- Une étude révèle que la radiologie médicale favorise l’émission des gaz à effet de serre.
- A cause de la production et de l’utilisation d’équipements d’imagerie médicale et de fournitures connexes, la radiologie médicale produit jusqu’à 1 % des émissions globales.
- Un groupe international de chercheurs a développé une approche permettant aux départements et cabinets de radiologie de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de devenir plus résilients aux effets du changement climatique.
- Les auteurs de l’article suggèrent, par exemple, d’abréger les protocoles d’imagerie et d’élargir l’utilisation des applications cliniques d’imagerie à résonance magnétique (IRM) à faible champ.
La radiologie, grâce à la production et à l’utilisation d’équipements d’imagerie médicale et de fournitures connexes, génère jusqu’à 1 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) globales. Telle est la conclusion de l’étude réalisée par un groupe de scientifiques sous la supervision de chercheurs de l’université de Toronto au Canada.
Selon Kate Hanneman, Professeure agrégée à l’université de Toronto et Directrice adjointe de la durabilité au Département mixte d’imagerie médicale de l’Hôpital général de Toronto, « l’augmentation des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre entraîne des changements climatiques, des phénomènes météorologiques extrêmes et une aggravation de la pollution atmosphérique, avec des effets néfastes sur la santé en aval. A l’aide d’un diagramme, les auteurs de l’étude publiée en avril dernier dans Radiology, une revue de la Radiological Society of North America (RSNA), ont pu montrer l’interrelation entre la santé de la planète, le changement climatique et la radiologie.
L’étude est la deuxième d’une série parue dans l’édition spéciale de Radiology sur le thème de la durabilité à l’occasion de la célébration du Jour de la Terre sur la durabilité. Le premier article démontre les moyens permettant d’ajuster les pratiques d’IRM pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, tandis que le second explique comment les agents de contraste IRM ont été introduits dans l’environnement et documentés dans les systèmes d’eau.
L’objectif de l’étude est de sensibiliser à la relation interconnectée entre la santé planétaire et la radiologie, de sensibiliser les radiologues sur la nécessité de se soucier de la durabilité. Il s’agit aussi de présenter les actions à mettre en œuvre pour atténuer les impacts négatifs de la radiologie et de préparer les départements à s’adapter aux effets du changement climatique.
Enseignant de physique à l’université de Yaoundé I et fondateur de la Société camerounaise de physique, le Professeur Paul Woafo, qui n’a pas participé à l’étude, explique qu’un certain nombre d’équipements médicaux et certains traitements utilisent des radioéléments (émettant des rayonnements nucléaires) pour leur fonctionnement. « Les équipements de radiologie utilisent certains rayonnements. Aussi, les obtenir et les faire fonctionner impose-t-il effectivement un impact sur l’environnement et la production des gaz à effet de serre», explique Woafo.
« Pour ce qui concerne la radiologie diagnostic, l’on peut relever que l’étude IRM d’un abdomen utilise une quantité d’énergie suffisante pour refroidir pendant une journée entière une maison à trois étages, et provoque des émissions de gaz à effet de serre équivalentes à la conduite d’un véhicule à moteur sur 180 km », a indiqué Dr Lionel Djibie Kaptchouang, Climatologue et -environnementaliste en service à l’université de Dschang et membre du Consortium pour la nature et l’environnement durable au Cameroun. Selon lui, citant les travaux de Maura Brown, l’énergie requise dans un hôpital suisse pour alimenter quatre scanners IRM et trois tomodensitométries (TDM) pendant un an, en y associant les systèmes de refroidissement était équivalente à l’énergie nécessaire pour alimenter une ville de 852 habitants (…) ». « 32 postes utilisent une énergie suffisante pour alimenter 12 maisons familiales », a-t-il ajouté.
S’appuyant sur certains travaux, Djibie Kaptchouang indique que « le mode veille des appareils représentait 60 % du temps, et 40 % d’énergie consommée, alors que le mode actif équivaut à 20 % de temps des appareils et 40 % de consommation d’énergie ». D’après ses explications, la proportion d’émissions de gaz à effet de serre continue de croître à travers le monde et était, en 2016, de 0,77 %, soit 4 % de consommation énergétique d’un hôpital. A l’en croire, l’IRM émet plus de dioxyde de carbone que la tomodensitométrie.
Hanneman et ses co-auteurs proposent la mise en place par les services de radiologie d’une équipe de durabilité et d’un tableau de bord pour suivre et mesurer les paramètres clés et les indicateurs de performance. « Les départements devraient constituer une équipe diversifiée comprenant toutes les parties prenantes clés, notamment les radiologues, les technologues, la direction, l’informatique et la gestion des installations», recommande Hanneman, auteure principale de l’étude. Elle pense que « les individus et les groupes touchés par les changements de politiques et de protocoles devraient faire partie de la conversation dès le début ». Quant à Djibie, il est favorable à la mise en œuvre des actions en amont au travers de la réduction des demandes de recours aux soins pour la prévention.
