les pertes et assurer la sécurité alimentaire, même dans des conditions climatiques difficiles. Il s’agit de promouvoir l’agriculture irriguée, de favoriser l’agroécologie et les cultures adaptées au climat, de mettre en place des pratiques de conservation des sols et des eaux ; de développer les cultures de contre-saison, d’encourager l’agriculture urbaine et les micro-jardins, de renforcer l’accès à l’assurance agricole.

Image bannière: Les inondations ont causé d’énormes dégâts, notamment l’effondrement des habitations. Image de Maman Moutari Magagi avec son aimable autorisation.

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