Nouvelles de l'environnement

Les communautés, pièce maîtresse de la préservation des ressources naturelles au Burundi

Les arbres autochtones de la Réserve naturelle des chutes de Rutana. Image de Ferdinand Mbonihankuye pour Mongabay.

  • La déforestation des aires protégées, telles que la Kibira, le Parc de la Rusizi, le Parc de la Ruvubu et la réserve naturelle de Kigwena, a éliminé des bambous, Entandrophragma excelsum et les faux palmiers (Hyphaene petersiana), menaçant la biodiversité et les moyens de subsistance locaux.
  • La communauté de Nkonge à Mutana, une colline riveraine du Parc National de la Kibira (PNK), située dans la commune de Muruta, province de Kayanza, au nord-ouest du Burundi, est consciente que la modernisation s’est faite au détriment de la médecine traditionnelle transmise par les ancêtres. Mais les initiatives de reforestation redonnent de l'espoir surtout qu’elles impliquent les jeunes sensibilisés à la valeur médicinale et écologique des essences naturelles, malgré les défis persistants liés
  • Les projets de reforestation au Burundi ont créé des emplois, amélioré les conditions de vie et boosté l'économie locale, mais ils nécessitent plus de personnel et de technologie pour une efficacité optimale.

« Les communautés riveraines de la  forêt de la Kibira, de la  Rusizi, de la Ruvubu ainsi que Kigwena, autrefois riche en bambous, en Entandrophragma excelsum (Meliaceae) et en faux palmiers, remarquent que ces espèces naturelles sont aujourd’hui en voie de disparition. Ces plantes ne se trouvent plus qu’à l’intérieur de la forêt, où les populations autochtones ont du mal à pénétrer car elles aussi ont contribué à la disparition de ces bambous ».

Ce constat des habitants des communes de Musigati, dans la province de Bubanza, à l’Ouest du Burundi, à la frontière avec la République Démocratique du Congo (RDC) et de Muruta dans la province de Kayanza, au Nord-Ouest du Burundi rencontrés à Muruta, une localité de la Province Kayanza, mettent en lumière les effets néfastes de la déforestation sur les essences autochtones de la Kibira et du parc de la Rusizi. La province de Kayanza, ayant une frontière avec la province de Bubanza, à l’Ouest du Burundi, est particulièrement touchée.

La déforestation a réduit considérablement la présence de ces espèces végétales précieuses. Celles-ci jouent un rôle crucial dans la biodiversité, le cycle de l’eau, la régulation climatique et fournissent des ressources essentielles pour l’industrie pharmaceutique, alimentaire et d’autres secteurs économiques pour des communautés locales.

Selon une étude réalisée en  2009 par  Action Ceinture Verte  pour l’Environnement (ACVE),une structure basée notamment à Bujumbura  , environ 40 espèces (Hyphaene petersiana (faux palmier), le Sinarundinaria alpina, l’Entandrophragma excelsum, le Podocarpus, les faux palmiers (Hyphaene petersiana), les bambous (Sinarundinaria alpina), l’espèce d’arbres de la famille des Méliacées (Entandrophragma excelsum), l’espèce de conifère de la famille des Podocarpaceae (Podocarpus usambarensis) et le prunier d’Afrique (Prunus africana) sont en voie d’extinction, dont 567 sont endémiques sur 5793 dans cette région du Rift Albertin, l’une des régions les plus riches d’Afrique en biodiversité. Le Burundi s’engage à protéger ces essences autochtones à travers la reforestation communautaire.

Les faux palmiers de la Réserve naturelle de la Rusizi sont en voie de disparition à cause des activités anthropiques humaines, notamment l’agriculture et l’installation d’un cimetière. Image de Ferdinand Mbonihankuye pour Mongabay.