Abréger les protocoles d’imagerie et élargir l’utilisation des applications
Hanneman pense que « lorsque plusieurs tests d’imagerie sont appropriés pour répondre à une question clinique, les tests d’imagerie avec des émissions plus faibles peuvent être priorisés ». Les auteurs recommandent également d’abréger les protocoles d’imagerie et d’élargir l’utilisation des applications cliniques d’imagerie à résonance magnétique à faible champ, qui peut, en plus de réduire les émissions pendant la phase d’utilisation, potentiellement améliorer l’accès mondial à l’IRM. « Les appareils d’IRM à faible champ ont tendance à être plus petits et moins coûteux, et il est de plus en plus reconnu qu’ils peuvent contribuer à lutter contre les inégalités en matière de santé », précise Hanneman.
Ils conseillent aussi, si possible, de travailler avec les fabricants pour mettre à jour ou remettre à neuf les équipements plutôt que d’acheter de nouveaux équipements d’imagerie. Afin de réduire les déchets d’emballage, les auteurs invitent à passer des systèmes d’injection de produit de contraste à dose unique aux systèmes d’injection de produit de contraste multi-patients et d’adopter des programmes durables de gestion des déchets. Pour Hanneman, en éteignant les scanners ou en réduisant leur consommation d’énergie lorsqu’ils ne sont pas utilisés, les émissions globales de gaz à effet de serre peuvent être réduites jusqu’à 33 % pour l’IRM et entre 40 % et 80 % pour la tomodensitométrie. L’optimisation de la planification des scanners peut également réduire les temps d’inactivité et les émissions moyennes de gaz à effet de serre par examen pour les unités d’IRM et de tomodensitométrie. « Utiliser un scanner 24h/24 et 7j/7 avec un temps d’inactivité minimal est plus efficace que d’utiliser trois scanners de neuf à cinq heures », a-t-elle indiqué.
« Bon nombre des actions décrites réduisent les émissions de gaz à effet de serre (y compris le dioxyde de carbone). Par exemple, mettre hors tension les appareils de tomodensitométrie et d’IRM pendant la nuit s’ils ne sont pas utilisés, ce qui réduit le gaspillage d’électricité et les émissions de GES associées », a souligné à Mongabay Hanneman par mail.
Hanneman a prévenu que les recommandations de son équipe ne visent pas à être universelles. Chaque système de santé ayant ses réalités dans ce domaine. Le physicien camerounais Woafo a semblé minimiser l’ampleur du phénomène au Cameroun. « Je ne sais pas si c’est une préoccupation pour le Cameroun vu le nombre limité de tels services en comparaison à d’autres pays », a-t-il laissé entendre. Seulement, les travaux réalisés par l’Agence nationale de la radioprotection du Cameroun, dont les résultats ont été commentés par son Directeur général en 2019 lors d’une rencontre à Yaoundé avec le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation, faisaient état de la présence de 600 établissements (principalement dans le domaine de l’imagerie médicale) disposant des rayonnements ionisants avec 800 personnels qui en sont exposés au Cameroun.
Des spécialistes en radiologie sont conscients des risques d’un centre d’imagerie médicale utilisant des techniques aux rayons X, donc la radiographie et le scanner, qui ont des effets néfastes sur l’environnement et induisent des risques élevés de cancers liés aux doses cumulées pour certains et aux fortes doses uniques.
Léonard Ayina Atangana, Radiologue et Ingénieur en imagerie médicale à la Direction générale de la Fondation médicale Ad lucem, dans le 3ème Arrondissement de Yaoundé, a confié que « la radiologie conventionnelle utilise les propriétés physiques des rayons X. Alors les rayons X sont des particules chargées d’énergie qui ont un pouvoir ionisant extrêmement important ». Atangana a insisté pour dire que la prescription d’un examen radiologique ne se fait pas par fantaisie ; il doit strictement se baser sur les principes de la justification (le besoin de l’examen doit être plus important que le risque auquel il expose le praticien et le patient), de la limitation (les doses doivent être limitées mais efficaces) et de l’optimisation (s’assurer d’obtenir un bon résultat).
Pour limiter les effets néfastes, des précautions sont observées. La signalisation de l’entrée des salles utilisant les rayons X avec restriction pour le personnel non formé, la protection des murs avec du plomb, la protection des grilles et fenêtres avec du plomb, la délimitation nette des zones concernées par l’examen avec le système de centrage, l’utilisation de diaphragmes pour limiter l’irradiation et la modification des paramètres en fonction de l’âge, du poids pour utiliser les doses minimales par examen. Et pour le personnel : l’utilisation d’un dosimètre pour évaluer la dose reçue, le droit au congé de rayons annuels, l’utilisation des outils de protection comme le tablier plombé, le protège thyroïde et les lunettes de protection. Il s’agit en bref de ce que Atangana a appelé « moyens de radioprotection ». Au Cameroun, les mesures proposées par des experts pour réduire les risques se heurtent à la prolifération des centres de radiologie ouverts par des particuliers, parfois de façon anarchique qui utilisent un matériel vétuste et un personnel non-qualifié mais vers lesquels se ruent des personnes aux moyens réduits.
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Image de bannière : Un patient en pleine intervention dans un appareil IRM. Image de NIH Image Gallery from Bethesda, Maryland, USA.