- Madagascar a récemment publié son premier rapport sur la transparence des pêches, dans le cadre d’un effort d’ouverture, de démocratisation et d’amélioration de la durabilité de son secteur de la pêche.
- Le rapport est une étape importante dans un processus défini par l’Initiative pour la transparence des pêches (FiTI), une organisation basée aux Seychelles.
- Il contient d’importantes informations sur les pêches traditionnelles, artisanales et industrielles, une liste des lois et réglementations encadrant le secteur, les régimes d’occupation et les accords d’accès.
- Il évalue également la transparence du pays selon la disponibilité et l’accessibilité des données dans six domaines thématiques énoncés par le Standard de la FiTI.
ANTANANARIVO — Madagascar a récemment publié son premier rapport sur la transparence des pêches, dans le cadre d’un effort d’ouverture, de démocratisation et d’amélioration de la durabilité de son secteur de la pêche. Le rapport est une étape importante dans un processus défini par l’Initiative pour la transparence des pêches (FiTI), une organisation à but non lucratif basée aux Seychelles.
Le 26 janvier, la FiTI a annoncé que Madagascar avait publié le rapport, qui couvre l’année fiscale 2022 et contient des informations jusqu’ici non divulguées, en décembre 2023. Madagascar est l’un des rares pays à avoir franchi cette étape dans le processus FiTI, Cabo Verde ayant publié son premier rapport à peu près en même temps. Le même jour, les États-Unis se sont engagés à aider Madagascar à lutter contre la pêche illicite.
« La présentation du rapport FiTI est le premier pas en direction d’une plus grande transparence du secteur de la pêche à Madagascar », Ketakandriana Rafitoson, qui est directrice générale de Transparency International-Initiative Madagascar (TI-MG), l’une des auteurs du rapport, et membre du conseil actuel de la FiTI, a dit à Mongabay. « Il reste toutefois encore beaucoup d’efforts à faire pour respecter intégralement les 12 exigences de transparence de la FiTI ».
La pêche est l’une des industries les plus essentielles et les plus lucratives de Madagascar, une nation insulaire qui compte plus de 5 600 kilomètres de côtes et environ 1,2 million de kilomètres carrés de zone économique exclusive. Le secteur a une capacité de production annuelle de 750 millions de dollars, ce qui représente 5 à 7 % du PIB national, selon les données de la Banque Mondiale citées par le ministère de la Pêche. Plus de 500 000 pêcheurs qui vivent le long des côtes de l’île dépendent des ressources marines pour leur alimentation et leur revenu et nourrissent des millions de personnes.
Le manque de transparence dans le secteur de la pêche a depuis longtemps suscité des préoccupations, avec des signalements de bateaux étrangers qui épuisent de manière abusive les stocks de poissons du pays, et des accords de pêche secrets passés avec d’obscures entreprises étrangères.
Le rapport élaboré par l’expert-conseil Eric Beantanana pour le groupe multipartite de Madagascar, un comité qui supervise la participation du pays au processus FiTI, fournit des informations sur les pêches traditionnelles, artisanales et industrielles, une liste des lois et réglementations encadrant le secteur, les régimes d’occupation et les accords d’accès. Il évalue également la transparence du pays selon la disponibilité et l’accessibilité des données dans six domaines thématiques tels qu’ils sont énoncés par le Standard de la FiTI.
Encore plus importants, des renseignements sur de grands navires, étrangers et nationaux, pêchant dans les eaux de Madagascar ont été rendus publics pour la première fois : leur mode de fonctionnement, le processus de délivrance des licences, la durée des accords régissant leurs activités, les quotas, les prises, les taxes payées, et l’utilisation que fait le ministère de la Pêche de l’argent obtenu grâce à ces accords.
Le rapport liste également les recommandations au gouvernement de Madagascar destinées à améliorer la transparence. Entre autres recommandations se trouve la numérisation de tous les documents relatifs aux lois, réglementations et politiques sur la pêche, afin qu’elles soient accessibles au public, et la suppression progressive des clauses de confidentialité des accords de pêche signés avec des entités étrangères.
Madagascar s’est engagé dans le processus FiTI il y a trois ans. Tsimanaoraty Paubert Mahatante, le ministre de la Pêche et de l’Économie bleue de Madagascar, lui-même un scientifique du domaine de la pêche, a dit à Mongabay que dès qu’il a été nommé ministre en août 2021, il a écrit au conseil de la FiTI pour indiquer la volonté du pays de rejoindre l’initiative. « Ils étaient stupéfaits au début », a-t-il dit. « C’était la première fois qu’ils voyaient un ministre leur écrire et exprimer sa volonté de rejoindre cette organisation ».