L’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement (OBPE) est à la manœuvre en tant qu’ONG étatique dédiée à la préservation environnementale au Burundi. Pour l’exercice budgétaire 2024-2025, l’OBPE de Kayanza s’engage à planter 6 200 000 arbres sur les terres domaniales, tout en les distribuant aux agro-éleveurs. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du Projet de Résilience Climatique des Collines au Burundi (PRCCB), couvrant plusieurs provinces telles que Bujumbura, Kayanza, Muyinga, ainsi que des zones clés comme le Parc Nationale de la Kibira, le Parc Nationale  de la Ruvubu et la réserve naturelle de Bururi. Ce projet inclut la plantation de diverses espèces d’arbres, parmi lesquels 1 200 000 plants de grevillea, 800 000 de calliandra, 500 000 de Markhamia lutea, 2 900 000 d’avocatiers, 700 000 d’eucalyptus et 1 000 000 de bambous. Emmanuel Niyoyabikoze, Coordinateur du projet Greening Burundi, souligne l’importance vitale de chaque arbre planté pour la santé globale des écosystèmes. À terme, Greening Burundi prévoit de planter environ 50 000 000 d’arbres d’ici à 2035, contribuant ainsi de manière significative à la résilience environnementale du Burundi.

Mobilisation communautaire

Mais c’est surtout la population locale qui se mobilise activement pour sauvegarder les essences autochtones, qui sont cruciales pour maintenir l’équilibre écologique et promouvoir le bien-être des communautés. A cet effet, plusieurs initiatives locales ont été mises en place par les communautés avec l’appui des ONG locales pour protéger les ressources naturelles. Des programmes de sensibilisation ont été lancés en 2024 par l’ONG Conservation et Communauté de Changement (3C) pour éduquer les habitants sur l’importance de la conservation de la biodiversité et les conséquences de sa perte. Des projets de reboisement sont également en cours dans la région de Mukungu-Rukambasi dans la province de Bururi au Sud-Ouest du Burundi pour restaurer les habitats naturels et préserver les espèces menacées. « L’importance à sensibiliser la communauté aux dangers de la déforestation est cruciale», déclare Léonidas Nzigiyimpa, Responsable de l’ONG Conservation et Communauté de Changement (3C), une organisation écologiste basée à Bujumbura, dans la zone Rohero de la commune Mukaza financée par US Forest de l’ONG Conservation et Communauté de Changement  (3C).

Les essences autochtones trouvées aux chutes de Karera, situées dans la réserve naturelle de Rutana. Image de Ferdinand Mbonihankuye pour Mongabay.

Il rappelle que les fruits des arbres plantés par les autochtones sont déjà visibles grâce au partenariat entre US Forest, une agence du département de l’Agriculture des États-Unis, qui gère les forêts nationales du pays) et la 3C lors de la campagne sylvicole 2022-2023.

« Les communautés locales vivant autour de la forêt de Bururi, au Sud-Ouest du Burundi, ont planté des arbres autochtones largement utilisés dans la médecine traditionnelle, tels que Vernonia amygdalina (umubirizi), Markhamia lutea (umusave), Tetradenia riparia (umuravumba), Coleus amboinicus (igicuncu), Erythrina abyssinica (umurinzi) et Maesopsis eminii (umuremvya). Les fruits de cette activité commencent à apparaître. La vitesse de croissance du Maesopsis est plus grande que celle des autres espèces », a dit Nzigiyimpa.  Il a aussi insisté sur le fait qu’il ne suffit pas de planter des arbres, mais qu’il faut aussi les protéger pour garantir leur croissance.

Protection stricte des espèces indigènes 

La communauté de la zone Nkonge, dans la Commune Muruta, dans la province de Kayanza, remarque que les Burundais ont longtemps négligé la médecine traditionnelle avec l’arrivée de la médecine moderne. Therence Nizigiyimana (56 ans) et Janvier Nahayo (53 ans) regrettent que les jeunes ignorent souvent que leurs ancêtres utilisaient des essences naturelles pour se soigner, ce qui contribue à la disparition des espèces autochtones. Toutefois, les initiatives de reforestation redonnent espoir.

