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Les anomalies climatiques sont sources d’apparition des épidémies de choléra

Un centre de traitement du choléra de EU Civil Protection and Humanitarian Aid au Niger en 2028. Image de Ollivier Girard/Union européenne 2018 via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

  • Les événements climatiques extrêmes ont un rôle important dans la survenue des épidémies de choléra.
  • Une étude indique l’existence des rapports de la variation de souches du microbe responsable du choléra, le Vibrio cholerae, et les événements climatiques depuis plusieurs années.
  • En Afrique, la pauvreté et le faible niveau d’assainissement font que le choléra persiste dans certains endroits, mais les conditions climatiques y jouent un rôle important, d’après des spécialistes.

Les conditions climatiques extrêmes peuvent favoriser la propagation des crises de choléra, particulièrement dans les zones côtières. C’est ce qu’indique une étude publiée le 1er août 2024, par 8 scientifiques, dont Rodó Xavier, dans la revue Plos Neglected Tropical Deseases.

Les auteurs démontrent que les événements climatiques extrêmes peuvent perturber l’équilibre écologique et faciliter la propagation de nouvelles souches de choléra. Dans ce contexte, les pandémies ne sont pas simplement le résultat d’une souche pathogène unique, mais plutôt une combinaison complexe de facteurs environnementaux et biologiques.

Les zones côtières particulièrement concernées

Les auteurs de l’étude ont analysé les données historiques, depuis le 19e siècle, et ont utilisé des modèles mathématiques pour comprendre les interactions entre les variations des souches de Vibrio cholerae, la bactérie responsable du choléra, à travers différentes pandémies et les anomalies climatiques. Les chercheurs se sont basés sur le cas du Bangladesh, pays dont le nombre de cas de choléra varierait chaque année entre 100 000 et 600 000, selon l’Institut Pasteur, une institution de recherche biomédicale de France.

Leurs résultats montrent une synergie entre climat et souches du choléra, c’est-à-dire la possibilité de prolifération de nouvelles souches du choléra lorsque les températures sont élevées et les pluies excessives et associées à des événements comme El Niño. Les chercheurs ont pu aussi établir que les perturbations environnementales facilitent les mutations génétiques parmi les souches de choléra, les nouvelles souches devenant plus virulentes, d’où l’apparition des pandémies.

Les chercheurs établissent une corrélation entre les péjorations climatiques et les crises de choléra à travers le monde et recommandent des modélisations prédictives combinant les données climatiques et des épidémies, non sans oublier le renforcement des infrastructures dans les régions vulnérables et la collaboration à l’échelle mondiale en matière d’information. Image Ewien van Bergeijk – Kwant via Wikimedia.

Ils établissent ainsi un lien entre sécheresses, inondations, cyclones et flambées de choléra. Ces événements climatiques perturbent les écosystèmes aquatiques et favorisent la prolifération de la bactérie Vibrio cholerae. Il en résulte également que les zones côtières présentent une forte vulnérabilité face aux événements climatiques extrêmes et au développement du choléra. Puisque, comme cela arrive lors des inondations ou tempêtes, qui s’abattent sur les côtes, les sources d’eau sont contaminées par les eaux de mer.

Loin des côtes, sur le continent africain : le choléra endémique

Or, les déplacements des populations s’opèrent vers les zones plus sûres sur le continent à l’occasion des catastrophes naturelles. Mais, l’un des auteurs de la recherche précise à ce propos : « Nous n’abordons pas dans cette étude le lien entre les régions côtières et intérieures, et nous sommes bien conscients, que le choléra est lié, à travers le compartiment aquatique, à la contamination de l’eau du robinet par les eaux usées, aux régions d’arrosage des cultures, etc. », explique par écrit à Mongabay Rodó Xavier, auteur principal de l’étude.

Un centre de traitement du choléra de EU Civil Protection and Humanitarian Aid au Niger en 2028. Image de Ollivier Girard/Union européenne 2018 via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Le travail de Rodó Xavier et de ses collègues permet, cependant, de s’interroger sur les zones non-côtières, où le choléra est parfois endémique comme en Afrique centrale. En République Démocratique du Congo (RDC), où l’épidémie a été responsable de 314 décès et 41 000 cas de maladie pris en charge en 2023 d’après l’OMS, ou encore au Cameroun, où la maladie a tué 134 personnes et touché 6 652 autres en 2022, par exemple, le lien entre le climat et l’épidémie semble évident. Dans cette région, fait observer Dr Kasong Irung Deyrouth, médecin congolais, qui a travaillé, durant plusieurs années, dans l’humanitaire, le cholera est fréquent dans les camps de pêcheurs, au bord des rivières et des fleuves ou des lacs, mais aussi dans des villes loin des côtes comme Lubumbashi, au sud-est du pays.

« Le changement climatique a aussi un impact dans les deux sens », dit Kasong, parlant de la propagation du choléra et des événements climatiques. Il explique que la sécheresse, par manque d’eau potable, ou encore « l’excès de précipitations qui arrive avec ses lots de catastrophes : inondations traînant les déchets… », ont des effets sur l’éclatement de cette épidémie.