Madagascar et cinq autres pays, Cabo Verde, l’Équateur, la Mauritanie, São Tomé et Príncipe, et les Seychelles sont actuellement des « pays candidats » de la FiTI. Chaque pays a un groupe multipartite comprenant des représentants du gouvernement, de la société civile et du secteur privé pour guider et faire un rapport annuel sur ses progrès vers la satisfaction des 12 exigences de transparence du standard FiTI. En démontrant des progrès constants en direction de ce standard, ils pourront un jour devenir des pays « conformes à la FiTI », un statut qui, pour être conservé, demande des rapports réguliers et une validation par la FiTI.
Le groupe multipartite de Madagascar inclut actuellement 12 organisations et institutions. « C’est le seul moyen de faire en sorte que le groupe multipartite soit représentatif de toutes les pêches », Naly Rakotoarivony, responsable politique et partenariat de l’ONG Blue Ventures à Antananarivo et observateur du processus FiTI, a dit à Mongabay.
« L’appel à manifestation d’intérêt a été diffusé et rendu public dans tous les bureaux régionaux de la pêche », a-t-il précisé.
Il a ajouté que les petits pêcheurs étaient bien représentés dans l’élaboration du rapport et dans le groupe multipartite, à la fois dans les rangs des membres de la société civile, par le réseau MIHARI d’aires marines gérées localement, et dans les rangs des membres du secteur privé, par le Comité de gestion du poulpe dans le sud-est de Madagascar.
« Comme il s’agit du premier rapport FiTI du pays, il est très important d’impliquer autant de pêcheurs que possible dans le prochain rapport. Plus nous aurons de pêcheurs associés, plus le rapport aura d’impact », a dit Rakotoarivony.
Mme Rafitoson de TI-MG a souligné plusieurs recommandations formulées dans le rapport. L’une des plus importantes est de renforcer la lutte contre la corruption et d’assurer une application stricte de la loi afin d’éviter l’impunité, a-t-elle dit. Une autre est d’investir plus dans l’évaluation des stocks de poissons et d’effectuer une évaluation professionnelle de la biomasse et de l’effort de pêche. De telles évaluations n’ont pas été réalisées, et sont essentielles pour gérer les stocks de poissons de façon durable, a-t-elle expliqué. L’amélioration de la collecte des données et leur accessibilité en ligne est une autre tâche importante.
Le rapport indique que le fait que le ministère n’ait pas de portail d’informations en ligne a contribué au manque de transparence, mais le ministère en a lancé un en juillet 2023, après la période couverte par le rapport. En outre, même avant le lancement du portail, le ministère partageait des informations sur les plateformes de réseaux sociaux, un facteur que le rapport a pris en compte, a dit Mahatante. « Comme les gens nous suivent sur les réseaux, principalement sur Facebook, nous publions toutes les informations sur la pêche, l’aquaculture et toutes les activités du ministère », a-t-il ajouté.
Mahatante reconnaît néanmoins que la dissémination d’informations reste difficile, en particulier aux petits pêcheurs qui ont besoin d’informations précises et d’assistance technique pour améliorer leurs revenus. Le manque d’accès fiable à Internet dans les zones rurales, associé à un fort taux d’analphabétisme au niveau national, empêche de nombreuses personnes d’avoir accès à ces ressources. « Comment pouvons-nous concrétiser toutes les bonnes idées formulées dans le rapport pour les petits pêcheurs ? Nous devons diffuser les informations aussi largement que possible », a-t-il dit. L’une des solutions passe par les organisations comme le réseau MIHARI qui travaillent directement avec les communautés de pêcheurs, a-t-il dit.
Pour Rakotoarivony, la préparation du rapport FiTI et la création du site Internet du ministère font partie des progrès les plus importants en matière de gouvernance dans l’année écoulée. Les prochaines étapes pour Madagascar comprennent la finalisation et le lancement du deuxième rapport FiTI, couvrant l’année 2023, et la sécurisation du financement de la FiTI pour la mise en œuvre d’autres projets en matière de transparence.
Un soutien extérieur supplémentaire des États-Unis est également en suspens. Au cours d’une visite à Antananarivo en janvier, Calvin Foster, le commandant de la flotte navale américaine qui couvre l’Afrique, a discuté avec Mahatante de la façon dont les deux pays pourraient coopérer pour réduire la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) dans les eaux de Madagascar. Si tous les détails ne sont pas encore réglés, les possibilités incluent l’aide des États-Unis à former des inspecteurs de pêche ou à patrouiller les eaux malgaches, ou la fourniture de carburant, a dit Mahatante.
« Ils savent que la volonté d’améliorer la gouvernance de la pêche en général existe, et ils voudraient donc contribuer à maintenir les efforts que nous avons déployés jusqu’à présent », aindiqué Mahatante en faisant référence à la marine américaine.
Image de bannière : De jeunes pêcheurs installent un filet près du rivage de l’île de Nosy Faly alors qu’un chalutier pêche au large en 2021. Image par Mongabay.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2024/03/madagascar-takes-key-step-toward-improving-transparency-of-its-fisheries/