Les habitants des communes de Musigati dans la Province Bubanza, à l’Ouest du Burundi, et Muruta constatent le retour des essences comme l’Umuvugangoma et l’umubirizi. Malgré ces progrès, des défis subsistent, notamment la culture du tabac, la coupe illégale d’arbres, l’apiculture en zones forestières ainsi que des pratiques agricoles inappropriées. L’éducation et la sensibilisation restent essentielles pour préserver les ressources naturelles et réhabiliter la médecine traditionnelle burundaise.

L’impact de la reforestation sur les communautés locales 

Les projets de reforestation mise en œuvre au Burundi ont montré des résultats significatifs, selon les populations de la Commune Muruta impliquées. Ces initiatives, incluant la plantation et la gestion de pépinières, ont amélioré les conditions de vie de nombreux participants en leur fournissant des emplois essentiels, contribuant ainsi à leur survie et à leur bien-être économique. Les gardes forestiers, bénéficiaires de ces projets, expriment également leur satisfaction. Ils affirment que leur situation économique s’est améliorée grâce à leur engagement dans ces projets environnementaux. « Notre vie va bien aujourd’hui. Nous avons acheté des chèvres, des moutons et des lapins, et la scolarisation de nos enfants est devenue facile… pour nous, c’est bon », a dit Michel Ntibigaya, Chef de Colline Mutana dans la Commune de Muruta.

Les gardes forestiers participent à la sensibilisation et à la reforestation des espèces autochtones au Parc National de la Kibira, situé en Commune Muruta, Province Kayanza, au Nord-Ouest du Burundi. Image de Ferdinand Mbonihankuye pour Mongabay.

Ces témoignages soulignent l’importance de ces projets quant au développement socio-économique des communautés locales. Les travailleurs et gardes forestiers suggèrent de multiplier ces projets pour restaurer le paysage burundais, en mettant l’accent sur les essences forestières en voie de disparition.

En plus de l’amélioration économique,  les gardes forestiers de la réserve naturelle de la Kibira, dont Nimbona Mathias de la commune de Matongo sur la colline Gitwe, située dans la province de Kayanza au nord-ouest du Burundi, et Emmanuel Nahimana de la réserve naturelle des Fails des Allemands à Rutana, jouent un rôle crucial dans la protection et la gestion durable des ressources naturelles. Ces derniers ont indiqué qu’ils ont bénéficié de l’ouverture de comptes bancaires, ce qui leur permet d’accéder à des micro-crédits pour leur auto-développement. Cependant, ils identifient encore des besoins pour optimiser leur travail et renforcer leur efficacité. Ils suggèrent d’être équipés de smartphones pour faciliter la documentation des incidents ou des progrès, permettant ainsi de fournir des rapports rapides et illustrés aux superviseurs. Cette technologie pourrait améliorer la communication et la gestion des projets sur le terrain.

Emmanuel Bakundwa et Manacé Nkunzimana de la colline Mutana dans la Commune de Muruta, dans la province de Kayanza, au Nord-Ouest du Burundi, demandent aussi un renforcement du personnel et des capacités pour mieux gérer les vastes zones forestières et de répondre plus efficacement aux besoins de protection et de surveillance. Le renforcement des capacités pourrait inclure des formations supplémentaires sur la gestion des forêts, l’utilisation de nouvelles technologies et les meilleures pratiques en matière de conservation et de développement durable.

Les projets de reforestation ont apporté des bénéfices tangibles aux communautés locales au Burundi, améliorant leur qualité de vie et offrant des opportunités économiques. Cependant, pour maximiser l’impact de ces initiatives, il est crucial d’investir dans des technologies modernes, d’augmenter le personnel sur le terrain et de renforcer les compétences des travailleurs impliqués. Ces mesures permettront de protéger et de restaurer les forêts, tout en soutenant le développement durable des communautés locales.