Pour sa part, le biologiste et spécialiste de pollution camerounais, Dr Yves Promesse-Ssie, fait observer, que le choléra est rare durant les périodes chaudes, en saison sèche précisément, dans cette zone de l’Afrique centrale proche de l’équateur, où les températures atteignent parfois les 40°C.

Faibles niveaux d’assainissement et des habitudes à risque

Mais, à cause de faibles niveaux d’assainissement et des habitudes à risque, explique Promesse-Ssie, les épidémies s’avèrent inévitables, favorisées par les conditions climatiques spécifiques. « Vous êtes allé déféquer, comme c’est le cas dans beaucoup de pays du tiers-monde sous un arbre fruitier comme le manguier. Les gouttes de pluie qui vont tomber, vont éparpiller vos fessées. Parce que le microbe cholérique se retrouve dans des sécrétions physiologiques. Une mouche partit des selles va se poser sur un fruit, et quelqu’un s’en va prendre ce fruit-là et il suce. Il va choper le microbe. Par contre, en saison sèche, si la mouche transporte ce vibrion cholérique, lorsque le soleil va frapper, le vibrion cholérique va mourir. Il n’y aura pas facilité de transmission de cette maladie. La transmission de vibrion cholérique est liée au climat  », dit-il.

Une femme balaie le sol d’une clinique médicale improvisée dans la ville de Belet Weyne, en Somalie, le 30 mars 2013. Image AMISOM Public Information via Wikimedia (CC0 1.0).

D’après les explications de Promesse-Ssie, les marchés et les quartiers bondés constituent les principaux points de vulnérabilité des villes, à cause de leur faible niveau d’assainissement et d’éducation à l’écologie. Il note, par exemple, que des fosses septiques sont orientées dans les tranchées publiques, les déchets stockés à l’air libre attirant de nombreuses mouches, y compris dans les marchés. « Voilà comment on facilite la contamination dans le marché, les fruits sont posés à même le sol, les conditions d’hygiène dans le marché ne sont pas respectées. C’est étroitement lié à la température et même au climat ».

Pour Kasong, la pauvreté, le faible niveau d’instruction ou son absence, ainsi que la promiscuité, aggravent la vulnérabilité dans plusieurs régions où le choléra est endémique. Il explique que parfois, surtout dans les milieux ruraux, il manque « de ressources pour mettre en place une abduction d’eau, se construire des toilettes modernes, se construire des canalisations d’eau et des déchets, etc. Il faut une aide d’une ONG, même pour la purification de l’eau », dit-il.

L’eau, les toilettes et le choléra : une affaire climatique ?

Faut-il, dans ces conditions, considérer, comme problèmes liés au climat, la combinaison des facteurs d’accès aux toilettes de qualité, à l’eau potable et la prévention du choléra ?

Pour Promesse-Ssie, « résoudre le problème des toilettes, c’est résoudre le problème du choléra à 35 % au moins . Mais il faut accompagner la gestion des toilettes par d’autres activités liées aux soins de santé. Puisqu’il y a de gros problèmes. Vous allez voir une personne qui a les premiers symptômes du choléra ne pas s’isoler. Ils disent que c’est la diarrhée que j’ai, ça va aller et à l’hôpital, cela va demander quand-même 100 000 CFA [soit 168,94 USD]. Je n’ai pas cet argent pour aller à l’hôpital  ».

En plus de l’implication totale de l’Etat dans la prévention de cette maladie par l’assainissement, Promesse-Ssie  dit, qu’il est important d’organiser une éducation des masses sur les comportements responsables et veiller à la qualité des sanitaires.

Selon Rodó Xavier,  le lien entre l’eau potable et les eaux usées est essentiel. Il peut se vérifier aussi bien dans les régions côtières que dans celles continentales. « L’installation de toilettes devrait être découragée dans les zones inondables, car cela peut clairement donner lieu à une contamination de l’eau du robinet, des terres cultivées, etc. », dit Rodó.

Rodó Xavier et ses collègues recommandent une surveillance intégrée des sources du microbe du choléra et des anomalies climatiques telles que les événements El Niño. Ils proposent aussi une modélisation prédictive combinant les données climatiques et des épidémies, et enfin, le renforcement des infrastructures dans les régions vulnérables, ainsi que la collaboration à l’échelle mondiale en termes de partage d’informations, notamment sur les souches du Vibrio cholera.

Image de bannière : Un centre de traitement du choléra de EU Civil Protection and Humanitarian Aid au Niger en 2028. Image de Ollivier Girard/Union européenne 2018 via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Citation :

Rodó  X, Bouma MJ, Rodrı´guez-Arias Mn, Roy M, De Yebra P, Petrova D, et al. (2024). Strain variation and anomalous climate synergistically influence cholera pandemics. PLoS Negl Trop Dis, 18(8) : e0012275. https://doi.org/10.1371/journal.pntd.0012275.

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