Les efforts de reforestation de la réserve naturelle de la Kibira

Les programmes de sensibilisation touchent toutes les couches de la société, des écoliers aux adultes dans les villages, avec l’objectif de susciter une prise de conscience collective sur l’importance de la biodiversité et la nécessité de la protéger. Abel Nteziryayo, Responsable du Parc  National de la Kibira, a mentionné que le projet actuel vise à multiplier les espèces végétales et animales, en particulier celles dites « umeremera » ainsi que les bambous. « Nous nous engageons à protéger et à revitaliser notre biodiversité », a-t-il déclaré lors des activités des travaux communautaires organisées chaque samedi à travers le pays, les efforts continus pour revaloriser les essences en voie de disparition. Il a mentionné que le projet actuel vise la multiplication des espèces végétales et animales, en particulier celles dites “umeremera” ainsi que les bambous.

Les essences autochtones confinées dans le Parc national de la Ruvubu, dans la Province de Cankuzo, à l’Est du Burundi. Image de Ferdinand Mbonihankuye pour Mongabay.

Nteziryayo a expliqué que, malgré les craintes de certaines personnes concernant la chasse des panthères, Nteziryayo croit que des initiatives de reboisement et des pratiques agricoles durables peuvent restaurer les écosystèmes dégradés. Il a déclaré que les campagnes de sensibilisation menées régulièrement par son équipe finiront par changer les perceptions des populations, en particulier celles des communautés riveraines de la Kibira. Selon lui, ces initiatives permettront de comprendre l’importance de la conservation de ces espèces pour elles-mêmes, pour la communauté et pour le pays dans son ensemble.

« La préservation de la biodiversité est essentielle, non seulement pour maintenir l’équilibre écologique, mais aussi pour assurer la pérennité des ressources naturelles, dont dépendent les moyens de subsistance locaux», a-t-il ajouté. Les efforts de reforestation incluent des stratégies spécifiques pour protéger et réintroduire des espèces cruciales, qui jouent un rôle clé dans l’écosystème de la Kibira. « Nous organisons des ateliers et des séminaires pour informer les gens des bénéfices de la conservation et des techniques durables qu’ils peuvent adopter ».

Les arbres autochtones de la Réserve naturelle des chutes de Rutana. Image de Ferdinand Mbonihankuye pour Mongabay.

Nteziryayo a également insisté sur le rôle des populations locales dans ces efforts. « La collaboration avec les communautés locales est indispensable», a-t-il dit, notant que l’engagement des riverains est crucial pour la réussite des projets de reforestation. Il a exprimé son espoir que, grâce à une sensibilisation continue, les habitants de la région deviendront des gardiens actifs de la forêt et de ses ressources.

Les initiatives de reforestation dans le Parc National de la Kibira, la  Réserve Naturelle  de la Rusizi, la Réserve naturelle de Mukungu-Rukambasi à Bururi, et le Parc National de la Ruvubu jouent un rôle crucial dans la protection des espèces en voie de disparition et la restauration de l’écosystème local. En replantant des arbres indigènes et en revitalisant les habitats naturels, ces projets contribuent à la préservation de la biodiversité, à la régulation du climat et à la promotion d’un environnement sain pour les communautés locales. Ces efforts sont essentiels pour garantir un avenir durable à la faune et à la flore de la région. Le succès de ces efforts repose sur l’engagement des communautés locales et une sensibilisation accrue sur l’importance de la conservation de la biodiversité. Nteziryayo et son équipe restent déterminés à poursuivre ces efforts et à travailler avec les populations locales pour assurer un avenir durable pour la Kibira.

 

Image de bannière : Les faux palmiers de la Réserve naturelle de la Rusizi sont en voie de disparition à cause des activités anthropiques humaines, notamment l’agriculture et l’installation d’un cimetière. Image de Ferdinand Mbonihankuye pour Mongabay.

 

Feedback: Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.

 

Quitter la version mobile